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16 mai 2021

Les arbres de Montfort...

Pleuvra, pleuvra pas ?

Un ciel bien chargé couvre nos têtes. Des nuées immobiles menacent de crever et d'inonder la terre déjà bien mouillée des pluies des derniers jours. Le pied glisse sur le sol argileux et la boue colle aux semelles. Mais nous sommes heureux d'être enfin dehors, au delà du cercle des dix kilomètres qui nous a tant frustrés durant de longues semaines.

 

Le printemps est arrivé sans fanfare ni trompette, glissant une tête timide dans la porte de derrière restée entrebâillée. Les arbres sont désormais bien verts. Et si quelques chênes particulièrement exposés aux vents restent encore un peu dégarnis, les frondaisons de la lisière s'étalent – touffues – devant nous.

 

Le Gobemouche gris chante au-dessus du parking sur lequel nous abandonnons nos véhicules. Fauvettes à tête noires, Rougegorges familiers, Pinsons des arbres et Pouillots véloces participent au concert matinal. Il n'est pas aisé de tous les distinguer, d'isoler mentalement chaque voix en laissant les autres de côté. Au contraire, les chants se mêlent en un ensemble harmonieux et seuls les plus aguerris entendent le troisième violon au milieu de l'orchestre.

 

Le long du chemin que nous suivons, nous découvrons bientôt de grandes fleurs fuchsia bien visibles dans l'herbe verte. Hautes de quelques dizaines de centimètres, nous reconnaissons immédiatement une belle station d'Orchis mâles, une orchidée relativement fréquente au printemps. Nous comptons une cinquantaine de pieds et immortalisons la découverte sur la pellicule (numérique).

 

Le premier arbre remarquable est un grand chêne au tronc large, aux branches épaisses et au port majestueux. Au milieu d'une parcelle forestière, le découvrir en dehors de la période hivernale lorsqu'aucune feuille ne le masque n'est pas chose aisée. Des repères précis sont même nécessaires. Un arbre chargé d'histoire, probablement déjà de ce monde lorsque la fronde menaçait le règne du tout jeune Louis XIV et largement centenaire au moment où le premier empereur des français se fit sacrer.

 

De quoi nous donner le vertige !

 

Le second, enraciné au bord du chemin, est découvert sans difficulté. Le troisième, lui aussi au milieu d'une parcelle, nécessite de louvoyer entre les ruisseaux d'écoulement qui sont apparus un peu partout en forêt. Une branche immense repose sur le sol. Tombée récemment à en juger par la blessure encore à vif sur le tronc de l'arbre. Sans doute abattue par les vents des dernières semaines.

 

Dans une ornière inondée au milieu du chemin, des amphibiens au corps allongé reposent sur la vase au fond de l'eau. Autant de silhouettes sombres qui se découpent sur la terre brune, un peu ocre. Nous en comptons une quinzaine : des Tritons palmés reconnaissables à leur gorge blanche dépourvues de tache noire. Les mâles – plus beaux – ont les pattes postérieures nettement palmées au contraire des femelles.

 

Un peu plus loin, après le passage d'une averse sans conséquence, notre groupe débouche dans une petite clairière à mi-pente d'un vallon au fond duquel coule un ru famélique. Au centre, un géant : un chêne immense, au tronc épais et régulier jusqu'à environ huit mètres du sol avant d'exploser en une multitude de branches formant une couronne impressionnante. Le Chêne de l'Ascension – tel est son nom, un nom de circonstance – est sans doute le plus bel arbre du massif forestier de Rambouillet. Peut-être pas le plus gros, ni le plus le plus âgé, mais le plus harmonieux, le plus majestueux. Il trône au milieu de l'éclaircie et contemple de toute sa hauteur le parterre de courtisans (des Chênes rouges d'Amérique) humblement prosternés à son pied. Point de dédain chez ce monarque absolu mais une bienveillance paternelle que nous ressentons tous en l'admirant. Une Mésange bleue volette dans le houppier à la recherche d'une chenille qu'elle donnera à ses bambins braillards et affamés. Un Grimpereau des jardins déambule sur une branche verticale solidement agrippé à l'écorce profondément veinée. Lui aussi cherche son déjeuner ou celui de ses rejetons : il fouille méticuleusement chaque anfractuosité à l'aide de son bec courbé. Un Pinson des arbres chante depuis la cime.

Un arbre « Monde » reliant la terre au ciel, essentiel à son environnement et dont dépendent quantité d'êtres vivants auxquels il assure le gîte et le couvert.

 

Les papillons font leur apparition...

