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07 mars 2021
La Boissière-Ecole
au seuil du printemps...
Au matin du monde…
Le gel fige la forêt. Nous pensions – bien naïvement – en avoir terminé avec l'hiver et glisser doucement vers le printemps. Mais le froid résiste et a couvert durant la nuit la végétation de givre. Trois petits degrés sous zéro au point du jour et un ciel d'une pureté absolue. Une lumière crue coule à flot et se répand partout.
Encore une belle journée devant nous !
Les oiseaux chantent à tue-tête malgré le froid. Car même si l'hiver n'a pas totalement rendu les armes, l'influence du printemps grandit chaque jour et la nature y est sensible. La Sittelle torchepot chante du haut d'un grand chêne. Invisible dans le lacis de branches, on l'imagine la tête en bas le long d'un tronc ou perchée sur une partie plus horizontale à surveiller son domaine. Pinsons des arbres, Mésanges bleues, Mésanges nonnettes et Mésanges charbonnières se montrent également en voix.
Le chemin sableux serpente au fond d'un vallon peu encaissé. L’Île-de-France n'est pas le Jura ni même le Morvan. Forêt de conifère à gauche, de jeunes bouleaux en rangs serrés à droite. Des Roitelets huppés piaillent doucement. Nous finissons par les découvrir voletant d'une branche à l'autre, se nourrissant dans un rameau de Pin sylvestre. Les oiseaux bougent sans cesse comme tous leurs compagnons de cette même espèce. Aucun temps mort : déplacement permanent, saccadé : déplacement-nourriture, déplacement-nourriture. Peu commode d'observer le plus petit oiseau d'Europe et de distinguer sa fine couronne jaune qu'il arbore sur le sommet de son crâne.
Nous goûtons avec délice l'absence de vent. Au soleil, le froid s'efface bientôt et la température ambiance est bien agréable. Peu de traces sur le sol : les grands animaux ne fréquentent sans doute pas ce secteur de la forêt en ce moment. A la sortie de l'hiver, ces derniers trouvent davantage de quoi se nourrir en lisière qu'en pleine forêt. La fin de la chasse en plaine contribue aussi au retour des animaux sur les marges.
Des Tarins des aulnes babillent partout. De nombreux mâles, excités par le soleil radieux, chantent dans un brouhaha de voix mêlées. Nous contactons ici et là des groupes de quelques dizaines d'oiseaux. L'espèce ne niche pas en Ile-de-France, ou alors de façon tout à fait exceptionnelle (un ou deux couples suspectés de nidification en forêt de Rambouillet entre 2014 et 2018). Les oiseaux vont pour la plupart d'entre eux partir avant la fin du mois et rejoindre leurs fiefs en Grande-Bretagne, Allemagne, Pologne, Scandinavie...
Le climat se réchauffe...
En lisière d'une jeune parcelle dans laquelle les petits arbres ne dépassent guère trois ou quatre mètres de haut, nous observons deux phénomènes. Le premier, c'est l'influence de la lumière sur la morphologie des arbres. En effet, les grands chênes poussant en bordure profitent de cette lumière omniprésente. La majorité de leurs branches s'étalent du côté chemin, du côté de la clairière. La seconde observation est plus alarmante : les grands chênes qui jusqu'ici se trouvaient privilégiés par cette abondance de lumière sont ceux qui aujourd'hui souffrent le plus. Car ils sont les plus exposés au soleil et aux canicules estivales. Plusieurs d'entre eux ont la tête dégarnie : leurs plus hautes branches, celles qui dépassent de la canopée, sont mortes, le bois blanchi par le soleil. Un arbre est même entièrement mort. Il est criblé de trous : les pics du secteurs viennent se nourrir sur son tronc des insectes xylophages qui se repaissent du bois mort.
Le malheurs des uns font parfois le bonheur des autres.
Nous débouchons plus loin dans une belle clairière au milieu de laquelle un petit étang coule des jours heureux. Plein des pluies de l'hiver, la pièce d'eau accueille quelques couples de Bernaches du Canada, l'une des plus grosses oies du monde originaire d'Amérique du Nord. Introduite en Europe au Royaume-Unis et en Suède, un couple a également été implanté en 1976 sur la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines. L'espèce a proliféré depuis pour s'acclimater à la plupart des plans d'eau de la région et un peu partout en France. Deux Ragondins broutent l'herbe sur la berge. Derrière nous, un Pic épeichette troue le silence du sous-bois : une espèce qui devient rare en forêt de Rambouillet. Un papillon est aperçu au loin mais n'est pas identifié. Ce sera le seul lépidoptère de la matinée.
Tout à coup, deux chevreuils s'enfuient de quelques bons. Pourtant assez éloignés, les animaux ont dû nous sentir. A moins que leur réaction n'ait pas de lien avec notre présence – discrète – le long de la lisière. Les deux chevreuils s'éloignent hors de portée de vue.
Alors que nous reprenons notre périple, un petit oiseau vient voleter dans les branches basses d'un arbre au bord du chemin. Un Roitelet triple-bandeau. L'oiseau chante et comme son proche parent observé plus tôt dans la matinée, l'oiseau ne tient pas en place. Un autre hyper-actif qui disparaît fréquemment derrière une branche, derrière un tronc pour reparaître rapidement avant de s'éloigner dans la profondeur du sous-bois. Un couple de Pinson des arbres descend à terre pour fouiller le sol du chemin à quelques mètres devant nous. Nous interrompons notre marche, demeurons silencieux afin de les observer sans les effaroucher. Durant plusieurs minutes, les oiseaux ne semble pas s'offusquer de notre présence. Cette confiance apparente n'est bien sur que limitée car les pinsons ne nous perdent de vue à aucun moment et surveillent qu'on ne franchisse pas leur distance limite, qu'on ne pénètre pas leur espace de sécurité.
La sortie s'achève peu après, à l'issue d'un dernier chemin sableux. La température se fait maintenant très douce et nul doute que l'après-midi soit printanière. Merci à tous d'avoir participé à cette balade forestière.
Liste des espèces
Oiseaux :
Grand Cormoran, Bernache du Canada, Canard colvert, Buse variable, Pigeon ramier, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive draine, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Étourneau sansonnet, Verdier d'Europe, Tarin des aulnes, Pinson des arbres
Mammifères :
Chevreuil européen, Ragondin