top of page

78

23 mai 2020

Tournée des plus

beaux arbres...

Du gris pour débuter...

 

Les pluies de la nuit n'ont en rien refroidi la motivation sans faille de notre petit groupe. Comme promis par la météo, les précipitations ont cessé mais de lourds nuages roulent encore dans le ciel avec nonchalance, poussés par un vent flegmatique. Côté température, rien de trop : un petit +14°c chargé d'humidité qui nous oblige à remonter le col de nos vestes.

 

Le premier kilomètre de balade arpente la plaine de Montfort-l'Amaury. Espace ouvert, vue dégagée et une superbe allée d'arbres offrant de l'ombre au promeneur estival avide de fraîcheur forestière. Des essences de lisière supportant la pleine lumière ou la demi-ombre de la haie. Nous trouvons du Platane, du Frêne, de l'Erable champêtre, du Sureau noir... Les oiseaux liés à ces biotopes profitent de la matinée pour s'échauffer le gosier : Fauvette des jardins, Hypolaïs polyglotte, Accenteur mouchet... Et bien sûr, l'Alouette des champs qui nous inonde d'une cascade de notes jetées depuis son poste de chant une trentaine de mètres au-dessus du sol.

 

Puis, sans transition, nous débouchons en forêt. Une parcelle âgée à gauche, une parcelle jeune à droite. La parcelle âgée est peuplée de grands chênes largement centenaires. Au moins deux fois pour plusieurs d'entre eux. Le sous-bois n'est présent que sous la forme d'une strate basse, herbacée, piquées de bouquets de ronces, de chèvrefeuilles. La vue est dégagée. Le cri d'un Pic épeiche retentit, le Pipit des arbres chante à tue-tête tandis que trois rapaces s'envolent : une Buse variable, une Bondrée apivore et un troisième oiseau que nous n'avons pas eu le temps d'identifier. La parcelle jeune est aux antipodes de la première et présente avec elle autant de points communs qu'il en existe entre une cour d'école maternelle et le salon d'un centenaire décoré selon une mode révolue depuis plusieurs décennies déjà. Que des jeunes arbres, âgés d'une vingtaine d'années peut-être. Une seule classe d'âge car tous les arbres sont sortis de terre en même temps après l'abattage de la génération précédente. Un fouillis inextricable haut de quatre ou cinq mètres, très dense et dans lequel un homme aurait toutes les peines du monde à pénétrer. C'est le paradis des fauvettes : Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Hypolaïs polyglotte mêlent leurs voix dans une chorale un tantinet cacophonique.

 

Et le Chêne Géneau sort de l'ombre. Au milieu d'une parcelle, il n'est pas aisé à découvrir lorsque le feuillage luxuriant des arbres environnants le masque complètement (le rechercher en hiver dans un premier temps et prendre de solides points de repères). Un fût massif de 5,5 mètres de circonférence. Des branches plus épaisses que les troncs de ces voisins. Le sous-bois est sombre et le recul insuffisant pour prendre ce vénérable en photo. Un arbre qui aurait des choses à conter s'il était doué de parole. Il a probablement vécu la révocation de l’édit de Nantes, assisté à la Fronde. Et vu défiler cavaliers, soldats et carrosses en tout genre.

 

Au-dessus de nos têtes, le vent forcit légèrement et s'emploie à nettoyer le ciel. Le plafond s'élève. La lumière croît tout comme la température. Les insectes que nous n'espérions pas trop sortent peu à peu du couvert végétal dans lequel ils passent les heures froides. Des papillons de nuit d'abord (qui ne sont d'ailleurs pas tous nocturnes) : Bombyx buveur, Ecaille fermière, Pétrophore de la fougère... La première libellule pointe le bout de ses ailes peu après 11h00 : une femelle d'Orthétrum réticulé, une grande libellule jaune et noir (revêtue de la même tunique que celle des Dalton). Les insectes sortent tous à cet instant. Comme se donnant le mot. Un Hanneton est découvert sur une feuille basse. Un Cercope sanguin noir et rouge se laisse admirer – un insecte appartenant comme les cigales à l'ordre des hémiptères. Plusieurs Panthères volent rapidement au-dessus des ronciers : ces panthères là étant des papillons de nuit orangé taché de noir.

 

C'est ainsi que nous atteignons le Chêne de l'Ascension. Un peu l'apothéose de cette sortie avec l'un des plus beaux arbres du massif forestier. Au détour du chemin, lorsque notre regard accroche ce géant pour le première fois, nous sommes véritablement saisi. Presque incrédules qu'un tel arbre s'épanouisse ici, si près de chez nous. Rambouillet est une ancienne forêt royale, puis impériale qui a été protégée de longue date – à l'instar de Fontainebleau et de Chantilly. Les arbres y sont souvent plus beaux, plus vieux que dans d'autres forêts plus exploitées par l'industrie du bois ou aux sols de moins bonne qualité (le bassin parisien n'est pas la région la moins fertile de France). Cet arbre monte droit comme un « I » puis explose en une forêt de branches. Un monde à lui tout seul, offrant à de nombreuses espèces le gîte et le couvert. Un géant profondément enraciné dans le sol et dont la cime touche le ciel. Un pont entre le monde d'en bas et le monde d'en haut. Quelques photos et admiration muette – proche du recueillement.

 

Et du bleu pour finir...

