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9 juin 2022
Sunset aux étangs
de Saint-Hubert...
Une soirée bien nuageuse…
Dix-neuf heures passés de trente minutes. Notre petit groupe se forme au pied d’une digue bordée de haies magnifiques. De part et d’autre, de l’eau. Nous sommes aux étangs de Saint-Hubert et nous prévoyons d’y passer la soirée à observer et écouter la nature dans les dernières heures du jour. Et peut-être observer le disque solaire plonger dans l’eau bien que pour le moment la couche nuageuse ne laisse que peu d’espoir.
Au bord de l’eau, telles des statues de sel, un Héron cendré et une Grande Aigrette attendent patiemment qu’un poisson passe à portée de bec pour harponner l’imprudent et s’en repaître. Une seconde Grande Aigrette déplie ses larges ailes immaculées et s’envole avec grâce. La température est très douce et le vent nul. Pas une ride ne vient troubler la surface de l’eau. L’étang est un miroir dans lequel se mirent la végétation et le ciel chargé.
Ambiance !
Un Bruant des roseaux et quelques Rousserolles effarvattes chantent dans la grande roselière. Derrière nous, depuis les bouquets d’aubépines qui peuplent la haie, Rougegorges familiers, Pouillots véloces et Fauvettes à tête noire semblent leur répondre. Plus loin, un coucou gris et une Tourterelle des bois complètent la chorale.
Tout à coup, un cri aigu et strident troue la quiétude du lieu. A la vitesse d’une flèche décochée par un arc puissant, un éclair bleu passe au vol au ras de l’eau. A peine apparu dans notre champ de vision que l’oiseau s’évanouit déjà : le Martin-pêcheur d’Europe demande chance et attention. Un instant de distraction et le voilà parti. Nous attendons quelques minutes qu’il repasse en sens inverse mais en vain malheureusement.
Un autre son attire notre attention. Un bourdonnement lointain. Un bourdonnement continu sur plusieurs minutes. Il ne s’agit pas d’un insecte mais bel et bien d’un oiseau. Une espèce fort rare en Ile-de-France que nous avons la grande chance d’entendre ce soir : une Locustelle luscinioïde vocalise dans la roselière à quelques centaines de mètres de nous.
Puis nous pénétrons en sous-bois. La futaie de chêne est fort belle. Récemment exploitée, de nombreux arbres manquent pourtant à l’appel. La cicatrisation – en bonne voie – cautérise çà et là les plaies. Les ornières se referment et les jeunes pousses colonisent les trous. La forêt se régénère comme elle le fait depuis la nuit des temps.
Dans une jeune parcelle peuplée de bouleaux et de petits chênes, une Locustelle tachetée chante en compagnie d’un Bruant jaune. Un Gobemouche gris a installé son territoire sur la lisière pour bénéficier à la fois de la futaie pour nicher, utiliser les grands arbres comme postes de guet et la zone dégagée pour chasser les insectes. Le riche répertoire de la Grive musicienne roule au-dessus de la forêt. Des strophes variées émises par une voix puissante. La soliste monte sur scène en soirée et nous régale de son merveilleux récital jusqu’à la nuit.
Le soleil se couche…
Nous déjeunons en compagnie de têtes couronnées. Sur le pont de pierre dont les trois arches enjambent les étangs, la vue de l’ancien domaine de Louis XV est imprenable. Le roi avait fait bâtir là ce qui n’était d’abord qu’un relai de chasse. Mais au fur et à mesure de ses visites, Sa Majesté ordonnait l’ajout d’une chambre, d’une pièce, d’une aile… Le modeste pied-à-terre devint palais des mille et une nuits et compta plus de cent-cinquante appartements à la mort du roi. Il ne reste plus rien aujourd’hui qu’une terrasse de pierre surplombant la pièce d’eau. De l’autre côté, sur l’autre rive, le pavillon bien plus modeste de l’empereur. Abandonné dès la Restauration, il menace ruine depuis le milieu du XIXe siècle.
Alors que nous nous installons pour dîner, un grand oiseau blanc passe au vol au-dessus de nous. Long cou tendu en avant, bec immense : une Spatule blanche à la fois rare en ce lieu et anachronique en ce mois de juin. Connue pour nicher en Picardie, Pays-Bas, Danemark, l’espèce survole à l’occasion l’Ile-de-France en avril et au début de mai puis en septembre et en octobre. Celle-ci constitue non seulement une immense surprise mais une grande première pour la saison. Des hypothèses quant à sa présence existent toutefois : un oiseau blessé durant sa migration et donc ralenti dans sa remontée vers le nord ; ou au contraire un oiseau ayant échoué dans sa nidification (nid tombé de l’arbre suite à un coup de vent…) et parti plus tôt que prévu en direction du sud… Avec la Locustelle luscinoïde, c’est la seconde rareté d’une soirée riche en surprises.
Le pique-nique sur l’herbe s’organise lorsqu’une nouvelle chance s’offre à nous. La couche nuageuse se perce au nord-ouest juste au-dessus de l’horizon. Le soleil couchant apparaît alors et luit de mille feux durant quelques minutes, inonde l’étang de lumière, se reflète dans l’eau. L’instant s’entoure de magie. Mais l’astre baisse rapidement et la trouée de referme trop vite. Tant pis : nous goûtons au privilège d’avoir assisté un instant à ce spectacle inespéré.
L’ombre gagne du terrain. Au moment où nous nous apprêtons à repartir, une nouvelle surprise sort de la végétation. Avec un « couac » sonore et un peu rauque, un Bihoreau gris quitte la berge proche de nous et s’envole pour traverser l’étang. Ce petit héron gris et noir est connu pour ses mœurs crépusculaires. Sans être une grande rareté, l’espèce est fort peu habituelle ici.
Notre étoile se surpasse ce soir !
Le retour se fait le long de la rive sud de l’étang en lisière de la plaine agricole. Le blé mûrit lentement. Les épis bien formés sont encore verts. Il leur reste un bon mois avant la moisson. Sur le chemin que nous nous apprêtons à suivre, apparaissent deux gros sangliers. Les animaux – très noirs – sortent du bois, traversent au pas l’espace découvert du sentier et disparaissent aussitôt dans les cultures.
Un autre moment suspendu…
Il est un peu plus de 23h00 lorsque notre groupe rejoint les véhicules. Les premières Rainettes vertes chantent depuis quelques minutes. Deux ou trois pour le moment. Mais bientôt d’autres se joindront à elles pour un concert joué ce soir à huis clos. Nous ne serons plus là malheureusement. La nuit s’obscurcit et l’heure tourne. Il nous faut achever cette très belle sortie bien plus riche qu’escompté. Merci à tous d’être venus pour cette balade à l’heure où la plupart de nos concitoyens rentrent chez eux. Nous n’avons croisé que très peu de monde et avons eu la sensation de disposer des lieux pour notre seul plaisir. Ce qui est fort agréable !
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Bihoreau gris, Spatule blanche, Cygne tuberculé, Faucon hobereau, Gallinule poule-d'eau, Sterne pierregarin, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Martin-pêcheur d'Europe, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Locustelle tachetée, Locustelle luscinioïde, Rousserolle effarvatte, Fauvette à tête noire, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Pouillot siffleur, Gobemouche gris, Bergeronnette grise, Grosbec casse-noyaux, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux
Mammifères :
Sanglier
Reptiles et amphibiens :
Coronelle lisse, Rainette verte