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06 janvier 2024
Normandie hivernale...

Grisaille de janvier…

Un ciel gris au-dessus de nos têtes, nous arrivons en milieu de matinée en Normandie. Aux portes de Rouen, le bord de Seine tout proche, un vaste plan d’eau s’étire sous nos yeux. Trois petits degrés au thermomètre mais il ne fait pas froid : l’air est sec et la température ressentie tout à fait supportable. Nous sommes cinq courageux à ne pas avoir craint de nous inscrire à cette première sortie nature de l’année 2024. Des habitués rompus aux balades en extérieur, préférant une journée au grand air à la longue digestion des agapes de Noël confortablement installés sur le canapé moelleux.

 

Et nous nous en félicitons car si le nombre d’oiseaux hivernants en ces lieux est aujourd’hui bien plus faible qu’à l’accoutumé, la diversité des espèces observées est tout à fait remarquable. Mais conservons une touche de suspens...

 

Nous nous installons vers 10h dans le premier observatoire de la réserve ornithologique. Un rapide coup de jumelles nous indique immédiatement que peu d’oiseaux sont visibles. Mais nous sommes dans une partie où l’essentiel du lac demeure invisible. Peut-être que les oiseaux sont aujourd’hui sur une autre partie du site. Dans le détail, les Fuligules morillons sont les plus nombreux. Beau petit canard plongeur, le morillon hiverne ici chaque année en nombre. Le mâle est bien reconnaissable à son plumage noir métallique, son flanc blanc comme neige et sa petite huppe sur la nuque. Quelques Fuligules milouins aux têtes roux-acajou trainent parmi eux. Des Grands Cormorans perchés dans les arbres contemplent la scène avec hauteur tandis qu’un Martin-pêcheur d’Europe passe au vol dans un éclair bleu et des cris très aigus.

 

Depuis le second observatoire qui permet d’embrasser la majeure partie du plan d’eau, la tendance se confirme : peu d’oiseaux. Ce n’est guère surprenant. Les canards viennent du nord passer ici la mauvaise saison. Mais l’hiver doux que nous connaissons cette année n’a pas contraint le gros du peloton a fuir le nord de l’Europe. Beaucoup d’oiseaux sont donc restés tranquillement au Bénélux, en Allemagne, voire plus au nord encore se dispensant ainsi de nombreux kilomètres inutiles. La vague de froid annoncée pour la semaine prochaine changera peut-être la donne mais pour le moment, les effectifs sont maigres.

 

Maigre ! Tout est relatif toutefois car les étangs de la région sont connus depuis trois ou quatre décennies pour être une zone importante d’hivernage des oiseaux d’eau qui se rencontrent souvent par milliers. Aujourd’hui, environ 180 Fuligules morillons et 340 Fuligules milouins stationnent la tête sous l’aile ou plongent dans l’eau grise à la recherche de leur nourriture. Un couple de Garrots à oeil d’or sont rapidement découverts. Plumage noir et blanc pour le mâle dont la tête émeraude ne tranche pas par cette météo blafarde. Un groupe de Vanneaux huppés arrivent au vol, papillonnent quelques minutes au-dessus de l’eau et posent sur la rive peu profonde de l’îlot au centre de l’étang. Mais les oiseaux sont nerveux et ne cessent de s’envoler pour poser à nouveau avant de repartir encore une fois.

 

Les canards de surface sont étonnamment absents. En fouillant les rives, nous découvrons toutefois une petite bande de Sarcelles d’hiver, un couple de Canards chipeaux, un couple de Canards souchets et quelques rares Canards colverts. Et une première surprise : en déyaillant chaque fuligule, nous observons une femelle arborant un large anneau blanc autour du bec et sur le front. Sa taille proche de celle du Fuligule milouin et sa nuque bien ronde sans ébauche de huppe signe un Fuligule milouinan. C’est une espèce rare à l’intérieur des terres qui hiverne majoritairement le long du littoral de la Manche et de l’Atlantique. Quelques individus entrent chaque année sur les eaux intérieures en petit nombre, surtout à la faveur des tempêtes d’ouest qui balaient les côtes à l’automne.

