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30 juillet 2020

Soirée à Saint-Lucien

Une belle soirée d'été…

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Ciel bleu au-dessus de ce petit coin de France, entre Yvelines et Eure-et-Loir. Un pied de part et d'autre, à cheval sur deux régions administratives, la balade de ce soir longe les lisières au sud du massif forestier de Rambouillet, traverse des petits bois et permet d'apprécier ces milieux ouverts où se mêlent boqueteaux, friches et parcelles agricoles.

 

Une trentaine de degrés (centigrades) au thermomètre et notre groupe s'élance avec une cargaison raisonnable de salades, de sandwiches et d'eau pour tenir toute la soirée sans défaillir. Certains ont même pensé au pull au cas où la différence de températures se fasse trop nettement sentir une fois le soleil disparu sous l'horizon. D'autres ont fait le pari audacieux des sandalettes, rompant de façon claire avec les chaussures de marche habituellement usitées en pareille occasion...

 

Les chaumes s'étendent où que porte le regard. Les moissons achevées depuis une dizaine de jours au moins laissent un paysage hérissé de tiges jaune d'or. Des fleurs poussent en périphérie. Des ombellifères – carottes sauvages notamment –, Achilées mille-feuilles, Tanaisies, Centaurées noires et différentes graminées montées en graines. La chaleur n'incite pas les oiseaux à se manifester. Rares sont les cris à atteindre nos oreilles. Un Pic épeiche ici. Un Pouillot véloce là. Une Mésange à longue queue au sommet d'un petit chêne attire notre attention mais s'envole et gagne le couvert végétal avant que nous ayons eu le temps de l'admirer. Un Pipit des arbres nous joue un tour analogue : posé à terre, il s'envole pour se poser en évidence sur une branche mais pénètre dans le houppier au moment où nous posons les jumelles sur lui. Une Caille des blés chante tout à coup derrière nous. Une strophe trisyllabique typique, impossible à confondre une fois qu'on a eu la chance de l'entendre une fois et dont le son ressemble à l'injonction : « Paye tes dettes ». L'oiseau des usuriers !

 

Les stars de ce début de soirée sont incontestablement les papillons. Profitant de la chaleur, ils volent par dizaines. Ou dizaines de dizaines. Beaucoup de Myrtils et d'Amarillys, deux espèces très communes en été. Quelques Tabacs d'Espagne volent eux aussi d'une fleur à l'autre. De gros papillons orangés et fortement ponctués de noir. Quand apparaissent les deux VIP de la friche. Deux grands et magnifiques papillons blancs. Vol léger, comme en apesanteur au-dessus de la végétation. Le premier pose et se laisse aisément photographier : un Flambé. Le second, plus nerveux, se laisse moins facilement approcher et les photographes s'en trouvent un peu frustrés : un Machaon.

 

Après un pique-nique à l'ombre, nous reprenons notre sentier sablonneux. Rire du Pic vert à bâbord. Une Bondrée apivore – un rapace de la taille d'une Buse variable se nourrissant d'hyménoptères tels que les guêpes et les abeilles – s'envole à notre passage et s'éloigne au-dessus de la forêt. Puis, un mouvement dans les hautes herbes de la clairière devant nous. Un superbe Renard roux suivi de son épaisse queue touffue pointe le bout de son nez. L'animal décèle rapidement notre présence et se tourne vers nous. L'observation est mutuelle durant quatre à cinq secondes avant que l'animal tourne les talons et regagne les taillis de quelques bonds. Vision furtive mais empreinte de magie. Cent mètres plus loin, c'est un chevreuil qui fuit devant nous. Nous ne l'avons vu qu'au tout dernier moment. L'animal était soit couché dans les hautes herbes, soit dissimulé par la végétation de la lisière. D'un bond, l'animal entre en forêt et disparaît dans l'ombre du sous-bois.

 

Parvenus sur la plateau, entièrement moissonné lui aussi, deux jeunes chevreuils jouent au milieu d'un chaume. Courtes poursuites, regards en mode « tu ne m'attraperas pas ». Entrecoupés de pauses pour casser la croûte. Les animaux, éloignés, ne sont en rien effrayés par notre présence. Nous finissons par poursuivre notre chemin afin d'aller visiter les autres clairières avant que la nuit tombe tout à fait. Il est 21h30 et le soleil se couche. Le ciel pur n'est piqué d'aucun nuage, assombri d'aucun voile. Les silhouettes noires des grands arbres se découpent sur les nuances oranges et roses de l'horizon occidental. Au sud-est, une lune pas encore pleine laisse admirer ses mers et ses cratères. Au bord de l'ombre, là où la lumière rasante les met en valeur, les reliefs de ces cercles gigantesques sont nettement visibles.

 

La nuit succède au jour...

