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06 mars 2021

En bord de Seine…

Au centre du méandre…

La bise qui glace la campagne depuis une dizaine de jours poursuit son œuvre avec constance et rigueur. Implacable. Un vent certes faible mais qui coupe et burine les visages, engourdit les doigts. C'est toutefois le prix à payer en cette saison pour avoir la chance de nous balader sous un franc ciel bleu. Pas un nuage à l'horizon et une lumière déjà crue à 9h00.

 

Les oiseaux chantent à tue-tête. La saison de nidification approche. Est déjà là pour certains qui paradent ou passent au vol avec une brindille dans le bec : les travaux de construction ou de rénovation ont débuté. Un mâle de Serin cini s'époumone au-dessus de nos tête. Petit vol de parade destiné à impressionner madame posée dans l'arbre à quelques mètres. C'est notre premier de l'année. L'espèce n'hiverne pas en Ile-de-France – ou de façon marginale. Les oiseaux reviennent en général au début de mars pour les premiers suivi du gros des troupes dans la dernière décade de ce mois.

 

Le sous-bois est tapi de Perce-neige. Quelques pieds sont encore très beaux mais la majorité fanent déjà. L'hiver s'achève lentement et les prémices du printemps se multiplient. Sur la lande, au centre du méandre – la Seine entoure la presqu'île sur trois côtés –, la lumière coule à flot. Notre chemin évolue en contre jour. Le soleil encore bas dessine chaque arbre, chaque herbe, magnifie chaque fleur. Car les prunus (Pruneliers, merisiers...) ont revêtu leurs habits de fête. Couverts de petites fleurs blanches, ils ponctuent le paysage de bosquets étincelants. Arrivés sur une hauteur toute relative qui nous permet néanmoins de dominer les environs, la lande parsemée de ces arbres fleuris s'étire aux pieds des cheminées de craie blanche qui bordent la Seine.

 

L'Alouette lulu chante. Petit oiseau forestier au chant doux et harmonieux qui est malheureusement rare dans notre région. Le Muséum National d'Histoire Naturelles (MNHN) de Paris estime son déclin à 26% des effectifs au cours de la décennie venant de s'écouler. La biodiversité est dans un tel état de décomposition que le MNHN qualifie ce déclin de « modéré » : un quart de la population en dix ans ! Que penser du reste ? Le Muséum nuance toutefois cette baisse locale en nous précisant que l'espèce est en augmentation au niveau européen depuis les années 1980...

 

Nous voici rassurés.

 

Un couple de Bruant zizi perché sur un buisson ne se laissera malheureusement pas admirer. Il s'agit d'une espèce fort belle, le mâle arborant une magnifique tête jaune et verte masquée de noir. Les deux oiseaux s'envolent et disparaissent au cœur du réseau de buissons qui couvrent cette partie de la boucle. Quelques Grives mauvis psittent bruyamment au sommet des grands chênes. Elles sont parmi les dernières à hanter encore l'Ile-de-France. Beaucoup sont déjà reparties vers le nord rejoindre leurs places de nidification, en Scandinavie ou en Russie.

 

Alors que nous photographions une tige de lierre grimpant au soleil le long d'un tronc blanc et noir de bouleau, un chevreuil se lève brusquement et s'éloigne de deux ou trois bonds. Mais nous avons le vent pour nous. Et si l'animal a détecté un danger potentiel, il n'a pas clairement identifié sa nature. Nous ne sommes pas encore pour lui des humains – espèce mortelle – mais sans doute de vagues masses décelées à travers les branches. Le brocard est encore en velours. Il a perdu ses bois en novembre ou décembre dernier et achève de refaire ses bois. Il nous observe comme nous l'observons. Rencontre de deux mondes. Au bout de deux ou trois minutes, l'animal s'éloigne. Soit qu'il ait fini par nous cerner, soit que notre insistance à le dévisager ait éveillé en lui suffisamment de craintes pour qu'il choisisse de tourner les talons. Dans nos forêts, seuls les animaux les plus prudents vieillissent. Ce qui occasionne une frustration certaine chez les amoureux de la nature que nous sommes.

 

Au bord de l'eau…

 

Vers 13h00, le déjeuner sort des sacs. Nous sommes maintenant au bord du fleuve, en bout de boucle. En face, le très beau village de Vétheuil peint par Claude Monet entre 1879 et 1881. La vue n’a pas tellement changé en un siècle et demi. Le village conserve son aspect rural. Il reste, dominant la Seine, ses maisons de la fin du XIXe et celles construites peu après à la Belle Epoque alors que Proust se couchait de bonne heure. Les collines sont bien plus boisées aujourd’hui. Des Grands Cormorans étalent leurs ailes pour les sécher au soleil, deux péniches remontent le courant en direction de l'écluse de Rolleboise et un papillon passe au vol devant nous : un beau Vulcain aux écailles teintées de noir, de blanc et de rouge.

