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Avril 2022
Le printemps en baie de Somme
Samedi 02 avril…
Le beau temps de la semaine passée à vécu. Les débardeurs et autres chemisiers sortis prématurément sont retournés dans les armoires patienter encore quelques semaines. Les parkas, gants et bonnets sont, eux, ressortis jouer les prolongations. Le vent du nord souffle doucement, glacial. Le soleil joue avec les nuages et dessine au sol des taches de lumière mouvantes.
Eole ride l’eau de la lagune. Des Mouettes rieuses jouent les cerfs-volants contre la brise. Sur le plancher des vaches, deux Echasses blanches perchées sur leurs longues pattes rouges arpentent les lieux à la recherche d’un mollusque, un insecte, une larve à bouloter. Une Aigrette garzette immobile attend – elle – que son déjeuner vienne à elle. Canards souchets et Sarcelles d’hiver dorment la tête sous l’aile.
Notre groupe emprunte sur la piste cyclable qui longe le site. Les lieux sont peu fréquentés par les humains et nous avons tout le loisir d’admirer les oiseaux qui vaquent à leurs occupations sans crainte des bipèdes que nous sommes. Les distances d’observation sont souvent très courtes. Des Cygnes tuberculés et des Foulques macroules couvent même leurs œufs à quelques mètres à peine du chemin. Deux Bécassines des marais sont découvertes le long d’une berge. Les deux oiseaux jouent à cache-cache dans des touffes de joncs au bord de l’eau mais se laissent parfois bien observer.
Une Spatule blanche décolle et s’éloigne au vol en direction du parc du Marquenterre où elle niche. Son immense bec la précédant, elle passe devant nous et s’éloigne à tire d’aile.
Mais une nuée anthracite envahit le ciel et se rue rapidement sur nous. Les sandwiches que nous comptions grignoter devant les oiseaux perdent tout à coup leur saveur. Alors que la lumière baisse rapidement deux mots sont lancés et immédiatement happés par tous : « moules-frites » ! Nous regagnions les véhicules au pas de course pour aller au Crotoy, petite bourgade au bord de la baie de Somme. Nous trouvons bientôt un petit restaurant sur le port. Sitôt assis, le nuage crève et verse sur la ville un flot de neige anachronique.
L’après-midi est consacrée à la page de la Maye. Toute proche du Crotoy, elle longe le sud du parc du Marquenterre sur lequel nous avons un point de vue. La plage est plutôt une anse chargée de limon dans laquelle poussent de nombreuses plantes halophiles. Nous trouvons ainsi de l’Obione, de la Salicorne, du Statice ou encore de l’Arroche maritime…
De nombreux passereaux sont à terre et cherchent leur nourriture dans cette végétation dense. Beaucoup de Pipits farlouses qui restent en contact les uns des autres par des cris incessants. De nombreux oiseaux s’envolent pour poser quelques dizaines de mètres plus loin. Des Linottes mélodieuses les accompagnent. Sur un piquet de clôture, un mâle de Traquet motteux est perché et nous observe.
Nous franchissons un petit ru de deux mètres de large environ. Un petit ru qui se jette dans la Manche et qui porte donc le nom de fleuve. Un pont enjambe la Maye qui court rejoindre le flot de la marée haute. Autour, un magnifique bocage avec des prés herbus pâturés par du bétail. Quelques Hérons gardeboeufs au plumage blanc comme neige profitent de la présence des bovins pour dénicher dans l’herbe leur nourriture. Au fond, la petite église Saint-Quentin en Tourmont se dresse sous un ciel à nouveau d’azur. Un Martin-pêcheur d’Europe passe au vol à toute vitesse telle une flèche bleue.
Pris possession de notre gîte à cent mètres de la plage de Quend. Stop.
On répartit les chambres, on fait les lits et on s’installe. Stop.
Puis on passe en cuisine préparer le dîner. Stop.
Ratatouille au menu pour donner à la Picardie un semblant de Provence. Stop.
Avant de finir par une partie de Uno alors que d’autres partent se coucher. Stop.
Il reste des pâtes ! Stop.
Dimanche 03 avril…
Un grand ciel bleu nous accueille au réveil. Une barre nuageuse stationne plus au nord et parviendra sans aucun doute jusqu’à nous avant longtemps. Mais pour le moment le soleil luit sans partage. Le Rougequeue noir chante à tue-tête. Après un petit-déjeuner fait de café, de thé, de chocolat, de tartines beurrées et de brioche, nous quittons notre repaire pour nous rendre au parc du Marquenterre. Ce haut lieu de l’ornithologie française est un incontournable dans la région et nous comptons y passer l’essentiel de la journée.