 

Juillet est également un mois propice pour trouver et ramasser des plumes. Beaucoup d'oiseaux muent à cette époque de l'année et sèment un peu partout leurs effets personnels. Une belle rémige primaire de Buse variable est découverte au bord d'un chemin. Tout comme une rémige secondaire d'un Geai des chêne ou celle d'un Pigeon ramier. Ou encore cette belle rectrice centrale d'un Pic épeiche – de couleur noire et à l'extrémité pointue.

 

Après avoir traversé un bois large de quelques centaines de mètres dans la pénombre grandissante, nous débouchons sur une nouvelle zone largement ouverte. Devant nous se dresse ce qu'on pourrait pompeusement appeler une colline mais qui n'est sans doute qu'une déclivité, une butte barrant le regard. Partout les Grillons d'Italie stridulent. La température est encore chaude. Les pulls patientent au fond des sacs alors que les sandalettes s'en tirent très honorablement face aux chaudes chaussures de randonnées. Coup d'oeil sur la lune dont l'éclat augmente au fur et à mesure que le ciel noircit.

 

C'est alors qu'entre deux rangées d'arbres, au sommet de la « colline » des formes sombres en lents mouvements attirent nos regards. Nous braquons immédiatement les jumelles dans cette direction et découvrons une petite harde de cerfs dont les silhouettes sombres se découpent sur le ciel rosé. Au moins trois ou quatre biches, dont deux accompagnées de leur faon. Un daguet les accompagne – un jeune cerf mâle d'un an dont les bois ne sont encore que des pointes droites sans ramification, sans andouiller.

 

Les animaux broutent tranquillement l'herbe du sommet. Les faons dans les pattes de leur mère comme tous les gamins en bas âge. Une ou deux biches semblent couchées sur le sol. L'observation est magnifique. Comme une saynète d'un petit théâtre d'ombres chinoises. Il est difficile de nous arracher à un tel spectacle mais nous souhaitons avancer un peu afin de voir si les deux dernières clairières encore à visiter sont également fréquenter par des animaux. L'obscurité s'accroît rapidement. Mais aucun autre mammifère n'est plus aperçu. Il fait de toute façon trop sombre maintenant et il n'est pas assuré que nous puissions voir un animal même si celui-ci sortait d'un bois.

 

Alors nous nous tournons vers le ciel. Levant le nez vers les étoiles. La lune est maintenant un phare qui jette une lumière diaphane sur la campagne. Nul besoin d'une lampe de poche pour avancer sans nous prendre les pieds dans le tapis. Une lueur blanchâtre enveloppe la plaine. Le ciel n'est pas noir mais terne. Seules les étoiles les plus brillantes parviennent à percer le voile lumineux. Jupiter et ses quatre satellites galiléens sont visibles avec de simples jumelles - « galiléens » car découverts en 1610 par Galilée. Seuls ces quatre lunes principales sont visibles avec nos petits instruments, mais Jupiter en compte 79 en tout. A quelques degrés plus à gauche et un peu plus bas sur l'horizon apparaît Saturne et son anneau qu'on distingue avec la lunette d'observation munie d'un grossissement de cinquante fois. La planète reste évidemment loin (un milliard et demi de kilomètres – « environ », on ne va pas chipoter). Saturne étant la deuxième plus grosse planète du système solaire, elle reste bien visible malgré la petite trotte qui nous sépare d'elle.

 

La Grande Ourse trône au-dessus de l'horizon nord-ouest. L'une des constellation les plus célèbres de l'hémisphère nord nous donne un repère pour chercher la comète Neowise qui a enchanté le ciel tout le mois de juillet. Elle s'est grandement éloignée et sa coiffe est sans doute très réduite si elle encore visible. La clarté de la lune ne nous laisse pas non plus un fol espoir. Nous la cherchons toutefois aux jumelles car elle n'est plus visible à l'oeil nu comme lors de la première quinzaine du mois. Nous la trouvons. Sans trop de difficultés. Mais le spectacle n'a plus rien à voir avec ce qu'il a été. La comète n'est plus aujourd'hui qu'une tâche diffuse et très pâle, sans panache traîné derrière elle. Mais nous aurons le plaisir de la revoir à son prochain passage dans 6800 ans. Ce n'est donc qu'un au-revoir.

 

Un au-revoir pour nous également car nous avons bouclé la boucle. Beaucoup de belles choses ce soir et une météo extraordinaire. La température très agréable est encore de 24°c à 23h30. Nous nous quittons donc sur cette comète. Nous nous retrouverons en septembre pour le brame du cerf. En attendant, de belles vacances à vous tous !

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Bondrée apivore, Buse variable, Caille des blés, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic vert, Pic épeiche, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre, Corneille noire, Geai des chênes, Sittelle torchepot, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Pouillot véloce, Pipit des arbres, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Chardonneret élégant

 

Papillons de jour :

Flambé, Machaon, Piéride de la rave, Piéride du chou, Citron, Amaryllis, Myrtil, Tabac d'Espagne

 

Mammifères :

Cerf élaphe, Chevreuil européen, Renard roux

 

Orthoptères :

Grande Sauterelle verte, Oedipode turquoise, Grillon d'Italie, Grillon des bois

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