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14 novembre 2021
Couleurs d'automne...

Cinquante nuances de gris…

Ciel gris et nuages bas. Bruine très fine qui saupoudre la nature d’humidité. Contraste avec le franc soleil de la semaine passée. Toujours frustrant de manquer une fenêtre météo propice à la balade et de devoir se contenter le dimanche d’une lumière grise qui jette sur la nature un voile terne. Selon les prévisions, la couche de crasse devrait se déchirer dans l’après-midi et laisser passer quelques rayons lumineux. Croisons les doigts.

 

Car la nature est splendide. La mi-novembre est souvent la période la plus colorée de l’automne en forêt de Rambouillet et nous aimerions un rayon de soleil pour venir sublimer ces teintes sous lesquelles nous nous promenons. Comme à leur habitude, les hêtres sont les plus resplendissants. Assertion qui n’est pas dénuée de partialité, j’en conviens. Mais notre groupe a observé ces arbres qui nous entourent avec objectivité. Les feuilles de chêne et de charme sont mâtes alors que celle du hêtre est comme vernissée. Satiné. Brillante. Et d’autres adjectifs encore viennent à l’esprit pour décrire bien modestement cette lumière qui semble émaner de ces arbres. Même sous ce ciel de plomb, les hêtres sont lumineux. Dotés de couleurs saturées alors que leurs voisins se contentent de tons pastels. Un peu comme si vous contempliez – côte à côte – une peinture à l’huile et une aquarelle. Sans être expert en matière d’art, la différence saute aux yeux.

 

Le chemin très boueux se révèle particulièrement glissant. Notre groupe doit garder un œil sur le terrain où il pose le pied. Nous devons faire des pauses fréquentes pour relever le nez et admirer le sous-bois. Le brun des chênes, le jaune paille des charmes et des bouleaux, le rouge des hêtres et des alisiers. Quelques arbres plus tardifs piquent encore la forêt de taches vertes. De nombreuses Grives mauvis « psitent » dans les branches des houppiers : de longs sifflements aigus retentissent au-dessus de nos têtes. Un très bel oiseau aux flancs rouges venu de Scandinavie et de Russie et qui s’apprête à passer l’hiver sous nos latitudes méridionales – tout est relatif.  Certaines vont rester tout l’hiver en forêt de Rambouillet tandis que d’autres poursuivront leur route vers le sud jusqu’en Espagne et même jusqu’au Maghreb pour les plus courageuses. D’autres sifflements qu’il ne faut pas confondre avec les premiers s’ajoutent à la mêlée : des Grosbecs casse-noyaux. Comme leur nom le laisse penser, ces oiseaux sont dotés d’un bec très puissant qu’ils utilisent pour briser les noyaux des fruits et atteindre l’amande dont ils se nourrissent.

 

La bruine a cessé et le plafond s’est élevé. Il ne fait pas beau, mais simplement moins moche. Tout étant une question de nuance, notre groupe jette quand il le peut des regards en direction du nord-ouest d’où vient le vent pour savoir de quoi l’avenir sera fait. Mais l’horizon ne contient que du gris. Du gris clair, certes, mais fort loin du bleu espéré.

 

Il est un peu plus de 11h, lorsque qu’un improbable rayon traverse tout à coup l’espace et vient frapper la cime des arbres. La forêt s’illumine un instant mais Eole emporte bien vite la trouée. La tâche de lumière file vers le sud sans que nos souhaits ne parviennent à la retenir davantage. Nos appareils photos sont sortis comme par magie de leur retraite et ont rapidement crépité afin de saisir l’insaisissable. Pas de temps à perdre en réglages, on vise, on cadre grossièrement et on déclenche. Une photo, deux photos et l’éclaircie s’évanouie aussi vite qu’elle est apparue. L’espoir renaît toutefois. Les prévisions optimistes qui prévoient une après-midi lumineuse semblent se concrétiser.

