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22 janvier 2022
Sous le ciel de Normandie...

Cinquante nuances de gris…

Dans l’imaginaire collectif, la Normandie est un pays très vert. Il est vrai qu’il est copieusement arrosé de janvier à décembre à tel point qu’on m’a dit que dans cette région, les bébés naissaient avec des bottes en caoutchouc au pied. Ce n’est peut-être qu’une croyance populaire qu’on se raconte de bouche à oreille dans la plus grande discrétion en n’osant y croire tout à fait…

 

Mais aujourd’hui ce vert légendaire chanté par tous les ménestrels de France et de Navarre  a disparu, happé par le ciel bas. La couche nuageuse est si épaisse, si dense qu’elle jette un voile délavé sur la nature. Plus de contraste. Plus de couleur. Plus de lumière. Tout est terne, austère. Si les coteaux dominant la vallée de la Seine ne s’élevaient au-dessus des arbres, on aurait cru au morne et plat pays de Jacques Brel.

 

La réserve ornithologique et ses deux observatoires de bois nous accueillent pour la matinée. Des Canards glissent lentement sur le miroir gris de l’eau, rayant la surface de leur poitrine emplumée. Des Canards chipeaux au plumage gris et noir. Des Canards souchets facilement reconnaissables à leur large bec en forme de spatule. Des Canards colverts bien connus de tous. Un couple de Cygnes tuberculés nagent un peu plus loin. Monsieur devant : port altier et sur de sa majesté – le vilain petit canard moqué de tous est devenu le roi incontesté.

 

Sur une petite île couverte de grands chênes, des Grands Cormorans se reposent dans leur livrée noir de jais. Des nids sont visibles au sommet des branches. La colonie est encore endormie mais le printemps n’est plus si loin et dans quelques semaines les oiseaux entameront une nouvelle saison de reproduction.

 

Sur une autre partie de l’étang, des bandes de canards dorment sur l’eau, la tête sous l’aile. Les plus nombreux sont les Canards souchets – près de 300 oiseaux nagent et se nourrissent. Suivent par l’effectif les Fuligules morillons. Contrairement aux Canards souchets qui sont des canards de surface – qui se nourrissent à la surface de l’eau – les fuligules sont des canards plongeurs. Ils disparaissent en effet sous la surface de l’eau et sont capables de descendre à quelques mètres de profondeur pour chercher leur nourriture : petits crustacés, mollusques… Il n’est donc pas toujours aisé de les observer car ils peuvent ne rester que quelques secondes hors de l’eau, juste le temps de reprendre une inspiration avant de plonger à nouveau. Le mâle est un bel oiseau noir habillé d’un large flanc blanc. Apercevoir son bel œil jaune occupera le groupe durant la journée entière !

 

Peu avant que les douze coups de midi sonnent aux clochers des environs, nous quittons la réserve ornithologique pour l’immense plan d’eau de la base de loisirs. Ces bases de loisirs n’ont pas toutes un paysage très authentique. Nous sommes évidemment loin des étangs et marais naturels entourés de friches sauvages. Mais ces vastes plans d’eau sur lesquels les touristes viennent canoter ont une très grande importance pour les oiseaux d’eau en hiver. La raison ? Ils ne sont pas chassés ! Les oiseaux parfois affaiblis par le froids jouissent ici du calme. Bien sûr, les quelques barques de pêche les dérangent parfois. Ou un paddle, une planche à voile lorsqu’il fait beau. Mais les oiseaux s’envolent – agacés certes, mais nullement en danger – pour se poser un peu plus loin. Car on reproche fréquemment aux naturalistes, promeneurs de déranger la faune. On voit pourtant dans les parcs urbains et autres zones de quiétude que les animaux et oiseaux en particulier s’adaptent et tolèrent facilement la proximité avec l’homme dès l’instant où ce dernier n’est plus associé au fusil et donc à un danger mortel.

 

Ce vaste plan d’eau mesure près de dix kilomètres de circonférence. Aux jumelles, nous voyons qu’il est criblé d’oiseaux. Des centaines, des milliers stationnent en attendant de reprendre le chemin du nord de l’Europe et de la Russie pour y nicher. Les deux espèces dominantes sont la Foulques macroules – entre trois et quatre mille oiseaux – et le Fuligule morillon – au moins six ou sept cents individus. L’objectif de notre après-midi est, outre la balade, de fouiller ces grandes bandes d’oiseaux pour dresser une liste exhaustive des espèces présentes aujourd’hui. De se familiariser avec le commun, de savourer l’inhabituel avec l’espoir d’y découvrir l’exceptionnel.

