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10 octobre 2020

Le brame sous les étoiles…

Le ciel se dégage…

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L'après-midi a kidnappé le franc soleil qui a régné en maître toute la matinée. Des nuées anthracites et des pluies sont apparues nous laissant craindre pour la soirée brame. Mais à 18h30 lorsque le groupe arrive au point de ralliement, le beau temps revient en force et la lumière afflue à nouveau.

 

La sortie débute ainsi sous les meilleurs auspices !

 

La marche commence. Le sentier sableux serpente entre les parcelles forestières. Des essences feuillues d'abord avec du chêne, du bouleau et du charme. Puis le paysage se transforme rapidement pour laisser place aux Pins sylvestres. Pin bien reconnaissables aux couleurs de leur écorce : grise en bas et orangée en haut. Les mésanges piaillent en groupe et une ronde croise notre route. Braillards, les oiseaux crient sans cesse pour garder le contact avec la bande. En effet, les mésanges sont en perpétuel mouvement dans les houppiers, pendus aux branches la tête en bas, voletant d'une branche à l'autre. Car leur appétit est vorace : elles absorbent chaque jour peu ou prou leur poids en nourriture pour satisfaire leurs immenses besoins nutritifs. On bouge, on cherche, on fouille et on cause pour rester ensemble.

 

Dans notre groupe à nous les discussions vont également bon train. Des questions fusent, des réponses suivent. Une anecdote illustre parfois une explication. Mais nous veillons à garder quelques oreilles attentives, tournées vers le sous-bois afin d'écouter. Car nous sommes là pour le brame et il nous tarde d'entendre le premier cerf ouvrir le bal. Dans la première demi-heure, nous n'entendons que des raires isolés. Brefs et assez éloignés. Du brame, mais rien de franc. Pas encore...

 

Parvenus à une clairière, une biche et son faon de l'année broutent l'herbe sèche en lisière. Nous les observons dans la belle lumière dorée du couchant. Nous sommes repérés. La biche relève la tête et nous surveille pendant que son bambin poursuit son dîner. D'autres biches se nourrissent plus à droite. Il règne dans ce lieu une quiétude absolue.

 

Durant une dizaine de minutes nous observons les animaux dans leur pique-nique sur l'herbe. Pas un mouvement de recul, pas une once de peur ne vient perturber leurs agapes. Nous nous tenons en retrait, à plus de deux-cents mètres et nous ne dérangeons pas les animaux. Lorsque soudain des femelles prennent le galop pour s'éloigner rapidement d'un secteur dont un gros chêne semble être le point central. Mais point de panique. Tout juste de l'agacement...

 

Le cerf entre ainsi en scène. Le pacha pénétrant sur ses terres. Nous remarquons alors qu'il ne porte que onze cors. Notre « vaincu » est de retour. Nous le pensions parti, éloigné par le grand quatorze qui a pris sa place à la suite d'un combat la semaine passée. Mais visiblement, le lascard ne s'est pas allé bien loin et profite de l'absence du nouveau maître pour compter fleurette à ses anciennes protégées. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent.

 

Après tout, il chez lui !

 

Mais « Onze » a un autre souci. Les biches l'évitent. S'éloignent d'un pas lorsqu'il avance d'autant. Entre deux bouchées « Onze » tente sa chance à droite, à gauche... Sans succès ! Pas de biche en chaleur aujourd'hui sans doute. A la nuit tombée, alors que les animaux ne sont plus que des silhouettes sombres sur l'herbe pâle, Onze pousse un coup de gueule. Un long brame pour séduire les dames ou exprimer toute sa frustration. A moins qu'il ne souhaite simplement s'affirmer sur son territoire... Un jeu dangereux si « Quatorze » se trouve encore dans les environs.

 

Le brame : un combat de chaque jour...

 

Et justement ! Un second brame, plus grave, plus profond résonne bientôt en lisière et répond au premier. « Onze » et « Quatorze » se provoquent, brament à leur tour ou en même temps. Leurs voix s'approchent l'une de l'autre. Nous n'avons que nos oreilles pour décrypter cette scène sur laquelle l'ombre s'est refermée. Un peu plus près. Encore un peu plus près. Puis un bruit clair. Bruits de bois s'entrechoquant. Les deux mâles s'expliquent, à l'avantage de « Quatorze ». Une nouvelle fois. Sa voix profonde roule dans la nuit alors que le brame de « Onze » s'éloigne rapidement en sous-bois. Le maître est venu réaffirmer sa suprématie sur ce coin de forêt et sur la harde de biches qui s'y trouve.