Depuis le belvédère qui domine le parc, le site s’étire sous nos yeux : roselières, prés pâturés, lagunes en arrière digue, haies et bois de pins. Un patchwork de biotopes très variés au milieu duquel un sentier sableux serpente. Un splendide mâle de Faisan de Colchide parade à quelques mètres de nous. Des Cigognes blanches sont sur leur nid et de nombreuses Mouettes mélanocéphales nous survolent en poussant des miaulements doux.
Au début du parcours, sur une étroite pièce d’eau, un magnifique Cygne chanteur glisse lentement. Son bec jaune et noir et sa silhouette très élancée les distinguent du Cygne tuberculé que tout le monde connait. Le Cygne sauvage est originaire du grand nord mais cet oiseau est ici à demeure depuis plusieurs années. L’observation est extraordinaire dans une très belle lumière matinale. Des photos prometteuses dans la boite, le groupe poursuit son circuit.
Chant explosif de la Bouscarle de Cetti dans une haie à notre droite. Chant mélodieux du Pouillot fitis dans un bosquet de saules à notre gauche. Deux Hérons gardeboeufs glanent dans un pré leur pitance du jour tout en s’approchant progressivement de nous. Nos appareils photos crépitent au fur et à mesure de la lente avancée des oiseaux. Les dernières photos prises seront sans doute intéressantes.
Dans un observatoire de bois placé en bordure d’un plan d’eau peu profond, nous découvrons sans nous faire remarquer le monde des oiseaux. Une colonie de mouettes s’apprête à nicher sur les îlots de sable. Une colonie mixte de Mouettes rieuses et de Mouettes mélanocéphales : idéal pour bien distinguer le plumage des deux espèces. Un couple d’Avocettes élégantes se montre également très actif. Cris, vols, parades… Les oiseaux vont très probablement nicher eux aussi sur l’un des îlots au sein même de la colonie de mouettes. Tout comme ce couple d’Huîtrier pie.
Plus loin, quelques Grèbes à cou noir en plumage nuptial paradent alors que d’autres oiseaux sont sur leur nid, couvant leurs œufs. Des oiseaux magnifiques colorés de noir et d’acajou avec des plumets dorés qui ornent les tempes et les joues. Les oiseaux s’approchent parfois fort près des observatoires dans lesquels nous sommes discrètement dissimulés. Les oiseaux ne décèlent pas notre présence et nous avons tout le loisir de les admirer dans leur vie au milieu de la nature. Les appareils photos tentent une nouvelle fois d’immortaliser ces belles scènes.
Outre les migrateurs comme ces Sarcelles d’été qui dorment sur une berge, ces centaines de canards de différentes espèces (Canards pilets, Canards siffleurs, Canards chipeaux…) qui patientent quelques heures avant de poursuivre leur route, ou les riverains tels ces Tadornes de Belon qui nichent dans le parc, notre groupe croise également le chemin de quelques hivernants attardés. Ce couple de Garrots à œil d’or prend en effet son temps et ne semble pas pressé de regagner son nord natal pour s’y reproduire à son tour. Lorsqu’on prend en compte le vent du nord qui vient de se lever et cette soudaine bourrasque de neige qui nous a cueillis à l’heure du déjeuner, on comprend leur réticence.
La surprise tombe peu après le déjeuner. Deux petites mouettes apparaissent papillonnant au-dessus de l’eau. Très petite taille. Ailes fortement contrastées : blanches dessus, noires dessous. Deux Mouettes pygmées de passage sur la route de la Pologne, des pays baltes, de la Finlande, de la Russie… Une espèce peu commune qui se contente souvent de longer au vol les côtes.
Avant d’achever notre visite, notre groupe vient admirer la héronnière. Un site fabuleux que les humains observent en toute discrétion depuis un observatoire de bois. Dans une pinède, de grands échassiers nichent par centaines de couples. Nous les admirons couchés en train de couver, debout sur leur nid, arrivant au vol le bec chargé de branchages ou partant au vol s’alimenter. Un ballet rythmé dans lequel se mêlent les Hérons cendrés, les Cigognes blanches, les Aigrettes garzettes, les Spatules blanches…
Un tel spectacle vaut la visite à lui seul.
Revenus dans notre maison du littoral. Stop.
Magnifique coucher de soleil sur la mer. Stop.
Ciel parsemé de nuages qui s’embrasent à l’instant ultime. Stop.
Puis délicieux dîner préparé par Isa. Stop.
Ce soir, le groupe est épuisé. Stop.
Pas de jeu : tout le monde au lit pour un repos bien mérité. Stop
Lundi 04 avril...
