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14 février 2021
Soleil et neige sont
au rendez-vous…
En bleu et blanc…
Matinée frisquette : bleue dans un ciel vide de nuage et blanche au sol couvert de neige. Loin en dessous du point de congélation, le thermomètre a le moral dans les chaussettes. Mais pas notre petit groupe : nous sommes heureux de nous retrouver, heureux de sortir nous aérer, de nous changer les idées en cette période un peu difficile. Et heureux d’apercevoir la lumière du soleil après plusieurs semaines de grisailles particulièrement lugubres.
Ce matin, les oiseaux chantent comme si le printemps devait arriver demain. La matinée ensoleillée n’est pas sans effet. Tout comme les jours qui s’allongent. Malgré le froid, ces signes ne trompent pas : la saison de nidification approche et les oiseaux les plus précoces s’excitent mutuellement. Les mâles se font hâbleurs : on chante, on se fait beau, on crâne un peu. Les dames deviennent les objets de toutes les attentions. De toutes les convoitises. Les mâles se font bagarreurs : on piaille, on se poursuit entre les branches, on plante les premières limites de propriété et on entend les faire respecter. Les copains de comptoirs aux côtés desquels on a passé la mauvaise saison deviennent peu à peu des concurrents qu’il convient de surveiller d’un œil.
La nature s’éveille et nous en sommes ce matin les témoins privilégiés. Les Pinsons des arbres chantent à tue-tête depuis les hautes branches d’un chêne, d’un charme ou du faîte d’un des derniers toits du village. Les Sittelles torchepots font elles aussi entendre leur voix puissante : « Uit-uit-uit ». Un chant aisé à identifier car très caractéristique. Les mésanges ne sont pas en reste : la petite Mésange bleue et ses strophes aigues, la Mésange charbonnière – plus grande – et son timbre plus sonore.
Nous quittons le village de Poigny et la forêt nous happe. Le couvert végétal se referme sur nous et nous avale. Dans le ventre de Jonas, le chemin nous conduit toujours plus profond dans les entrailles nues du sous-bois. Les arbres squelettiques vont patienter encore deux longs mois avant de s’étoffer de verdure. Pour le moment, leur écorce sombre tranche avec le manteau blanc qui scintille dans la vive lumière oblique du soleil matinal. Au sol, à l’abri des vents d’automne, de nombreux charmes et certains chênes ont gardé leur feuillage roux et racorni.
Le long du chemin, de grands chênes occupent l’espace. Leurs branches étalées dans toutes les directions indiquent qu’ils ont poussé à la lumière, avec de l’espace autour d’eux – un espace à prendre. Sans doute, ces parcelles forestières avaient au XIXe siècle un visage différent de celui qu’elles arborent aujourd’hui. Difficile de préciser l’âge de ces arbres. Il faudrait les couper et compter leurs cernes. Mais avec un peu d’expérience et de connaissances locales, on peut se hasarder à quelques hypothèses. Cent-cinquante pour celui-ci. Deux-cents pour celui-là. Certains sont marqués d’un point rouge : des arbres à abattre lors de la prochaine campagne de coupe. Car la forêt de Rambouillet, à l’instar de toutes les forêts de France, est une forêt de production. De vastes parcelles sylvicoles sur lesquelles l’homme cultive les arbres dans le seul but de les couper pour les vendre. La production d’oxygène, la fixation du dioxyde de carbone, la biodiversité et l’aspect paysager ne sont que les cerises sur le sommet du gâteau de deniers sonnants et trébuchants.
Des traces dans la neige...
Tout au long de notre périple, nous varions les paysages forestiers. Une belle futaie de chêne agrémentée d’un sous-bois de jeune charme, une jeune parcelle densément peuplée de bouleaux en en rangs serrés, une parcelle de Pins sylvestres surplombant de façon un peu hautaine un parterre de fougères roussies par le gel, une parcelle mixte dans laquelle conifères et espèces à feuilles caduques poussent côte à côte. La forêt nous apparaît comme un patchwork coloré et disparate constitué au gré de l’exploitation forestière.
Sur un chemin moins fréquenté par les promeneurs – moins sillonné d’empreintes de pas – des traces d’animaux apparaissent dans la neige. Un lièvre ici avec ses longues pattes arrières. Un sanglier là avec ses deux ergots en arrière du sabot. Et quelques chevreuils aux pas étroits et de petite taille. Certaines empreintes sont en forme de cœur : un pied de nez non dénué d’humour en ce dimanche de Saint Valentin.
Tout à coup, le rire du Pic vert éclate sur notre droite. Le cri roule sur la forêt et se propage aux quatre points cardinaux. Les pics sont étonnamment discrets ce matin. Ils font partis des chanteurs précoces et montraient une grande activité depuis le début du mois. Pourtant, aujourd’hui le plus grand calme règne dans leurs rangs. Nous n’entendons qu’un Pic vert, un Pic épeiche et enfin un Pic mar peu avant de regagner nos véhicules. Quel(s) paramètre(s) se montre(nt) défavorable(s) aujourd’hui ? Difficile à dire car d’autres espèces sont plus loquaces qu’eux.
Peu à peu, le froid s’insinue entre nos couches textiles. D’abord sans que nous y prêtions beaucoup d’attention. Puis plus nettement. Pour enfin nous pénétrer jusqu’aux os. Le disque solaire, pourtant généreux peine à réchauffer l’atmosphère. La neige tient bon au sol depuis le milieu de la semaine. Pas non plus de gouttelette tombant des arbres indiquant le début de la fonte. Rien : juste le froid brut, piquant les joues, engourdissant le bout des doigts et coupant tout sur son passage au moindre souffle de vent.
Toujours mieux qu’une grosse matinée de pluie océanique.
Certes ! De connivence avec le reste de la nature dont nous faisons partie intégrante, nous attendons le printemps avec une impatience de plus en plus difficile à dissimuler. Pour le moment, les oiseaux hivernants sont toujours là, en villégiature à profiter de la clémence de la météo. Des Tarins des aulnes piaillent ici et là, passent au vol en petits groupes ou sont posés à se nourrir dans les branches d’aulnes et de bouleaux. Plusieurs mâles chantent à pleins poumons : il est fréquent que les oiseaux paradent sur leurs lieux d’hivernage. Les couples se forment souvent au cours de la migration qui les ramène au nord de l’Europe. Quoi de mieux que les voyages pour lier connaissance ?
Une Grive draine chante tout à coup. Une belle voix sifflée qui porte au loin. C’est la plus grande des quatre espèces de grives nichant en Europe. Puis les premières maisons sortent du bois. Nous voici revenu au village après une boucle de quelques kilomètres. La forêt nous a offert une magnifique balade toute en couleur et largement saupoudré de blanc. Les chemins gelés en profondeur ont épargné nos chaussures qui – une fois n’est pas coutume – reviennent plus propres qu’elles n’étaient au départ. Un grand merci à tous les courageux venus braver le froid.
Liste des espèces
Oiseaux :
Pigeon ramier, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive draine, Roitelet huppé, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Tarin des aulnes, Pinson des arbres
Mammifères :
Chevreuil européen (traces), Sanglier (traces), Lièvre d'Europe (traces)