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19 mai 2020

Soirée à Saint-Lucien

Fin d'une belle journée...

 

L'Eure-et-Loir : une zone verte à trois-cents mètres à peine de la zone rouge francilienne qui ne s'en distingue pourtant en rien. Champs cultivés et bois de chaque côté, dont certains sont à cheval sur les deux départements. Le même ciel bleu. Pas de service de douane à la frontière. Pas de passeur à rémunérer grassement pour franchir la ligne de démarcation et se rendre en catimini en zone libre. Mais ce soir nous laissons loin derrière nous ces considérations administratives. Seule cette belle campagne rurale nous intéresse. Le temps est idéal : sans un souffle, doux – parfois presque chaud. Le soleil est encore haut lorsque nous démarrons. La seconde quinzaine de mai est maintenant entamée et avec elle les plus longues soirées de l'année.

 

L'orge mûrit lentement. Les épis parfaitement formés sont encore vert et ne seront moissonnés qu'au premier juillet. Des Hirondelles virevoltent en quête d'insectes à gober. Des Hirondelles rustiques d'abord avec leur longue queue et leur gorge acajou, puis des Hirondelles de fenêtre reconnaissables à la large tache blanche marquant leur croupion. De marguerites et deux ou trois coquelicots rescapés des traitements phytosanitaires égaillent le bord du chemin.

 

Une grosse libellule jaunâtre passe devant nous pour se poser sur le sol sableux du sentier. Immobile, l'insecte est presque invisible malgré sa taille et sa couleur. Ne pas le perdre de vue sous peine de ne la retrouver qu'au prix d'une longue recherche ou d'un peu d'aide : « tu vois l'ombre de ma tête ? Elle est dix centimètres plus loin, près d'une grosse pierre blanche... » Les trois fauvettes chantent dans les nombreux buissons qui bordent les lisières. La Fauvette à tête noire et sa voix mélodieuse, riche en modulations. La Fauvette des jardins au ton monocorde et aux phrases paraissant ne jamais devoir s'achever. Et la Fauvette grisette aux strophes courtes et rapides. Un cas d'école avec côte à côte ces trois espèces si aisées à confondre. Un peu plus loin, une Hypolaïs polyglotte – encore une fauvette de milieu buissonnant – complète la liste et termine de nous convaincre que les chants d'oiseaux ne se maîtrisent que grâce à une écoute attentive et régulière durant plusieurs mois. Parfois plusieurs années.

 

Plus loin, alors que nous jetons un coup de jumelles sur une haie buissonneuse, une tache blanchâtre apparaît en hauteur au bout d'une branche dénudée. C'est la poitrine rosée d'une Pie-grièche écorcheur vivement éclairée par la lumière rasante. Une espèce rare en Ile-de-France (l'oiseau se trouve dans les Yvelines). Et pas plus commune dans le nord-est de Eure-et-Loir. Cette observation constitue donc une excellente surprise. Cette pie-grièche doit son nom à son habitude d'empaler ses victimes – en général de gros insectes – sur des épines acérées afin de se constituer un garde-manger. Cela peut-être des fils barbelés ou des épines végétales (églantier, ronce, acacia...) Son masque noir lui donne un air de bandit de grand-chemin s'apprêtant à détrousser les voyageurs. Un oiseau magnifique.

 

Et pendant ce temps, la terre tourne...

 

Encore une dizaine de minutes et l'horizon aura inexorablement avalé le soleil. Le Bruant jaune et le Rossignol philomèle chantent en lisière et nous laissons derrière nous ces deux solistes après les avoir écouté longuement. Un lièvre nous observe. Seule sa tête émerge de la dernière prairie de graminées. Nous pénétrons en sous-bois alors que l'astre du jour a presque achevé sa descente. L'ombre a déjà envahi la forêt et les appareils photos ne photographieront plus rien avant que nous ne retrouvions la lumière des milieux ouverts. Sur notre droite, vacarme qui à chaque nouvelle minute se transforme un peu plus en tapage nocturne. Des jeunes affamés appellent leurs parents et insistent pour que la cadence s'accélère. La même impatience que celle de nos chères têtes blondes lorsque le fumet des spaghetti à la sauce bolognaise atteint leurs narines hyper sensibles et directement connectées à leurs estomacs. Un bec dépasse de l'orifice d'une cavité. Dans un tronc, un couple de Pics épeiches tentent de rassasier leur progéniture insatiable. Justement, le père arrive et sans nous avoir aperçu, s'agrippe au tronc et distribue son lot de friandises. Aussitôt englouties. Nous nous éloignons rapidement afin de ne pas inquiéter les oiseaux ni interrompre le ballet des parents entre la cuisine et la table du salon.

 

Le long d'une nouvelle lisière, alors que l'obscurité s'épaissit, un rapace chasse au-dessus d'une parcelle. Un vol souple, deux ou trois mètres au-dessus du sol. Dans un silence absolu, l'oiseau multiplie les arabesques. Une ligne droite, un demi-tour, une descente rapide pour remonter presque aussitôt. Deux plages de couleur unies et orangées sur l'aile signent le Hibou moyen-duc. L'espèce est typique de ces mosaïques mêlant intiment les bois – où il niche – et les espaces ouverts – où il chasse. L'espèce a besoin de la juxtaposition des deux.

 

Une belle rencontre.

 

Le ciel encore pâle se perce peu à peu d'étoiles. La Grande-Ourse au zénith. La constellation du Bouvier et Arcturus son étoile principale plus au sud. L'étoile polaire dans l'axe de rotation de la terre. Au sud-ouest, la lion se dirige lui aussi vers le couchant. Vénus, elle, irradie tel un phare au-dessus du village de Saint-Lucien. Un chevreuil aboie – fort. Un cri qui porte loin dans le calme de la nuit. Deux Chouettes hulottes hululent et semblent se répondre. Dans la mare du village, tout près des véhicules, les Grenouilles vertes donnent un concert assourdissant. En arrière plan, les Rainettes forment le cœur.

 

Si la balade a débuté en images, elle s'achève en sons. Du vert, du jaune, du rouge qui laissent place aux aigus, aux graves et aux stridulations des grillons. L'été approche, la douceur de cette soirée en témoigne...

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Héron cendré, Canard colvert, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Coucou gris, Chouette hulotte, Hibou moyen-duc, Martinet noir, Pic vert, Pic épeiche, Hirondelle de fenêtre, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rossignol philomèle, Rougequeue noir, Tarier pâtre, Merle noir, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Grive musicienne, Grive draine, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Pipit des arbres, Bergeronnette grise, Bergeronnette grise, Pie-grièche écorcheur, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant proyer, Bruant jaune

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Lièvre d'Europe

 

Amphibiens :

Grenouille verte, Rainette verte

 

Odonates :

Gomphe gentils

 

Orthoptères :

Grillon champêtre

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