78
09 janvier 2022
Les ruisseaux
de Clairefontaine...
Que d’eau !
Un pâle soleil pointe dans un ciel encore chargé de nuages. La veille et durant la nuit, des cataractes de pluies accompagnées de vents se sont déversées sur la forêt. Les arbres n’ont pas terminé de s’égoutter. L’humidité omniprésente promet de nous accompagner durant l’ensemble de cette sortie.
De larges flaques barrent le chemin. De chaque côté les fossés sont pleins et menacent de déborder. La balade débute au son de l’eau qui s’écoule. Les troncs détrempés ont pris une teinte sombre. Les fougères dans la lumière rasante arborent des couleurs saturées. La nature ressemble à un promeneur admirant la mer depuis le bout de la jetée : n’ayant pas vu arriver la vague plus grosse que les précédentes, il reste immobile, interdit et trempé des pieds à la tête en se demandant ce qui vient de lui arriver.
Notre petit groupe slalome entre les flaques plus ou moins profondes, plus ou moins larges. Pénétrant en sous-bois lorsque le chemin n’est plus praticable. Notre progression est encore plus lente qu’à l’accoutumé, obligés parfois de revenir sur nos pas pour contourner l’obstacle liquide. Les oiseaux restent silencieux. Quelques rondes de mésanges piaillent pourtant ici et là : Mésanges bleues, Mésanges charbonnières se déplaçant dans les arbres à la recherche de leur petit-déjeuner. Une Corneille noire croasse en passant au vol au-dessus des grands chênes.
Notre groupe a entamé une grande boucle en choisissant de tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre afin de passer la matinée dans une magnifique lumière de contrejour. Chaque feuille au sol ou encore âprement accrochée à une branche est traversée par les rayons du soleil. Le filigrane des nervures visible en transparence, particulièrement beau et photogénique. Feuilles de chêne, de bouleau ou encore de châtaignier. Nous prenons du temps pour chercher le bon angle, capter le rayon de lumière. Nous emplir les yeux.
Puis nous buttons sur une rivière. Un bras liquide descendu de la pente sur notre droite et qui nous barre la route. Large de plusieurs mètres et profond d’une trentaine de centimètres, il nous est impossible de la franchir sans bottes en caoutchouc. Tandis que le courant dévale la pente, nous cherchons du regard un passage. La seule option est de faire demi-tour, remonter une partie de ce que nous venons de descendre et franchir le cours d’eau avant qu’il ne s’étale en bas de pente au milieu du chemin.
Parcours plus chaotique que prévu...
Que d’eau (je me répète) !
Plus loin, l’inondation est encore plus importante. L’eau dévale sur un front d’une centaine de mètres pour venir s’accumuler dans le sous-bois de bouleaux que nous avions prévu de traverser. Le chemin a disparu sous l’eau tel le passage du Gois à marée haute. Le sous-bois par lequel nous essayons de passer est tellement trempé que nous nous enfonçons plus haut que les chevilles. Nos chaussures imperméables ne résisteront pas et nous choisissons de ne pas nous entêter dans cette impasse. Cette fois, il nous faut réellement faire demi-tour et de réfléchir à un itinéraire de substitution.
Pour la première fois durant une sortie nature, la carte IGN est dépliée. Un conseil de guerre est improvisé. Nous listons les chemins possibles et éliminons tous ceux – privés – que nous ne pouvons emprunter et ceux qui risquent d’être aussi impraticables que le nôtre. La seule possibilité restante est de longer la petite route forestière plus au sud pour contourner toute la zone marécageuse. Un bon kilomètre de détour.
En bordure du village de la Celle-les-Bordes, l’heure du déjeuner sonne. Sur une très agréable petite place, nous trouvons un abri bus avec un banc de bois dont l’assise est restée hors d’atteinte de la pluie. Nous qui craignions de devoir manger debout, nous goûtons au plaisir de nous asseoir un instant. Mais le froid humide que nous n’avions pas ressenti en marchant nous tombe dessus. Pénétrant insidieusement les couches textiles. Et bientôt le groupe frissonne. Une violente averse s’abat alors et nous remercions le toit au-dessus de nos têtes.
Nous nous remettons en marche la pluie passée et après avoir dégusté un bon café trouvé à l’auberge de l’autre côté de la place. Le ciel plombé ne laisse plus filtrer qu’une pâle lumière grisâtre. Comme au cours de la matinée, l’eau ruisselle partout et le ru des enclaves – d’habitude à sec – a aujourd’hui le débit d’un torrent de montagne. La Grive draine chante à tue-tête depuis les hautes branches d’un chêne. Un groupe de Grosbecs casse-noyaux passe au vol suivi de près par une volée de Tarins des aulnes. Des traces de sangliers marquent le sol.
Le temps s’écoule comme l’eau de pluie et la nuit s’invite lentement. Notre marche en zigzag autour des flaques, nos détours et demi-tours nous ont beaucoup retardés. A 17h00 nous sommes encore à trois kilomètres de nos véhicules. Les arbres nus ne sont bientôt plus que des silhouettes sombres sur le ciel d’encre. Le chant d’une Chouette hulotte s’élève. Instant magique ! Nous nous immobilisons une minute pour l’écouter avant de reprendre notre marche. Nous bouclons la boucle peu avant 18h00 mais un crachin breton s’invite alors et précipite la séparation. La sortie la plus mouillée que nous ayons faite en plus de deux ans s’achève ainsi. Dans les heures qui vont suivre, la forêt va absorber une partie de l’eau et continuer de rendre l’autre. Nous espérons que les sorties suivantes soient moins détrempée, moins boueuse. Nous croisons les doigts.
NB : prendre les bottes la prochaine fois !
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Chouette hulotte, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Corneille noire, Pie bavarde, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Etourneau sansonnet, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Accenteur mouchet, Bergeronnette des ruisseaux, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Pinson des arbres, Tarin des aulnes
Mammifères :
Chevreuil européen (traces), Sanglier (traces)