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28 novembre 2021
Aux portes de l'hiver...

L'hiver est là…

L’automne administratif s’étire jusqu’au 20 décembre, mais dans la nature ce dernier est déjà derrière nous. Les belles couleurs qui embrasaient la forêt se sont étiolées. Les feuilles qui habillaient encore les branches il y a peu jonchent aujourd’hui le sol. Les arbres nus révèlent leur silhouette glabre : forêt squelettique faite de troncs et de branches, de bois et d’écorce sans artifice. La vie se retire peu à peu pour se réfugier au plus profond du sol, hors d’atteinte des morsures du froid hivernal.

 

Mais des oiseaux nous survolent à chaque instant. Actifs aux premières heures du jour, la gente ailées quittent les dortoirs pour aller glaner leur déjeuner. Pour résister au froid – le thermomètre est à peine à un degré en positif – les animaux passent l’essentiel de leur temps à se nourrir. Cris tombant du ciel : les babils légers des Tarins des aulnes, les longs sifflements des Grives mauvis et des Grosbecs casse-noyaux, les sons brefs des Pinsons des arbres…

 

Les chemins forestiers détrempés nous obligent à louvoyer. Marchant parfois à gauche, parfois à droite – là où la boue se fait moins profonde. En sous-bois, les fougères roussies par les gelées nocturnes se sont recroquevillées. Quelques touffes de bruyères défleuries habillent le sous-bois ici et là sur les pentes au-dessus de nous. Sur notre droite, un petit ru décrit de profonds méandres. L’eau vive s’écoule entre deux berges abruptes où poussent de nombreux bouleaux, saules et aulnes – des espèces typiques des milieux humides ou pauvres.

La lumière, très basse, semble avoir disparu pour de longs mois. A peine si nous nous souvenons des jours brillants inondés de photons qui nous réchauffaient le râble. Nos bonnets profondément enfoncés sur nos têtes, nous scrutons les nuées qui défilent au-dessus de nous dans l’attente des quelques flocons annoncés par la météo.

 

Les arbres nous environnent. Forment des haies d’honneur entre lesquelles nous avançons. Des chênes à l’écorce profondément veinée. Des hêtres à l’écorce lisse et grise. Des charmes très musculeux. Des épicéas bien verts toute l’année. Des Pins sylvestres reconnaissables à leur écorce orangée. Un très grand hêtre surveille un beau carrefour tout près du village de Gambaiseuil. Le Hêtre des Ponts Quentin – c’est son nom – a déjà quelques siècles derrière lui. S’il pouvait parler, nul doute qu’il nous conterait une époque révolue où les hommes aisés allaient à cheval, richement vêtus, une plume flottant à leur couvre-chef. Combien de gens d’arme, de comtes ou de marquis de tout poil sont-ils passés sous ses branches ?

Le plus grand arbre rencontré durant notre sortie est aussi le plus beau du massif forestier. Certes, la notion de beauté est sans doute la plus subjective qu’on puisse imaginer. Mais ce chêne émeut et impressionne chaque fois qu’on lui rend visite. Un tronc de plus de cinq mètres de circonférence, s’élevant droit vers le haut avant de donner naissance à un foisonnement ahurissant de branches toutes plus grosses que les arbres environnants. L’Arbre Monde – et les majuscules sont intentionnelles – relie dans la mythologie scandinave le monde du dessous, le monde terrestre et le ciel.

 

Quelques Pigeons ramiers passent au vol tandis qu’un Pic mar fait entendre ses notes métalliques et saccadées. Des Geais des chênes piaillent au loin. Leurs cris, audibles de loin, préviennent souvent les autres espèces – oiseaux ou mammifères – d’un danger potentiel. Ce qui vaut fréquemment au geai le surnom de « sentinelle de la forêt ». Ces guetteurs n’en ont pas après nous aujourd’hui car ils fréquentent les houppiers d’une parcelle voisine à quelques centaines de mètres de nous. D’autres promeneurs, un rapace, une Corneille noire, un renard en maraude ? Nous ne manquerons pas leur poser la question si nous croisons leur chemin.