 

Puis la lumière reparaît

Au carrefour de la mare ronde, au pied du Hêtre du CERF, notre groupe photographie le géant depuis le plancher des vaches. Ou plutôt le plancher des sangliers, plus nombreux en ces lieux que les bovidés. Un tronc large et droit comme un « I », des branches épaisses qui partent à la recherche de la lumière aux quatre points cardinaux et des feuilles oscillant entre le vert et le jaune. Un arbre de toute beauté, l’un des plus beaux spécimens de son espèce en ces lieux. Les notes métalliques du Rougegorge familier retentissent dans le sous-bois – « tic », « tic »… Il est le seul ou presque à se faire entendre alors que l’heure du déjeuner approche. Avant de sortir nos sandwiches et autres mets de choix, nous nous autorisons un petit détour afin de longer une hêtraie de toute beauté. Le sous-bois rouge et or tranche avec l’écorce sombre et humide des troncs. Cinq ou six magnifiques arbres de près de quatre mètres de circonférence trônent là depuis plusieurs siècles. Sans doute ont-ils vu défiler des carrosses richement ornés, des soldats d’empire, des braconniers soucieux de ne pas se faire prendre la main dans le sac ou encore des amants légitimes ou non cherchant eux à rester invisibles.

 

Si seulement le règne végétal était doué de paroles…

 

Puis au centre d’un vaste carrefour forestier, une table de pierre se dresse tout à coup devant nous. Une table ronde qui n’est pas celle d’Arthur mais pourtant bien celle d’un roi : Louis, seizième du nom, la fit élever en 1788 pour la chasse au grand gibier qui le passionnait. Il n’eut guère le temps de l’utiliser. Plusieurs fois vandalisée, elle fut reconstruite à deux reprises. Nous nous y attablons pour un en-cas bien mérité. Fort peu de promeneurs malgré la proximité des étangs de Hollande qui connaissent aux beaux jours une affluence certaine. L’humidité aura découragé le francilien préférant les activités d’intérieur. Ce calme est fait pour nous et nous goûtons en plus de nos sandwiches le privilège d’avoir la forêt à nous – ou presque.

 

L’après-midi nous révèle une surprise. Vers 15h00, nous découvrons un large pan de ciel bleu qui arrive droit sur nous. Le ciel encore très gris au-dessus de nos têtes a gardé ce plaisir caché jusqu’au dernier moment. Mètre après mètre le beau temps gagne du terrain. La lumière se fait plus forte. L’humidité couvrant la végétation s’illumine peu à peu. Les couleurs d’automne se font plus vives. Enfin ! Autour du chêne de l’Ascension – sans doute le plus bel arbre du massif forestier – un franc soleil règne désormais avec générosité. Le grand chêne est debout, tel un monarque au milieu d’une cour de courtisans : un parterre de Chênes rouge d’Amérique inclinés et disposés en arc de cercle au pied de leur souverain européen. Un Arbre-monde qui – dans les mythologies scandinave et germanique – relie les mondes céleste, terrestre et du dessous. Un Arbre-monde qui dans ce monde-ci assure le gîte et le couvert à quantité d’animaux, insectes, oiseaux, écureuils… Un spectacle dont il n’est pas aisé de nous arracher.

 

La fin de la balade est radieuse. Le soleil domine largement et une lumière rasante scintille entre les branches. Le sous-bois saturé de rouge tranche avec les herbes jaunes qui tapissent le sol. Le contre-jour est magnifique : le disque solaire joue à cache-cache avec les troncs. Des images magnifiques plein les yeux, nous voyons le soleil descendre peu à peu derrière le couvert de la forêt. Lorsqu’il plonge sous l’horizon – peu après 17h00 – les ombres s’installent. La luminosité chute grandement. Les oiseaux se taisent et cherchent un abri pour la nuit. Quant à nous, nous achevons la boucle et arrivons à nos véhicules après une marche de 18 km. Une belle sortie haute en couleurs à laquelle nous sommes d’autant plus sensibles que nous n’avions pas pu sortir à cette époque l’an dernier à cause du second confinement. Merci à tous, nous reviendrons !

Liste des espèces

Oiseaux :

Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grosbec casse-noyaux, Tarin des aulnes, Pinson des arbres, Pinson du Nord

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