 

De plus en plus gris…

 

Après un repas frugal et une tasse de thé pour nous réchauffer, nous partons en prospection ornithologique, observant le plan d’eau aux jumelles et à la longue-vue, fouillant les groupes de canards, identifiant chaque individus et les comptant espèce par espèce. Le premier kilomètre ne révèle aucune réelle surprise : Grèbes huppés, Grèbes castagneux, Cygnes tuberculés, Foulques macroules, Gallinules poule-d’eau, Canards colverts, Canards chipeaux, Fuligules morillons… Nous trouvons toutefois dans une anse un peu à l’écart des chemins pédestres deux Canards siffleurs. Sans être rare, le Canard siffleur sort néanmoins les franciliens que nous sommes des sentiers battus.

 

A notre passage, une Grande Aigrette posée sur la berge s’envole telle une apparition fantomatique dans la brume grise et froide. Les buissons et les arbres bas accueillent de nombreux passereaux : Pinsons des arbres, Mésanges bleues et Mésanges charbonnières, Tarins des aulnes, Sittelles torchepots, Bouvreuils pivoines… La liste des espèces s’allonge à chaque pas.

 

L’anse au sud-ouest du plan d’eau est plus tranquille que les autres. Un chapelet d’îlots la sépare du reste de la base de loisirs et les canots n’y vont pas. La majorité des oiseaux se concentre là. Un bon demi-millier de Fuligules morillons, des Foulques macroules par centaines, quelques Fuligules milouins… Des notes aigues attirent bientôt notre attention : « Fluck, Fluck… » : des Sarcelles d’hiver. Un petit canard très joli que nous découvrons le long d’une berge – presque invisible. Un Tadorne de Belon passe à la nage en toute discrétion et s’éloigne dans le couvert de la végétation.

 

Frustration !

 

Mais nous découvrons bientôt les stars : sept canards magnifiques dont les mâles arborent une tête rousse flamboyante et un bec rouge vif. Des Nettes rousses ! Une vraie surprise cette fois : une espèce très peu commune en Normandie que nous n’espérions pas voir ici aujourd’hui. Les oiseaux ont la tête sous l’aile pour la plupart. Seul un mâle est dressé, surveillant sans doute les environs durant le repos de ces camarades.

 

La lumière déjà ténue s’abaisse encore dans l’après-midi. La nuit tombera vite ce soir. Un vent léger tout droit venu du septentrion se lève bientôt, glacé, coupant comme le fil d’un rasoir. Les cols se ferment aussitôt, les bonnets sortent des sacs. Nos pommettes rougissent et nos doigts s’engourdissent. Le froid humide – mordant – pénètre rapidement nos couches textiles. La chaleur du thé bu à midi n’est plus qu’un souvenir lointain.

 

Peu avant de boucler la boucle et de retrouver l’habitacle chauffé de nos véhicules, une autre très belle espèce est découverte : devant nous, à une centaine de mètres de la rive, un petit groupe de cinq ou six Garrots à œil d’or stationnent sur l’eau. Les trois mâles paradent. Les rivaux se défient, ajustent leurs plus beaux atours et font aux dames une cour empressée. Bien que le froid nous saisisse, ces canards venus du nord doivent eux sentir la belle saison approcher. A chacun son ressenti !

 

Nous achevons bientôt la sortie dans la pénombre de la fin d’après-midi. Il est près de 17h00 et le paysage se teinte de bleu nuit. Aucune étoile ne percera ce soir la voûte céleste. Les pêcheurs rangent comme nous leur matériel et tous s’apprêtent à rendre aux lieux la tranquillité nocturne rompue au lever du jour par les plus matinaux d’entre nous. Une belle sortie malgré la météo très nuageuse. Nous quittons la Normandie après un ultime coup d’œil au plan d’eau. Mais ce n’est qu’un au-revoir : nous reviendrons.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Grèbe castagneux, Grèbe à cou noir, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Tadorne de Belon, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Nette rousse, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Garrot à oeil d'or, Épervier d'Europe, Râle d'eau, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Goéland cendré, Goéland argenté, Goéland brun, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Pic épeiche, Corneille noire, Pie bavarde, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Bouscarle de Cetti, Pouillot véloce, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres

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