 

Puis la lumière apparaît…

 

La mi-journée est maintenant là. Une souche large d’un grand chêne aujourd’hui transformé en meuble nous sert de siège pour notre repas. Maintenant que nous ne marchons plus, l’humidité pénètre rapidement nos couches textiles. Nos corps se refroidissent rapidement malgré le thé brûlant coulant des thermos qu’en naturalistes prévoyants nous avons placés dans nos sacs. Des friandises faites maison et absolument succulentes sortent à leur tour au moment du dessert : des pâtes de fruit exquises et des truffes pour lesquelles un ascète convaincu commettrait sans hésiter le péché de gourmandise. De quoi réchauffer le corps et le cœur.

 

Carpe Diem !

 

Le début de l’après-midi apporte un peu de grésil qui rebondit au sol sur la litière de feuilles mortes. Puis le plafond s’élève sensiblement laissant espérer l’apparition d’un rayon de lumière avant que le crépuscule n’entraine le soleil sous l’horizon. En attendant, les nuages défilent toujours à vive allure poussés par des rafales de vents venues du sud-ouest. Et nos pieds pataugent : la portion de forêt que nous traversons est particulièrement humide. En fond de vallon, les pentes ressuient et l’eau s’accumule. Plusieurs sources transforment certaines parcelles en véritable bourbiers presque impénétrables. Nous évitons soigneusement les chemins les plus difficiles, choisissant de les contourner. La végétation a changé avec l’environnement : bouleaux, saules et aulnes abondent à nouveaux. Quelques Myrica galle trouvent également ici des conditions propices – une espèce typique des tourbières acides.

Puis l’événement que nous attendions tant se produit : la couche nuageuse se déchire brièvement pour laisser filtrer un rayon de lumière dorée. Par ce trou qui n’est pas encore béant, une rivière d’or coule et se déverse jusqu’au sol inondant le sous-bois, saturant de couleurs les fougères rousses et les quelques feuilles rouges qui restent encore accrochées aux branches des chênes et des hêtres. La tâche de lumière s’éloigne rapidement, emportée par Eole. Une autre apparaît bientôt, puis une troisième. Les nuages s’effilochent, le ciel bleu gagne du terrain. Quel contraste avec la matinée ruisselante d’humidité et de grisaille !

 

Les appareils photos saisissent la magie et la beauté de ces instants privilégiés. La lumière rasante dessine chaque tronc, sublime chaque branche. Les fougères dans le contre-jour semblent transparentes.

 

Parvenus au sommet d’une butte – la forêt de Rambouillet n’est pas plate partout – le sable et les pins ont remplacé la gadoue et les feuillus. Le vent murmure dans les aiguilles. L’ambiance change du tout au tout et nous nous attendrions presque à découvrir l’océan derrière une dune puis d’être survolé par une petite troupe de goélands en goguette.

Rire éclatant du Pic vert sur notre gauche. Un rire qui rompt le silence de la forêt. Un indice évident que la vie ne s’est pas retirée avec les beaux jours. Que cette vie fourmille toujours tout autour de nous. Plus discrète, certes, mais bien là.

 

Clameur lointaine du Pic noir.

 

Vers 16h30, nous bouclons la boucle et achevons notre sortie après dix-huit kilomètres de marche. Un beau ciel bleu s’impose maintenant. Avec le soir qui grignote inexorablement l’après-midi, le froid se fait plus vif. Les cheminées du village que nous avons rejoint fument : les volutes grisâtres s’élèvent dans le ciel. La nuit prochaine apportera sans nul doute des gelées.

 

Nous nous séparons peu après heureux de ce circuit comptant découvertes et dénivelés. Merci à tous pour cette balade placée sous le règne de la bonne humeur. Il a soufflé un petit vent de folie et de dérision qui a donné une âme à cette dernière sortie de novembre.

Liste des espèces

Oiseaux :

Bernache du Canada, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Grosbec casse-noyaux, Tarin des aulnes, Pinson des arbres

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