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12 septembre 2023
Une soirée au brame...

Après la pluie…

Journée tourmentée après la période de canicule qui a cuit la France durant une dizaines de jours. La pluie salvatrice est enfin venue abreuver la terre desséchée, accorder un répit à la forêt assoiffée. Les naturalistes que nous sommes, certes soulagés de cette aubaine liquide, n’en demeurent pas moins circonspects à l’idée d’une sortie au brame du cerf dans la soirée. Mais conformément aux prévisions de Météo France, le plafond s’élève en fin d’après-midi, les pluies cessent et les nébulosités commencent à se déchirer, laissant apparaître le bleu du ciel.

 

Après nous être retrouvés au milieu de la forêt, notre groupe chemine sur le tracé d’une ancienne voie romaine. La Pax Romana parvenue en ces lieux après que les celtes aient déposé les armes, les légions de César zébrèrent la carte de routes qui sont encore là aujourd’hui. Une lumière dorée baigne le sous-bois. Les rayons du soleil filtrent à travers les branches des grands chênes et illuminent les touffes de bruyère en fleur. Il y a là des bouquets de Callunes communes aux fleurs de couleur parme et quelques pieds - plus rares - de Bruyère cendrée.

 

Beaucoup de Pins sylvestres nous entourent maintenant. Une ou deux parcelles plantées de conifères pour leur croissance rapide. Mais les oiseaux de nos régions préfèrent les essences feuillues. Peu d’entre eux choisissent les pins pour nicher et se nourrir. Quelques Mésanges huppées crient ici et là, ainsi qu’une Mésange noire - une espèce peu commune en Ile-de-France. Une petite bande de Roitelets huppés volent de branche en branche.

 

A l’heure du pique-nique (aux environs de 20h00), une brume diaphane monte du sol. Un voile blanc d’humidité qui se hisse de quelques mètres au-dessus du sol. L’air est parfaitement immobile, le ciel dépourvu de nuage et le mercure du thermomètre descend de quelques degrés. Le décor est planté : ce sont des conditions idéales pour le brame. Mais les cerfs se taisent. Pour le moment.

 

Le premier se fait entendre avant la fin du repas. Une voix grave, profonde s’élève dans la pénombre qui gagne du terrain à chaque minute. Un animal entre en scène. Loin de nous pour l’instant. Mais ce n’est que le début de la représentation, l’ouverture du rideau.

 

Nous reprenons notre périple. Car si les cerfs ne viennent pas à nous, nous pouvons aller à eux. Bientôt, certains d’entre nous perçoivent des mouvements en sous bois. Dans la lumière du soir, des biches courent en tout sens. Un coup à gauche. Un coup à droite. Comportement qui à cette saison ne peut avoir qu’une cause.

 

Le cerf !

 

Monsieur arrive sur ces entrefaites au petit trot. Excité comme un poux, il a décidé de courtiser ces dames. Mais l’approche est un peu vive et peu efficace pour le moment. La scène se déroule malheureusement derrière un rideau d’arbres. On devine plus qu’on observe. Le brame se rapproche toutefois. La belle voix du cerf que nous venons d’entre-apercevoir et celles d’au moins deux autres patriarches un peu plus loin.

 

Ambiance fantomatique…

 

Parvenus en lisière d’une clairière couverte de graminées jaunies par l’été, nous jetons un coup de jumelles, cherchons les animaux. Mais ici la brume recouvre tout. La lumière baisse rapidement. Les jumelles deviennent inutiles. Le spectacle sera auditif !

 

Deux cerfs brament : chacun en haut de la pente devant nous. Le premier en face. Le second sur notre droite. Trois ou quatre cents mètres nous séparent d’eux. Mais tout change en quelques secondes. Le cerf de droite descend la pente et vient bramer au centre de la clairière à cent mètres de nous à peine. Le second le rejoint immédiatement et brame aussi fort que lui. S’en suit une course poursuite invraisemblable. Tout en bramant autant que possible les animaux se chassent mutuellement. Le maître des lieux et un intru qui tente de lui ravir le territoire et les biches qui s’y trouvent. L’enjeu est d’importance pour les deux cerfs. L’issue de l’échauffourée déterminera leur saison de reproduction. Le vainqueur contera fleurette, l’autre fera tapisserie. La course se poursuit. Bruits de cavalcade. Bruit des bois qui s’entrechoquent, entre eux lorsque les deux mâles se font face et contre les branches lorsque les animaux courent et se cognent en sous-bois.

 

Les animaux s’approchent très rapidement. Mais la nuit s’est refermée et nous ne les voyons pas malgré la très faible distance : une quarantaine de mètres environ. Les sons et notre imagination pallient l’inutilité de nos yeux. Dans nos têtes, la scène se déroulent comme si nous pouvions la voir. La nuit, les chênes, les bouquets d’aubépines en bordure de clairière, quelques fougères, la brume, le ciel clair dans lequel les premières étoilent s’allument. Et les deux belligérants qui luttent pour le droit de transmettre leur patrimoine génétique à la nouvelle génération qui verra le jour au printemps.

 

Le maître des lieux prend l’avantage. L’intru remonte la pente qu’il a descendu quelques minutes plus tôt empli de prétentions. Ce n’est que partie remise : demain, la semaine prochaine ou dans un an, il aura sa revanche. Ce n’est qu’une question de temps. Le vainqueur, lui, joue les prolongations. Gonflé d’hormones et de faits d’arme, on l’imagine trônant au milieu de la clairière, majestueux et le torse bombé, la tête levée et les bois couchés sur le dos bramant à la nuit.

 

Puis tout s’estompe. La scène s’achève. Le rideau se referme.

 

Le silence revenu, nous reprenons notre marche. Le chemin est détrempé. De larges flaques de pluies barrent le passage et dans le noir, il n’est pas aisé de les franchir sans dommage. Les lampes d’appoint sortent des poches et nous poursuivons parmi les raires qui nous accompagnent de loin en loin.

 

Sur le chemin du retour, dans une obscurité presque complète, des Chouettes hulottes se font entendre. Cris aigus et puissants pour la femelle, ululements pour le mâle. Après sept ou huit kilomètres de marche, nous revenons à notre point de départ un peu avant 23h00. Le ciel bien dégagé, laisse apparaître la voûte céleste. La Grande Ourse au nord-ouest à partir de laquelle on débusque l’étoile polaire, la Petite Ourse, le Bouvier et Arcturus son étoile principale...Nous nous séparons après une belle soirée. Merci à toutes et à tous d’être venus partager ce bon moment.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Chouette hulotte, Pigeon ramier, Pic mar, Pic épeiche, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange noire, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Merle noir, Rougegorge familier, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

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