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06 novembre 2021
Matinée à
Montfort-l'Amaury...
Une belle matinée…
Matin coloré comme seule les belles journées d’automne savent en offrir. Un éclatant soleil s’est levé sur une campagne blanchie par le gel. Deux ou trois degrés sous zéro et le givre brille sous les rayons de lumière. Des volutes de vapeur s’élèvent déjà au-dessus de la végétation. La fonte est entamée. Les arbres se parent de jaune, d’or, de roux et de rouge. Tilleuls, peupliers, alisiers, frênes piquent la campagne de tâches de couleur. Les chênes sont encore verdâtres. Certains commencent à virer mais la majorité se trouvent encore dans les loges pour revêtir leurs plus beaux atours. Bientôt, ils monteront sur scène rejoindre les autres.
Et pour parachever le tableau, le bleu du ciel ajoute à la beauté de l’instant.
Les oiseaux sont actifs, heureux comme nous de cette météo de rêve. Bien sûr la température est fraîche, mais l’air sec et immobile rend le froid très supportable – j’allais écrire « agréable ». Marcher fait circuler le sang et nos corps se réchauffent. De petites bandes de mésanges piaillent. Elles visitent les vergers à la recherche de nourriture : une graine oubliée, une chenille engourdie… Mésanges bleues et Mésanges charbonnières volent d’arbre en arbre, sautent d’une branche à l’autre. Un Merle noir au sol cherche un ver de terre à se mettre dans le bec. Des grives sifflent dans les hautes branches des grands chênes : Grives mauvis pour la plupart. Mais aussi quelques Grives musiciennes et nos toutes premières Grives litornes de l’automne, fraîchement arrivées du nord de l’Europe.
Tout à coup, nous décelons un mouvement sur notre droite. Ou plutôt une impression de mouvement, comme une anomalie dans l’ordre environnement où plus rien ne bougeait depuis quelques minutes. Notre marche est interrompue. Nos conversations également et tous cherchons dans l’arbre dans lequel l’étincelle a vacillé l’espace d’un instant. Hallucination collective ?
Non, l’animal ressort de derrière le tronc et s’avance sur une branche pliant sous son poids. Un Ecureuil roux à la queue en panache se laisse admirer un instant puis repart se camoufler dans un bouquet de lierre. D’où il ressort suivi d’un compagnon. De branches en troncs et de fils en aiguilles, les deux compères en rejoignent deux autres que nous n’avions pas encore vus. Tels les trois mousquetaires qui eux aussi étaient quatre, nos écureuils jouent un instant devant nous avant de disparaître pour de bon hors de notre vue.
La saynète qui n’a duré que quelques minutes est l’une des surprises que nous affectionnons tout particulièrement au cours de nos sorties. De celles qui nous poussent hors de nos foyers pourtant confortables pour aller affronter le froid, le vent ou même la pluie lorsque la météo est moins propice à la promenade qu’aujourd’hui.
L'heure des surprises...
Le petit étang en contrebas regorge d’oiseaux. Notre groupe est gâté ! Deux ou trois centaines de Mouettes rieuses stationnent sur l’eau. Vols pour se dégourdir les ailes, cris stridents histoire de se faire entendre par-dessus les voix des copines : la bande va bientôt s’éparpiller dans les labours des environs à la recherche de nourriture. Des Foulques macroules par dizaines sont là elles aussi. A côté du blanc, le noir ! Comme si l’un ne pouvait se passer de l’autre. Les foulques plongent maladroitement pour aller piocher les herbes aquatiques dont elles sont friandes et remontent à la surface plus maladroitement encore comme des ballons gonflés d’air qu’on lâcherait au fond de l’eau. Mais nous repérons rapidement des oiseaux bien plus petits et nettement plus gracieux : des Grèbes castagneux, la plus petite des cinq espèces de grèbes vivant en Europe. Peu commun, nous en dénombrons au moins 35 sur le plan d’eau, ce qui constitue un effectif important pour l’Ile-de-France.
Puis deux petits canards sont repérés. Nous les avions vaguement aperçus au vol lors de notre arrivée. Couleur grisâtre ou brune – nous n’avions pas vu les voir correctement en raison du fort contre-jour. Nous n’avions pu noter que leur ventre blanc qui nous avait intrigué : peu d’espèces répondent à ce critère. Mais les observer posés dans la belle lumière nous permet de les identifier : deux femelles de Canard siffleur. Des oiseaux qui nichent dans le nord de l’Ecosse, en Scandinavie et en Russie, jetés sur la route du sud par l’hiver qui approche. Une chance de les rencontrer aujourd’hui : ce n’est que la seconde observation de cette espèce sur la commune de Montfort l’Amaury au cours des trente dernières années.
Puis nous quittons le bord de l’eau pour aller visiter la plaine et son réseau de buissons et de haies. Car la campagne montfortoise a gardé un bocage relique qui se révèle important pour la biodiversité et l’harmonie du paysage. De nombreux passereaux trouvent là l’hébergement et la cantine : la sécurité des buissons et la générosité des espaces cultivés où il reste toujours quelques graines oubliées à la moisson. Bruants jaunes, Bruants des roseaux, Chardonnerets élégants, Linottes mélodieuses, Rougegorges familiers, Pinsons des arbres… Et même quelques Pinsons du Nord descendus eux aussi du nord de l’Europe pour l’hiver. Notre liste d’oiseaux s’allonge.
Un Faucon crécerelle chasse au-dessus des champs. Nous l’observons fréquemment en vol stationnaire – ou vol de Saint Esprit. A l’affût d’une proie, il pique tout à coup vers le sol lorsque son déjeuner est repéré et vient cueillir dans ses serres le petit rongeur imprudent – insouciant du danger qu’il n’a pas vu venir. Des bandes d’Alouettes des champs se nourrissent elles aussi dans les chaumes. S’alimenter occupe en effet une grande place dans la vie d’un oiseau. Surtout en période de migration alors que le froid s’installe. Les dépenses énergétiques sont considérables – pour maintenir sa température corporelle constante et soutenir l’effort d’un vol prolongé sur plusieurs centaines ou milliers de kilomètres. Manger s’apparente alors à un gavage : on parle d’hyperphagie.
Le soleil maintenant plus haut chauffe la campagne. Midi approche et le givre a disparu laissant place à des milliards de fines gouttelettes qui détrempent la végétation. Marcher donne chaud et les épaisses vestes s’ouvrent les unes après les autres. Alors que nous nous apprêtons à regagner nos véhicules, deux Sizerins cabarets passent au vol au-dessus de nous. Une espèce rare en Ile-de-France. Notre sortie était décidément placée sous une bonne étoile ce matin. Nous reviendrons !
Liste des espèces
Oiseaux :
Grèbe castagneux, Grand Cormoran, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard colvert, Canard siffleur, Canard mandarin, Buse variable, Faucon crécerelle, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Pic vert, Pic mar, Alouette des champs, Corneille noire, Corbeau freux, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive litorne, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette des ruisseaux, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Sizerin cabaret, Pinson des arbres, Pinson du Nord, Bruant jaune, Bruant des roseaux, Perruche à collier
Libellules :
Leste vert
Mammifères :
Ecureuil roux