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07 juillet 2022
Les lisières de Raizeux...
Un reste de canicule…
La plaine s’étale devant nous et tout autour bois et forêts s’étirent à perte de vue. Colza et céréales ont été moissonnés. Avec la chaleur et la sècheresse qui persistent depuis le début de juin, les récoltes n’ont accusé aucun retard. Terminées, achevées : et fissa ! Ce soir, des tracteurs déchaument et hersent les parcelles rases, les préparent déjà aux récoltes de l’an prochain. L’agriculture est un domaine où on ne perd pas de temps.
L’azur au-dessus de nos têtes garde le souvenir de la torpeur qui vient d’assommer la plaine. Les records ont de nouveau plu, frôlant les 40°c à l’ombre durant plusieurs jours consécutifs. Aujourd’hui la chaleur est moins forte mais l’air est lourd. Moite. Les pluies orageuses des dernières quarante-huit heures ont désaltéré cette terre racornie, assoiffée et entièrement tournée le ciel appelant de ses vœux un quelconque répit.
Le groupe s’engage sur le chemin sableux, goûtant la faible brise qui nous rafraîchit timidement. Un couple de Faucons crécerelles chasse au-dessus des chaumes et multiplie les allers-retours avec un bouquet d’arbres dans lequel est sans doute dissimulé leur nid. On imagine des bambins insatiables réclamant à cors et à cris toujours plus de nourriture que leurs parents épuisés peinent à leur apporter. La fin juillet approche et les jeunes faucons sont sans doute bien près de prendre leur envol. Bientôt ils apprendront à chasser et gagneront en indépendance.
Une Alouette des champs pousse la chansonnette : ses notes aigües et abondantes tombent du ciel à chaque instant – l’alouette chante en effet au vol, à une cinquantaine de mètres au-dessus de son territoire qu’elle embrasse du regard. Une Bondrée apivore – un rapace de la taille d’une Buse variable – siffle longuement. Nous la découvrons elle aussi dans le ciel, très haut. Elle tourne, prend encore de l’altitude et glisse majestueusement vers le nord-ouest. Bientôt elle partira loin vers l’Afrique tropicale où elle ira passer l’hiver.
L’ombre du sous-bois est la bienvenue. La chaleur s’estompe et la moiteur cède du terrain, emportée par la brise. Le groupe respire davantage. Une voûte de châtaigniers, de charmes, de chênes nous enveloppe. Deux espèces de chênes poussent en forêt de Rambouillet si on écarte les plantations de Chênes rouges d’Amérique qui n’ont comme leur nom l’indique rien d’autochtones : le Chêne pédonculé et le Chêne sessile qu’on distingue l’un de l’autre par une histoire un peu alambiquée de pédoncule…
Le pique-nique s’organise en lisière, au coin d’un petit bois. Sandwiches ou salades : chacun son camp. Mais nous restons attentifs à la nature qui nous entoure. D’un œil, nous surveillons la ligne d’arbres et guettons l’animal qui pourrait sortir du bois… Dans le chaume, un lièvre détale lorsqu’une grande et élégante silhouette arrive au vol deux mètres au-dessus du sol : un beau rapace dont le lièvre n’avait pas grand-chose à craindre. Le large anneau blanc sur le croupion signe une femelle de Busard Saint-Martin. L’oiseau chasse, les yeux rivés au sol. D’un vol gracieux, le busard fouille la végétation de son regard perçant, passe et repasse à bonne distance mais s’approche parfois de notre groupe. L’observation est belle et nous mesurons notre chance car sans être très rare, l’espèce est souvent discrète durant la saison de nidification.
La nuit tombe peu à peu…
La soirée se poursuit, l’heure tourne et la lumière devient dorée, rasante. Les ombres des arbres et des bois s’étirent démesurément. De nombreux papillons volettent dans les hautes herbes : des Procris qu’on appelle aussi Fadets communs – petits papillons orangés très communs. Alors que le disque du soleil s’apprête à toucher le sol, nous découvrons deux autres busards posés au sol. Plumage plus sombre sur le dos et bien plus roux sur le ventre. Au vol, ils se montrent plus gauches, moins à l’aise et se posent rapidement après quelques battements d’ailes seulement. Il s’agit de deux jeunes oiseaux de l’année. Probablement les bambins de la femelle qui chasse toujours dans les environs. L’absence du père est remarquée : sans doute a-t-il sa soirée libre avec sa bande de copain. A moins que le mâle n’ait eu un accident : collision avec un véhicule, tir d’un braconnier (oui, cela existe encore à notre époque…)
Dans la lumière orangée du couchant, une petite volée de Linottes mélodieuses passe et s’éloigne rapidement. Un Faucon crécerelle chasse longuement tandis que deux chevreuils mangent en plaine à quelques dizaines de mètres du couvert végétal. Au milieu du chemin, accrochée à une fleur d’ombellifère, une chenille de Machaon – un superbe papillon – se laisse observer et photographier. Une très belle chenille verte zébrée de noir et ponctuée de rouge.
Photo !
Maintenant que Râ s’en est allé éclairer le Nouveau Monde, la pénombre s’accroit tout au long d’un crépuscule jaunâtre. Une grosse chauve-souris a quitté le gîte qui l’a abritée la journée durant. Elle aussi a le ventre creux et à son tour elle s’élance chasser ses proies d’un vol acrobatique. Sur le chemin, nous ramassons quelques plumes. Juillet est le mois de la mue pour de nombreuses espèces, période durant laquelle beaucoup d’oiseaux renouvellent leurs vieilles plumes usées jusqu’à la corde. Des plumes de Faisans de Colchide pour la plupart. Mais également quelques-unes de Pigeons ramiers et même une d’Effraie des clochers, une belle chouette devenue fort peu commune. Même si nous n’avons pas eu la chance d’apercevoir ce beau rapace nocturne, la plume découverte constitue un indice de la présence de l’espèce en ces lieux. Une bonne nouvelle !
Les véhicules ne sont plus loin et la boucle bientôt bouclée. Mais une dernière surprise nous attend. Un dernier chevreuil dans une parcelle proche du chemin. Madame (c’est une dame) nous regarde attentivement de ses yeux de biches. Durant quelques secondes, l’observation est mutuelle mais la chevrette tourne les talons et s’éloigne.
Ainsi s’achève la sortie au moment où les premières étoiles percent la voûte céleste assombrie. La température très douce est maintenant agréable, presque fraîche. Le vent léger est complètement tombé et c’est une belle nuit d’été qui débute. Le groupe se sépare heureux de la marche et de s’être immerger en pleine nature quelques heures durant. Merci à toutes et à tous d’être venus partager ces bons moments.
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Bondrée apivore, Buse variable, Busard Saint-Martin, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Effraie des clochers, Pic épeiche, Pic mar, Alouette des champs, Corneille noire, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Gobemouche gris, Bergeronnette grise, Moineau domestique, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres
Mammifères :
Chevreuil européen, Lièvre d’Europe
Papillons de jour :
Machaon, Procris
Orthoptères :
Grande Sauterelle verte