 

Bon appétit !

 

L'après-midi est consacrée au grand lac, vestige d'une vieille carrière de sable et de graviers réhabilitée en base de loisirs. Il fait beau et des voiles naviguent sur l'onde agitée par le vent qui ne faiblit pas. Le long du chemin qui encercle la pièce d'eau, des Rougegorges familiers cherchent leur nourriture. Tantôt à l'affût depuis un poste surélevé – une branche basse, le sommet d'un buisson – ils descendent régulièrement au sol cueillir l'objet de leur convoitise. Très photogéniques et plutôt confiants, ils font chaque fois le bonheur des photographes.

 

Comme le matin, quelques Tarins des aulnes chantent dans les hautes branches. Ils comptent parmi les derniers. Bientôt ces oiseaux vont repartir vers le nord, poser leurs valises au Pays de Galle, en Ecosse, en Allemagne, au Danemark, en Scandinavie ou plus à l'est encore. Alors que nos pensées filent vers ces confins du Septentrion, un grand papillon orangé nous ramène vers le sud. L'insecte vole et pose sur le sol au soleil. Ailes ouvertes : une magnifique Grande Tortue aux motifs bigarrés d'orange, de noir, de jaune, de blanc et même d'un peu de bleu lorsqu'on le regarde attentivement. Elle se laisse admirer et copieusement photographier avant de s'envoler de nouveau. Nous ne pensions pas la revoir mais après un demi-tour sur le bord de sa carapace, la tortue revient vers nous et pose dans un prunellier au bord du chemin. Sur une branche couverte d'une myriade de petites fleurs blanches. Le tableau est splendide : ce papillon si coloré parmi les fleurs pour se découper sur le ciel bleu... Nos yeux brillent devant le spectacle !

 

Sur l'eau, un petit groupe de Grèbes huppés nagent dans une anse abritée du vent. Cinq ou six oiseaux. La plupart arborent leur belle collerette nuptiale orange et noire mais le dernier prend son temps. Son plumage encore largement hivernal se teinte légèrement en arrière de la tête.

 

Un gros canard arrive alors au vol. Plumage très pâle, tête vert bouteille, rémiges – les plumes des ailes – sombres et bande pectorale marron. Un Tadorne de Belon. Espèce peu commune à l'intérieur des terres et qui préfère généralement les côtes basses, sableuses, estuaires, baies, lagunes côtières. L'oiseau est une femelle car son bec rouge est petit, sans le gros tubercule que le mâle possède sur le front. Une chance de la rencontrer ici aujourd'hui.

 

Quatre Grèbes à cou noir sont également découverts au bord du lac. Les oiseaux nagent à la limite de la végétation et sont malheureusement peu visibles. Leur plumage nuptial est superbe mais peu d'entre nous ont la chance de les observer car les oiseaux disparaissent et ne sont plus observés.

 

Le retour se fait sous les rayons du soleil et à l'abri du vent. La chaleur monte d'un coup et les vestes s'entrouvrent. La sortie s'achève vers 16h30 afin de nous laisser laisser le temps de regagner nos pénates avant que le couvre-feu fatidique n'entre à nouveau en vigueur à 18h00. Car s'il était simple de le respecter au mois de janvier lorsque la nuit tombait peu après les tartines « pain-beurre-chocolat » des enfants, il est plus frustrant aujourd'hui que les jours s'allongent rapidement.

 

La boucle est bientôt bouclée et notre groupe se sépare. La météo nous a favorisé. Dame Nature également en nous réservant son lot de belles observations. Nous attendons maintenant dans les prochaines semaine avec l'arrivée officielle du printemps, le retour des migrateurs qui ont passé l'hiver dans le sud de l'Europe ou en Afrique. Les hirondelles sont attendues, ainsi que le Coucou gris. Notre impatience grandit à mesure que l'échéance approche.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Grèbe à cou noir, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Tadorne de Belon, Canard colvert, Épervier d'Europe, Buse variable, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Foulque macroule, Goéland leucophée, Mouette rieuse, Pigeon biset domestique, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Alouette lulu, Corneille noire, Corbeau freux, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Bergeronnette grise, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Serin cini, Pinson des arbres, Bruant zizi

 

Mammifères :

Chevreuil européen

 

Papillons de jour :

Grande Tortue, Vulcain

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