 

Autour de la base de loisirs…

 

Nous quittons la réserve pour nous rendre sur la base de loisirs : immense plan d’eau de 370 hectares qui accueille chaque hiver de nombreux oiseaux venus du nord. Au sud-est du lac, dans une trouée entre les arbres, nous braquons la lunette d’observation pour détailler les premiers groupes de canards présents dans cette partie. Beaucoup de Foulques macroules et de Fuligules morillons mais l’une des premières espèces aperçues est une espèce rare : un Grèbe jougris. Plus habitué au littoral en hiver, ce grèbe pénètre rarement à l’intérieur des terres et son observation est à la fois une surprise et une réelle chance.

 

Nous entamons le tour du plan d’eau. Balade à pied d’environ huit kilomètres qui va nous occuper le reste de la journée. Une brise légère mais fraiche souffle du nord. Prémices du changement de temps annoncé. Les cols de vestes remontent, les bonnets s’enfoncent sur nos têtes. Les nuages se déchirent lentement et des pans de ciel bleu apparaissent ici et là. Forts timides pour le moment mais Météo France se montre optimiste : la lumière arrive.

 

Nous croisons les doigts car pour le moment, la nature ressemble à un vieux téléviseur des années 60 : en noir et blanc. Ciel blanc, eau noire sauf en direction de l’ouest où elle miroite dans le contre jour, végétation sombre sur les pentes de la vallée de la Seine. Quelques gouttes d’un crachin passant au loin nous surprennent un peu avant l’heure du déjeuner.

 

En parlant de déjeuner... Nous nous installons sur une petite presqu’île, les jumelles et la lunette d’observation braquées sur la surface de l’eau. Des mains plongent au plus profond de nos sacs pour en tirer sandwiches, salades et thermos de soupe chaude ou de thé. Nous remarquons à peine et trop tard que le Grèbe jougris s’est considérablement approché de la rive. Le temps de réagir et l’animal s’est déjà éloigné. Quelques appareils photos crépitent malgré la distance. Nous garderons ainsi un beau souvenir de ce bel oiseau. A quelques centaines de mètres, une bande d’une quinzaine de Garrots à oeil d’or paradent.

 

Nous poursuivons notre balade. Marcher nous réchauffe. Le soleil se fait plus présent à chaque minute. De belles lumières dorées balaient maintenant le paysage. Taches mouvantes de couleur se déplaçant au gré des trouées dans le ciel. Deux harles - de grands et beaux canards aux silhouettes élancées - apparaissent tour à tour dans nos jumelles. Une femelle de Harle huppé d’abord. Une espèce hivernant habituellement sur le littoral et venue de l’ouest. Puis une femelle de Harle bièvre ensuite. Une espèce hivernant sur les grands lacs continentaux de Champagne, d’Allemagne, de Suisse et plus à l’est encore. Notre liste s’allonge. Plus loin, ce sont deux autres oiseaux particulièrement intéressants que nous rencontrons : deux Plongeons imbrins. Eux aussi hivernent plutôt en mer le long de la façade atlantique. Tous ces oiseaux inhabituels ont été déportés au cours de leur migration vers l’intérieur des terres durant les épisodes de vents forts que la France a subi en novembre.

 

Une aubaine pour les naturalistes que nous sommes.

 

Peu avant d’achever notre boucle autour du plan d’eau, nous découvrons un petit groupe d’une dizaine de Grèbes à cou noir. Espèce qui hiverne chaque année sur le site et qu’il est toujours agréable d’observer. Nous aurons ainsi pu admirer quatre des cinq espèces de grèbes que compte l’Europe. Seul le Grèbe esclavon nous a échappé malgré nos recherches : il est régulièrement observé en ces lieux en hiver... Mais pas aujourd’hui.

 

Revenus à notre point de départ peu avant 17h00 alors que le jour décline rapidement, notre liste est longue de 53 espèces d’oiseaux : une belle performance pour un mois de janvier. La température baisse en même temps que la luminosité et nous réintégrons les voitures et les habitacles chauffés. Une bien belle journée pour cette première sortie de l’année. Une belle année qui débute entre amis et dans la nature. Nul doute que nous en connaitrons encore bien d’autres.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Plongeon imbrin, Grèbe castagneux, Grèbe à cou noir, Grèbe huppé, Grèbe jougris, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Fuligule milouinan, Garrot à œil d'or, Harle bièvre, Harle huppé, Faucon crécerelle, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Vanneau huppé, Goéland leucophée, Goéland brun, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Martin-pêcheur d'Europe, Pic épeiche, Corneille noire, Pie bavarde, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Accenteur mouchet, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Verdier d'Europe, Tarin des aulnes, Pinson des arbres

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