 

En bas de la pente, le ru a repris du poil de la bête. Les pluies des dernières semaines ont gonflé son cours. Sans être torrentiel, le débit est supérieur à celui observé depuis près de deux ans. Une excellente nouvelle pour la forêt et la végétation qui pourront affronter plus sereinement l'été et ses éventuelles périodes de sécheresse.

 

Après avoir dépassé un magnifique hêtre triple, nous arrivons au bord d'un petit étang pour y déjeuner. Le soleil choisit cet instant pour sortir la tête de la crasse et nous abreuver de lumière. La chaleur est immédiatement perceptible et les couches de vêtement tombent rapidement – dans une certaine mesure et de manière à respecter la pudeur de chacun naturellement...

 

Un Lézard des murailles prend lui aussi le soleil sur un talus sableux au pied d'un Pin sylvestre. Quelques papillons virevoltent ici et là, profitant de l'aubaine pour sortir de la végétation. Un Tircis, un Citron, un Aurore... Côté papillons de nuit – certains sont diurnes – un rare Sphinx gazé s'invite aux hors-d’œuvre et un très beau Sphinx du pin est découvert au dessert. Nouvelle preuve si nécessaire que les prévisions météorologiques doivent être prises avec recul et qu'un temps maussade réserve aussi de belles surprises.

 

L'après-midi voit le ciel se refermer inexorablement. Le soleil retourne se cacher derrière des nuages toujours plus épais. La luminosité baisse peu à peu et l'atmosphère devient lourde. Quelques papillons volent pourtant : des Piérides de la moutarde, des Citrons et toujours de nombreuses Panthères qui croisent notre chemin depuis le milieu de la matinée. Car de nombreuses panthères rodent en forêt de Rambouillet. Panthères ailées qui plus est. A l'instar du célèbre taureau, ces petits papillons de nuits aux ailes jaune-orangées tâchées de noir ont en nombre déployé leurs ailes pour prendre leur envol.

 

Le vent se lève et les nuages envahissent maintenant la voûte au-dessus de nos têtes d'un horizon à l'autre. Le tonnerre gronde quelque part au loin. Difficile de bien cerner où se trouve l'orage. Il ne semble pas nous menacer pour le moment. Près d'une belle mare de forme arrondie, nous découvrons un autre arbre magnifique : un hêtre. Au tronc épais de près de 4,5 mètres de circonférence et sans doute pas loin de trente de haut. Le sous-bois – très sombre – donne un caractère fantomatique à sa silhouette sombre. La mare est pleine : l'eau affleure les bords comme dans toutes les autres aperçues durant notre balade. Décidément un très bon augure avant l'été.

 

La balade s'achève d'un bon pas car les nuées se sont encore assombries. La menace d'une douche froide se précise nettement. Eole agite les houppiers, les oiseaux se sont tus, les insectes ont regagné leurs abris dans la végétation. Quelques promeneurs déambulent encore avec nonchalance et une confiance en l'avenir immédiat qui semble un tantinet exagérée. Des cyclistes s'éloignent en forêt. Notre groupe prend le contre-pied et allonge le pas. Les véhicules ne sont plus qu'à cinq-cents mètres. Plus qu'à trois-cents. Les premières gouttes s'écrasent déjà sur le sol. Encore mollement et en ordre dispersé. Mais ces prémices ne trompent personne. Le répit ne saurait durer plus que quelques minutes encore.

 

Nous n'avons que le temps d'atteindre nos voitures, de nous dire au revoir et de tirer brièvement quelques plans sur la comète que le ciel s'ouvre en deux, déversant des flots tempétueux que nous sommes heureux de ne pas avoir pris la tête. La chance nous a souri d'un bout à l'autre de la sortie, nous apportant des oiseaux, des papillons et des paysages forestiers dessinés par de belles lumières. Elle nous a préservé de la pluie si l'on excepte une courte averse durant la matinée et nous a même offert un déjeuner au soleil que nous n'espérions pas.

 

Merci à tous pour cette belle balade.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Héron cendré, Canard mandarin, Buse variable, Faisan de Colchide, Foulque macroule, Pigeon ramier, Coucou gris, Martinet noir, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rossignol philomèle, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Pouillot siffleur, Roitelet à triple bandeau, Gobemouche gris, Accenteur mouchet, Pipit des arbres, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Lièvre d'Europe

 

Reptiles :

Lézard des murailles

 

Amphibiens :

Triton palmé, Grenouille verte

 

Papillons de jour :

Piéride de la moutarde, Aurore, Citron, Tircis

 

Papillons de nuit :

Gâte-bois (Cossus cossus), Hachette (Aglia tau), Sphinx du pin (Sphinx pinastri), Sphinx gazé (Hemaris fuciformis), Panthère (Pseudopanthera macularia)

 

Orthoptères :

Grillon champêtre

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