Tempête nocturne venue de l’ouest. Vent fort et pluies. Un temps à ne pas mettre un chat dehors. Au lever du jour, le ciel chargé n’augure rien de bon. Eole pousse des nuées sombres au-dessus des terres. Le Rougequeue noir se tait, resté à l’abri des éléments.
La balade du matin nous emmène tout au fond de la baie, sur les herbus pâturés par des centaines de moutons de prés salés. Le vent glacial souffle en rafales, mugit dans les branches, nous malmène. Bonnet enfoncé jusqu’à la glotte, capuche par-dessus, nous n’entendrions pas dans ce vacarme un feu d’artifice s’il venait à éclater dans le champ d’à côté. Les chants oiseaux n’atteindront sans doute pas nos tympans.
Une femelle de Busard des roseaux chasse au-dessus du polder. Quelques Canards souchets stationnent sans risque sur une petite mare devant une hutte de chasse vidée de ses occupants jusqu’au mois d’août prochain. Une Cigogne blanche passe au vol. Une autre chasse les rongeurs, limaces, escargots, gros insectes dans un pré humide.
Le groupe avance, vent de côté. Parvenus au pied d’une digue, nous nous retrouvons subitement à l’abri du vent. Sans jeu de mot, le groupe souffle quelques minutes, heureux de ce répit. Retrouvant l’usage de nos oreilles, nous percevons le chant d’une Gorgebleue à miroir. L’oiseau faisant fi des conditions pour le moins tourmentées chante à tue-tête mais reste invisible malgré nos recherches.
Nous jetons l’éponge peu après et décidons de regagner nos véhicules. Transis de froid et un peu hébétés par le vent, nous choisissons une nouvelle fois de troquer notre pique-nique contre un restaurant. Une crêperie est choisie dans le centre de Saint-Valéry-sur-Somme. Manger chaud – et au chaud – n’est aujourd’hui pas un luxe.
Le début d’après-midi est consacré à la pointe du Hourdel pour tenter de voir des phoques. Plusieurs centaines sont à demeure en baie de Somme. Mais là encore la météo est contre nous. Un vent de force dix arrivé directement du large rend la balade moins agréable qu’escompté. Et c’est bien évidemment un euphémisme. Nous espérions quelques bancs de sable mais la tempête a précipité la mer à l’intérieur de la baie. Un très fort courant et une houle puissante se précipitent dans les terres. Le ressac projette en l’air des gerbes d’écume blanche. Au large, la mer est grosse. Les phoques sont bien entendus invisibles, sans doute occupés à pêcher dans le courant. D’ailleurs, à force de scruter les flots, nous découvrons deux Phoques gris dont la tête est hors de l’eau. Les mammifères restent une minute ou deux en surface à reprendre leur souffle avant de plonger à nouveau et de disparaître. Nous choisissons de disparaître également. De remonter à bord de nos voitures et de regagner nos pénates un peu plus tôt que prévu.
Hormis cette ultime journée qui s’est montrée agitée. Stop.
Notre séjour a été à la hauteur de nos espérances. Stop.
Le soleil nous a même accompagné une grande partie du voyage. Stop.
On ôte les nombreuses couches que nous avions enfilées. Stop.
Au revoir à tous, à bientôt. Stop.
Et nous voici partis vers de nouvelles aventures. Stop.
Liste des espèces
Oiseaux :
Grèbe castagneux, Grèbe à cou noir, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Héron garde-boeufs, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Cigogne blanche, Spatule blanche, Cygne chanteur, Cygne tuberculé, Oie cendrée, Tadorne de Belon, Sarcelle d'été, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Garrot à oeil d'or, Épervier d'Europe, Buse variable, Busard Saint-Martin, Busard des roseaux, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Râle d'eau, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Huîtrier pie, Vanneau huppé, Petit Gravelot, Courlis cendré, Chevalier gambette, Bécassine des marais, Bécasseau sanderling, Combattant varié, Échasse blanche, Avocette élégante, Goéland cendré, Goéland argenté, Goéland brun, Goéland marin, Mouette mélanocéphale, Mouette rieuse, Mouette pygmée, Sterne caugek, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Martin-pêcheur d'Europe, Pic vert, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Corneille noire, Corbeau freux, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Panure à moustaches, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Gorgebleue à miroir, Rougequeue noir, Tarier pâtre, Traquet motteux, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Phragmite des joncs, Fauvette à tête noire, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux
Mammifères :
Chevreuil européen, Lapin de garenne, Rat musqué
Papillons de jour :
Tircis
Amphibiens :
Rainette verte