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21 janvier 2023
Matinée aux étangs
de Saint-Hubert.
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Une bise mordante…

Ciel de plomb. Du gris au nord, du gris au sud. Ainsi qu’à l’est et à l’ouest. Mais du gris accompagné de nombreuses nuances. Des nuages amoncelés au-dessus de nos têtes. Des nuages d’épaisseurs variables. Les plus fins laissent bientôt filtrer une belle lumière orangée, teintée des derniers vestiges du lever de soleil. Proche du point de congélation, le thermomètre subit les assauts d’une bise tout droit descendue du nord.

Glaciale !

Mordante !

L’eau des étangs n’est pas gelée. Le refroidissement – trop récent – n’a pas eu le temps de figer la surface. Sur notre gauche, deux aigrettes pêchent le long des roseaux jaunis par l’hiver. La première est une Grande Aigrette : oiseau majestueux de la taille du Héron cendré mais dotée d’une élégance bien supérieure à ce dernier. A côté d’elle, une Aigrette garzette. Plus petite d’environ un tiers et tout aussi élégante que sa grande cousine. Elle s’identifie aisément à ses pattes noires terminées par des pieds jaune d’or. Les oiseaux côte à côte nous permettent de bien appréhender la grande différence de taille opposant les deux espèces.

Un cas d’école…

Le chant explosif de la Bouscarle de Cetti troue brusquement le silence.

Une bande d’environ 70 Canards souchets stationnent sur l’eau. Beaucoup ont la tête sous l’aile, blottis dans les bras de Morphée. Ce canard diffère des autres par son bec en forme de spatule qui lui permet de filtrer l’eau de surface et de capturer les micro-organismes en suspension. Mais la grande distance nous séparant des oiseaux nous empêche d’observer ce caractère. Seul le flanc marron cerné de blanc qu’arborent les mâles identifie l’espèce. Quelques Cygnes tuberculés au plumage immaculé nagent avec leur nonchalance coutumière tandis qu’une bande d’environ 25 Grands Cormorans se balancent mollement au souffle du vent, perchés dans les hautes branches d’un groupe de bouleaux. Hors de l’eau, il est aisé de distinguer les adultes – entièrement noirs – des jeunes – au plumage plus brun et avec le ventre blanc.

Nous longeons ensuite la rive sud de l’étang. Entre le vent froid et nous, la forêt s’élève comme un rempart salutaire. La température ressentie s’élève immédiatement. Dans les grands chênes, des oiseaux chantent : Mésanges charbonnières, Mésanges bleues, Rougegorges familiers, Troglodytes mignons… D’autres se contentent de bavarder entre eux à l’aide d’un langage plus simple et moins mélodieux construit de cris de contact et d’échanges quotidiens signifiant sans doute « je suis là », « il y a à manger dans ce buisson », « attention prédateurs potentiels en vue », « chérie, tu n’aurais pas vue mes clés de voiture ? »… La voix sèche et métallique du Pic épeiche se fait entendre, tout comme le bavardage de deux Sittelles torchepots, le monologue d’un Grimpereau des jardins ou encore les cris d’une petite bande de Grives litornes passant au vol au-dessus de nous.

Notre chemin tourne ensuite à angle droit et fuit en sous-bois en direction du nord. Sous les houppiers des grands chênes, le chemin se transforme en couloir dans lequel s’engouffre Eole. La bise fouette à nouveau nos visages lorsque nous atteignons le papillon de chasse de l’Empereur. Napoléon Ier a en effet demandé la construction d’un édifice aux dimensions fort modestes afin de s’y reposer lorsqu’il venait en ces lieux s’adonner à quelques activités cynégétiques. Bâti en 1808, le pavillon menaçait déjà ruine à la moitié du XIXe siècle, ayant été abandonné dès la Restauration.

 

Des bandes de canards sur l’eau…

Arrivés sur le pont Napoléon, digue séparant les deux étangs les plus orientaux sur les six que compte la chaîne des étangs de Saint-Hubert, des rayons de soleil parviennent encore à se frayer un chemin à travers les nébulosités de plus en plus denses. Le groupe de Canards souchets stationne toujours au milieu de l’étang. Des Canards colverts et quelques Canards chipeaux se mêlent à eux. Des cris flûtés de Sarcelles d’hiver arrivent à nos oreilles sans que nous parvenions à observer les oiseaux. Des Fuligules milouins dorment également sur l’eau. Ces canards plongeurs sont capables d’aller chercher leur nourriture à trois ou quatre mètres de profondeur. L’espèce est peu commune sur les plans d’eau de la forêt de Rambouillet et tend à se raréfier d’année en année. Peut-être un effet du réchauffement climatique qui permet aux oiseaux de rester tout l’hiver dans l’Europe du nord. Ou – plus grave – une raréfaction de l’espèce elle-même à l’instar de la biodiversité dans son ensemble qui se réduit peu à peu comme peau de chagrin. Le Fuligule milouin a en effet été placé sur la liste rouge mondiale des espèces menacées.

Sur la rive nord, une impressionnante terrasse de pierre demeure et surplombe l’eau et la roselière. C’est tout ce qu’il reste du « pavillon de chasse » du Roi Louis XV. Terrasse achevant les jardins de Sa Majesté devant le « pavillon » lui-même. L’emploi des guillemets ici s’impose car ce « papillon » n’avait rien de commun avec celui de l’empereur qui n’aurait même pas été considérée comme une cabane au fond des bois. Lorsque le Roi venait chasser en forêt de Rambouillet, une partie de la Cour l’accompagnait. Le roi – à chaque visite – commandait ainsi des agrandissements, ajoutait ici, bâtissait là. A sa mort – en 1774 – le « pavillon de chasse » comptait 150 appartements.

A chacun son petit intérieur…

Nous nous apprêtions à poursuivre notre chemin et à quitter la digue lorsqu’un chevreuil sort du bois, traverse l’espace entre les deux haies d’aubépine pour disparaître l’instant d’après, happé par le couvert végétal. Un instant nous pensons avoir rêvé. Mais non : point d’hallucination car l’enchantement se lit sur chaque visage. Vision empreinte de magie comme seule la Nature sait en offrir !

Le retour se fait par la rive nord, boisée. Le vent agite toujours les hautes branches mais reste imperceptible au niveau du sol. Des Rougegorges se perchent sur des buissons et descendent fréquemment au sol quérir une graine ou une baie tombée à terre. Quelques rondes de mésanges hantent également le sous-bois. En bandes regroupant plusieurs espèces, elles cherchent ensemble leur nourriture : Mésanges charbonnières, Mésanges bleues, Mésanges nonnettes, Mésanges à longue queue… L’union faisant la force, les oiseaux sont plus en sécurité lorsqu’on peut compter sur de nombreuses paires d’yeux pour surveiller les environs.

Peu après midi, nous bouclons la boucle. Le froid a fini de traverser nos couches textiles et nous sommes heureux de retrouver l’habitacle chauffé de nos véhicules. Merci à tous d’être venus braver le vent du nord pour admirer la forêt et ses richesses. Nous reviendrons !

 

Liste espèces :

Oiseaux :

Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Faisan de Colchide, Foulque macroule, Pigeon ramier, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive litorne, Bouscarle de Cetti, Étourneau sansonnet

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Lièvre d’Europe

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