 

Nous reprenons notre chemin après cet épilogue. Le froid humide commençait à pénétrer nos couches textiles et bouger nous réchauffe.

 

Parvenus sur le plateau, nous entendons deux gros cerfs bramer. Nous ne les entendions pas alors que nous étions au bas de la pente. Maintenant, leur voix nous parviennent si distinctement que nous pourrions les croire à deux pas. L'air immobile porte les sons au loin. Les brames envahissent tout l'espace. Une voix rauque devant nous. Une autre plus grave sur notre gauche. Les deux mâles se défient eux aussi. Pas comme « Onze » et « Quatorze » qui convoitent le même territoires, les mêmes biches. Devant nous, les deux cerfs ont chacun leur place. Chacun leurs bonnes amies. Mais on veille à ce que le voisin reste un voisin et ne devienne pas trop envahissant. Il faut donc montrer qu'on est là. Hurler à la lune – qui n'est pas encore levée – et toiser l'adversaire en limite séparative.

 

Les humains que nous sommes profitons de ce spectacle auditif. Sur notre droite, des bois s'entrechoquent une nouvelle fois. Mais le combat n'a pas la violence des luttes de pouvoir. La joute se prolonge, mollement. Sans doute des jeunes qui jouent, qui cherchent à se réchauffer en prenant un peu d'exercice. Des duels durant lesquels les futurs dominants s'aguerrissent, établissent les hiérarchies de demain. Ces joutes sont fréquentes et se produisent tout au long de l'année chez les jeunes cerfs dès leur troisième ou quatrième année.

 

Le ciel est maintenant clair. Plus un nuage. Le ciel et son infini dont la profondeur est quelque peu mangée par la pollution lumineuse parisienne. L'étoile polaire indique le nord. Mars brille de mille feux au-dessus de l'orient. Jupiter et ses quatre satellites galiléens – découverts par Galilée en 1610 – occupent le sud. Saturne à leur gauche. Les plus chanceux aperçoivent quatre étoiles filantes rayer la nuit de leur éclat lumineux. Des météorites de petite taille qui entrent en collision avec notre atmosphère, au contact de laquelle elles se consument en quelques instants. Bien peu parviennent jusqu'au sol.

 

Une Chouette hulotte hulule. Un chant magnifique qui confère une magie évidente à la forêt endormie. Ou qui aimerait dormir, car les cerfs mènent la danse. Leurs sérénades bruyantes se poursuivent. Nous reprenons le chemin du retour et tentons de nous imprégner de l'atmosphère envoûtante de la forêt plongée dans le noir. Sans lampe, nous suivons le ruban plus clair du chemin. Un cerf brame encore au loin. La forêt plonge peu à peu dans le silence. Un Ver luisant pique la nuit d'une petite lumière verdâtre, froide.

 

De retour aux véhicules, le sous-bois semble figé. Plus un mouvement, plus un son ne s'en échappe. Pourtant la vie y abonde. Sans doute des yeux nous observent, attendent que nous regagnons nos pénates. Ce que nous ne tardons pas à faire. Cette sortie brame clôture la saison 2020. Une belle année avec de beaux cerfs. Des concerts et des combats. Il nous faut maintenant patienter jusqu'à l'automne prochain lorsque septembre amènera à nouveau les animaux sur leur place – souvent les mêmes d'une année sur l'autre. En attendant, d'autres sorties auront lieux. Sur d'autres secteurs de la forêt, en d'autres régions, sur bien d'autres thèmes. Merci à tous pour ces beaux moments.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Chouette hulotte, Pic épeiche, Corneille noire, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Mésange nonnette, Mésange huppée, Rougegorge familier, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

20201010-Vallée de Grés-MAM-Cerf élaphe
20201010-Vallée de Grés-MAM-Cerf élaphe
20201010-Vallée de Grés-MAM-Cerf élaphe
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