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06 septembre 2022
Brame en forêt
de Rambouillet.
..

Fin d’une chaude journée…

 

La météo en cette soirée du 6 septembre n’est pas spécialement optimiste. Des averses, du vent avec des rafales pouvant aller jusqu’à 55 km/h... Pas des conditions rêvées pour une soirée au brame. Mais partant du principe qu’il ne s’agit que de prévisions et en aucun cas de réalités prémonitoires, notre petit groupe se retrouve comme prévu au milieu de la forêt. Le ciel est certes chargé de nuages mais la nature semble immobile. Pas un souffle d’air pour faire vibrer la végétation ni même emporter au loin les nébulosités. Une lumière dorée filtre à travers des déchirures. L’air est moite, lourd au moment où nous partons en file indienne sur un étroit chemin.

 

La Callune commune - une bruyère à floraison automnale - est teintée de parme. Quantité de glands jonchent le sol alors que les rares châtaigniers présents dans cette partie de la forêt sont encore chargés de leurs fruits. Nous marchons en silence, attentifs au moindres mouvements du sous-bois. Pour le moment, pas un animal en vue, mais la soirée ne fait que débuter.

 

Vers 20h, une pause pour pique-niquer est décidée. Le calme règne toujours. Rien à signaler à l’exception d’un Pic noir que nous avons aperçu au vol après que l’oiseau se soit abondamment annoncé à force de cris aigus. Au milieu du repas, une bourrasque s’invite brutalement et vient chahuter les houppiers des grands chênes faisant tomber de nombreux glands tels une averse de grêle. Le vent semble s’installer et mugit dans les hautes branches. Le ciel s’obscurcit nous rappelant les fameuses prévisions de Météo France que nous avons souhaité ignorer. Les minutes passent sans que la pluie apparaisse. Le vent reste stable - loin toutefois des 50 km/h annoncés. Rien de grave pour le moment.

 

Le groupe s’apprêtait à repartir lorsqu’un mouvement est détecté en haut du chemin en contrebas duquel nous avons dîné. Un animal est sorti du bois : un beau brocard avec des bois dépassant la longueur des oreilles. Après une courte hésitation, le chevreuil descend le chemin au petit trot et avance rapidement vers nous. Curieusement, il ne semble pas détecter notre présence. Nous sommes parfaitement silencieux, tous habillés de sombres et donc peu visibles. Et surtout, nous avons le vent de face...

 

L’animal s’arrête à une vingtaine de mètres de nous. Il relève la tête, s’interroge sur ces formes qu’il doit maintenant apercevoir. Mais son odorat ne lui sert à rien puisque nous ne sommes pas sous le vent. Le chevreuil hésite, une minute, puis deux. Dans le groupe, les paires de jumelles passent de main en main. L’observation est magnifique dans la lumière du soir. Puis l’animal choisit d’écourter cette observation mutuelle. Il tourne les talons et de deux bonds pénètre dans le couvert végétal.

 

Nous ne le savons pas encore, mais cet animal est venu lancer une fort belle soirée.

 

Car après avoir repris notre marche, nous apercevons bientôt un autre animal. Il n’est d’abord qu’un mouvement aperçu entre les troncs des chênes. Puis on aperçoit un dos, au poil assez roux, monté sur de longues jambes. Puis une tête surmontée de bois : un cerf ! Jumelle en main, nous attendons que l’animal soit à découvert. Il marche lentement et passe devant nous sans nous remarquer. Deux petits bois agrémentés chacun de trois à quatre andouillers. Un jeune cerf immature de deuxième ou troisième tête - soit un jeune animal de trois ou quatre ans.

 

Au même moment, une voix grave, profonde s’élève sur notre droite. Il est 20h30 : le brame est lancé. Premier coup de gueule sans suite pour le moment. Nous tendons l’oreille mais le cerf s’est tu. Les bourrasques emportent les sons au loin. Mais après deux ou trois minutes d’attente, alors que le jeune cerf vient de disparaître, le soliste reprend et jette aux quatre vents deux ou trois raires supplémentaires.