 

Mais l'heure tourne et plusieurs estomacs bien connus crient déjà famine. Nous reprenons la route et posons nos sacs au bord d'un bel étang. Le soleil est maintenant généreux. Les nuages se sont disloqués. De très nombreuses libellules volent au-dessus de l'eau ou patrouillent le long des berges. Quelques-unes nous font le plaisir de poser : les observer est alors bien plus aisé. Au moins trois cordulies naviguent de droite à gauche puis de gauche à droite. Inlassablement. Les deux premières sont de couleur bronze, ont l'abdomen arqué vers le bas et terminé en massue : des Cordulies bronzées. Une espèce très courante à cette époque de l'année. Par contre, la dernière constitue une réelle surprise. Abdomen plus rectiligne, d'épaisseur constante. Et cette belle couleur émeraude : une Chlorocordulie métallique. Espèce beaucoup moins commune que la première, mais qui surtout ne vole pas si tôt dans l'année et qui reste habituellement invisible avant la troisième semaine de juin. Mais 2020 est particulière à plus d'un titre : les observations précoces, voire anachroniques se multiplient depuis deux ou trois semaines. Une autre espèce tardive (la Chlorocordulie à taches jaunes, visible à partir de juillet) a déjà été aperçue en plusieurs sites d'Ile-de-France, laissant les entomologistes un peu perplexes. Ce phénomène est aussi observé chez les papillons dont certains émergent avec parfois deux bonnes semaines d'avance sur les dates records. Tout ceci sera sans aucun doute commenté et analysé a posteriori. A suivre !

 

En début d'après-midi, alors que la chaleur monte encore d'un cran, les papillons volent en tout sens. Au centre d'un carrefour ouvert et très ensoleillé, nous marquons une pause pour les observer. Une Zygène de la filipendule – splendeur habillée de rouge et de noir – butine. Elle aussi est sortie en avance. L'espèce est rare avant le mois de juin. Une Mélitée des mélampyres arborant du noir, du blanc mais surtout du orange, déroule sa trompe et entend bien vider la coupe jusqu'à la lie.

 

Notre groupe arrive à la table du roi. Une grande table de pierre datant des dernières années de l'Ancien Régime avant que la Révolution Française ne vienne changer l'ordre des choses. A l'instar du monarque, nous nous installons pour un en-cas : après tout, c'est sa vocation. Car un problème d'importance se pose à nous : la chaleur fait fondre le chocolat. Il ne peut plus attendre et doit être mangé. A chacun ses problèmes et c'est avec autant de courage que de détermination que nous nous attelons à la tâche – certains avec plus d'ardeur. Rassérénés, nous débutons l'inventaire faunistique du carrefour au centre duquel trône la table. Un Lézard des murailles est découvert, ainsi que deux Lézards vivipares. Des odonates volent tout autour de nous : au moins deux Libellules déprimées et trois Orthétrums réticulés.

 

L'arbre remarquable suivant sur notre parcours est un hêtre : un arbre extraordinaire. Large de plus de quatre mètres de circonférence. Haut de plus de trente. Et d'un port très harmonieux. Ce hêtre est l'un des plus beaux du massif forestier. Il pousse dans un secteur particulièrement frais et humide. Une grande mare gît non loin à son pied. Les chemins très boueux sont encore zébrés de flaques plus ou moins grandes, plus ou moins profondes. Dans l'une d'elles, nous découvrons au moins sept Tritons palmés – amphibiens de six à huit centimètres de long.

 

La balade s'achève après la visite rituelle au doyen de la forêt : le Chêne Baudet a dépassé le demi-millénaire. L'arbre est mourant. Son heure de gloire est maintenant derrière lui et l'ONF l'a entouré de grillages au cas où des branches viendraient à tomber. Massif, il est l'un des plus gros arbres de la région avec près de sept mètres de circonférence. Nous regagnons les véhicules après dix-sept kilomètres de marche. Météo idéale qui nous a permis de découvrir autant d'oiseaux que d'insectes. Mais aussi des amphibiens, des fleurs et naturellement des arbres – thème de cette sortie. Merci à tous pour ce moment convivial et plein de traits d'humour savoureux auxquels ce compte-rendu rend peu hommage : car ces moments doivent se vivre et ne peuvent pas toujours être racontés.

 

Liste des espèces

 

Oiseaux :

Héron cendré, Canard colvert, Bondrée apivore, Buse variable, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Coucou gris, Martinet noir, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Pouillot siffleur, Roitelet à triple bandeau, Gobemouche gris, Accenteur mouchet, Pipit des arbres, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Chevreuil européen

 

Amphibiens et reptiles :

Grenouille verte, Triton palmé, Lézard des murailles, Lézard vivipare

 

Papillons de jour :

Piéride de la moutarde, Azuré commun, Tircis, Némusien (Ariane), Procris (Fadet commun), Vulcain, Mélitée des mélampyres

 

Papillons de nuit :

Bombyx à livrée, Buveuse (Bombyx buveur), Brocatelle d'or, Pétrophore de la fougère, Panthère, Phalène picotée, Ecaille fermière, Zygène de la filipendule

 

Odonates :

Pennipatte bleuâtre, Agrion jouvencelle, Naïade aux yeux rouges, Nymphe au corps de feu, Gomphe gentil, Cordulie bronzée, Chlorocordulie métallique, Libellule déprimée, Orthétrum réticulé

 

Orthoptères :

Grillon champêtre

 

Coléoptères :

Hanneton commun, Petite Biche

 

Hémiptères :

Cercope sanguin

P1580544 - Copieb.jpg
P1580572 - Copieb.jpg
P1580554 - Copieb.jpg
P1580586 - Copieb.jpg
P1580592 - Copieb.jpg
P1580606 - Copieb.jpg
P1580631b.jpg
P1580647b.jpg
P1580739b.jpg
P1580746b.jpg
bottom of page