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20 février 2022
Entre Condé-sur-Vesgre
et Gambaiseuil
...

Concert matinal…

Condé-sur-Vesgre se situe sur le bord occidental du monde. De notre petit monde forestier que nous avons pris l’habitude d’arpenter ensemble. La lisière n’est pas loin et les nuages arrivent tout droit du ponant pour venir butter sur le front de la forêt. Car aujourd’hui les nuées défilent – au ralenti pour le moment. Le ciel chargé laisse filtrer une lumière diffuse, plutôt terne. Mais quelle douceur !

 

Les oiseaux sentent le printemps poindre le bout de son nez et le saluent comme il se doit par un concert de chants variés. Mésanges charbonnières, Mésanges bleues, Rougegorges familiers, Pinsons des arbres, Tourterelles turques vocalisent tout autour de nous. Puis, au bout de quelques instants la Grive musicienne débute à son tour et sa voix s’élève immédiatement au-dessus de celles des autres : la soliste vient d’entrer en scène. Un chant magnifique, puissant, fait de strophes variées et particulièrement mélodieuses. La grive n’a pas usurpé son nom de « musicienne ». Qualificatif amplement mérité : notre groupe au pied de l’arbre apprécie la sérénade tout en cherchant l’oiseau aux jumelles. Elle est découverte au bout de quelques minutes et au bout d’une branche, partiellement cachée derrière les autres. Le bec grand ouvert, la poitrine gonflée, ce Roméo appelle sa Juliette pour lui parler d’avenir.

 

Nous entrons en sous-bois peu après. Les oiseaux chantent, l’air est doux mais la forêt conserve encore une ambiance très hivernale. Hormis quelques maigres touffes de primevères en fleur et quelques chèvrefeuilles qui commencent à reverdir, l’austérité est encore prégnante. Les herbes sont jaunies. Les fougères rousses et grillées par le gel des semaines précédentes sont recroquevillées sur le sol. La nature – exsangue – patiente et aspire au printemps.

 

Nous aussi !

 

Le début de la sortie nous mène dans une tourbière. La terre y est très noire, spongieuse : de la tourbe, un biotope fort rare en Ile-de-France. Une forêt de bouleaux s’y est implantée. Dans les clairières, des bouquets de Myrica gale, plante arbustive d’environ un mètre de haut typique des sols acides et tourbeux naturellement pauvre en azote. Des Tarins des aulnes passent au vol en petits groups sporadiques. Babilles aigus – petits oiseaux verdâtres de la famille des serins qui aiment à se nourrir des fruits des aulnes et des bouleaux, nombreux dans le quartier.

 

Plus loin, dans les pentes sableuses, la monoculture de Pin sylvestre a remplacé les autres essences forestières. La diversité chute brutalement. Presque plus d’oiseaux, presque plus de cris. Un Roitelet huppé ici, quelques Mésanges huppées là. Une Mésange noire sur notre gauche… Ces parcelles sont issues de plantations – que l’on doit à la filière « bois ». Sur des dizaines d’hectares, nous ne trouvons plus qu’une seule espèce d’arbre (le Pin sylvestre) et une seule classe d’âge car tous les pins ont été plantés en même temps. Il en résulte une forêt très monotone qui n’abrite que les quelques espèces adaptées à ce milieu très précis.

 

Coup de vent sur la forêt…

 

Conformément aux prévisions météo, le vent se lève en fin de matinée. Soufflant du sud-ouest, il emporte au loin les éclaircies et pans de ciel bleu qui étaient apparus contre toute attente. La température fraichit sous le souffle d’Eole et nous choisissons de pique-niquer au bord d’un ruisseau en fond de vallon. Au son du bruit de l’eau qui court, sandwiches et salades sortent des sacs pour terminer dans nos estomacs heureux de l’aubaine. Mais la pause est de courte durée car une fois immobiles, le froid humide pénètre rapidement nos vestes. Nous éprouvons rapidement le besoin de bouger pour nous réchauffer et l’ordre de marche est bientôt lancé.

 

Le chemin que nous suivons longe le ru qui s’écoule en contrebas. De grands hêtres jalonnent notre périple. Leur écorce grise et lisse ainsi que leur port majestueux trahissent cette espèce magnifique si belle à l’automne lorsque les feuilles se parent d’une myriade de couleurs. Pour le moment, ils sont nus comme à la naissance du monde, comme en dormance dans l’attente du renouveau prochain. Des rondes de mésanges piaillent dans les branches. Des Mésanges bleues, des Mésanges nonnettes, ou encore des Mésanges à longue queue se mêlent les unes aux autres pour parcourir les houppiers à la recherche de leur pain quotidien. Les mésanges aiment se mélanger en dehors de la saison de nidification. Le groupe apporte en effet la sécurité du nombre et il est moins fréquent de se laisser surprendre par un prédateur lorsque de nombreuses paires d’yeux scrutent les environs.

 

Dans l’après-midi le vent forcit. Sur la crête que nous suivons maintenant, l’air est vif. Le vent mugit dans les pins. Pour peu, nous imaginerions une pinède sur le littoral. Sans doute que la mer s’étend au-delà des arbres et que ce grand frais marin pousse la houle contre la côte malmenée. La lumière joue à cache-cache. Le ciel très nuageux laisse parfois filtrer un rare rayon de soleil qui illumine alors la forêt l’espace d’un bref instant avant qu’Eole n’emporte au loin la trouée.

 

Forts cris aigus tout à coup au-dessus de nos têtes. Deux oiseaux un peu rondouillards s’envolent du haut d’un Pin sylvestre et s’éloignent en criant : deux Bec-croisés des sapins. Nous attendons quelques minutes mais les oiseaux ne reparaissent pas. Quelques mésanges et roitelets volettent autour de nous. Ca discute, ça s’agite en tous sens et les observer demande une certaine dextérité.  

 

Nous bouclons la boucle après une marche d’environ 17 km. Dans les deux derniers, le sous-bois est tapissé de parterres de Perce-neige : touffes blanches qui attirent l’œil. Les premières ficaires fleurissent également sur le bord du chemin. Nouveaux indices de l’arrivée prochaine du printemps. Nous l’attendons avec impatience…

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Bernache du Canada, Canard colvert, Buse variable, Gallinule poule-d'eau, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Bec-croisé des sapins, Pinson des arbres, Pinson du Nord

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