 

La nuit tombe…

 

Nous reprenons notre marche dans une pénombre grandissante. Le grand cerf jette de loin en loin un brame qui nous parvient atténué. Nous poursuivons notre marche silencieuse pour contourner l’animal, être sous son vent et ne plus lui envoyer nos effluves en pleine figure.

 

Quand aux environs de 21h30 le vent cesse aussi vite qu’il est apparu. La forêt retrouve son calme. Le temps est comme suspendu. Le ciel s’est découvert sans que nous ne nous en rendions compte. Les premières étoiles brillent : au zénith, Véga - la principale étoile de la constellation de la Lyre - troue le bleu de la voute céleste. La température fraichit d’un coup.

 

C’est le signal que la forêt attendait. Un brame se fait entendre sur notre droite, loin. Plusieurs centaines de mètres. Mais un autre lui répond sur notre gauche, plus près. Le mot est lancé. Un troisième démarre à son tour suivi rapidement d’un quatrième. Des pauses silencieuses de plusieurs minutes s’invitent et ponctuent le concert. A l’orée d’une clairière nous décelons la présence d’animaux invisibles. Des pas, de vagues ombres sans forme distincte. Et le brame d’un grand cerf à la voix moins grave, moins rauque que les autres. Nos yeux devenus inutiles cèdent la place à notre imagination. Un noble animal portant de grands bois trône au centre de la clairière et hurle à la lune qui brille maintenant au-dessus des arbres.

 

Claquement sonores de bois choqués les uns contre les autres. Deux cerfs se défient têtes baissées. Sans doute pas un combat entre dominants car la joute cesse aussitôt. Plutôt le jeu de deux jeunes cerfs qui imitent les grands et se préparent à leur avenir.

 

Bruit d’une cavalcade.

 

La silhouette d’une biche passe devant nous au galop. Le cerf derrière elle mais hors de vue. Le mâle brame et se déplace rapidement dans le même sens que sa promise. Mais madame bifurque, remonte en haut de la clairière où le cerf la rejoint. Tout ceci dans le noir et relégué au rang de déductions auditives.

 

Nous poursuivons notre périple lorsque le calme revient. Il fait maintenant très sombre mais nous n’allumons aucune lampe, nous contentant de la lueur pâle qui tombe du ciel et que nous trouvons amplement suffisante pour avancer sans risque. Il est 22h30 et plus aucun son ne parvient à nos oreilles à l’exception du hululement d’une Chouette hulotte.

 

Lorsque nous pénétrons sous une grande futaie de chênes, l’obscurité devient presque complète. Les nuages masquent à nouveau le clair de lune et nos lampes sortent des sacs. Nous ne serons bien sur plus aussi discrets que nous l’aurions souhaité, mais mieux vaut cela que de risquer une chute ou une entorse sur le chemin très inégal. Dans la nuit, deux paires d’yeux nous regardent passer sans peur : deux chevreuils. Un peu plus loin, c’est au tour d’un beau Renard roux de traverser les faisceaux de nos lampes. Il s’éloigne sans peur, débonnaire. Nous retrouvons nos véhicules peu après 23h00. Les adieux sont malheureusement écoutés par l’averse qui crève juste à cet ultime instant.

 

Une belle soirée que nous sommes heureux d’avoir vécue. Une belle soirée qui ne s’achève pas tout à fait de la sorte car pour ceux qui rentrent en direction de Rambouillet, une dernière surprise doit encore venir enrichir la liste des animaux rencontrés : deux Blaireaux européens se montrent tout à coup dans les phares de la voiture. Le premier sur le talus disparait rapidement dans les fougères déjà teintées d’automne. Le second choisit de courir sur la route devant nous puis d’obliquer sur la droite nous montrant sa tête blanche masquée de noir. La vision fut brève mais chargée d’émotion. Difficile d’imaginer plus beau final !

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Héron cendré, Pigeon ramier, Chouette hulotte, Pic noir, Pic mar, Pic épeichette, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Pouillot véloce

 

Mammifères :

Cerf élaphe, Chevreuil européen, Blaireau européen, Renard roux, Lièvre d’Europe

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