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14 mars 2020

Une journée au

bord du monde...

Crachin matinal…

Ciel bas. Gris clair ici. Plus sombre là. Avec des nuances changeantes entre les deux. Le vent pousse la crasse vers le nord-est. Pas très fort, mais suffisamment pour rendre le fond de l’air bien frais et achever la journée avec les joues rougies et la goutte au nez.

 

Notre petit groupe s’élance sur le chemin herbeux à l’assaut du replat qui nous masque l’horizon. L’Alouette des champs pousse la sérénade au-dessus de son home-sweet-home. Une généreuse cascade de notes se déverse sur nos têtes depuis le poste de chant de l’oiseau : un point dans le ciel, à une trentaine de mètres de hauteur où l’Alouette stationne en vol immobile. Un point que le groupe tente d’apercevoir en plissant les yeux. Plusieurs minutes peuvent être nécessaires avant de le découvrir.

 

Autour de nous le nord de la Beauce s’étire à l’infini. Le bocage d’antan a disparu sous les coups de l’homme et de ses machines toujours plus grandes. Aujourd’hui, la plaine est morne. A Saint-Lucien toutefois, la forêt de Rambouillet affleure. Des kilomètres de lisières agrémentent un paysage ouvert mais riche. Des boqueteaux rompent la monotonie et fournissent à quantité d’animaux refuges et nourriture. Des lièvres cavalent. Se poursuivent ou détalent à notre approche. Rougegorges familiers, Accenteurs mouchets, Troglodytes mignons donnent de la voix depuis les arbres reliques. Puis, nous entrons en forêt. Ou plutôt un vaste bois de plaine – détaché du massif forestier. Une île à quelques encablures du continent. Alors qu’une averse nous surprend, nous admirons les mousses qui tapissent le sol. Une multitude de verts étonnamment lumineux malgré la faible lueur qui parvient à atteindre le sol. Des Grosbecs casse-noyaux sifflent au sommet des grands chênes. Une petite bande clairsemée de Tarins des aulnes passent au vol. Un Pic mar chante de sa voix de goret.

 

Et c’est l’arrivée au gros chêne – la première grande étape de notre sortie. Un arbre souverain. Pas très haut – son tronc est court. Mais trapu. Un colosse vieux de plusieurs siècles aux branches épaisses envoyées collecter la lumière dans toutes les directions. Sans mètre-ruban pour mesurer sa circonférence, nous nous débrouillons tant bien que mal avec une écharpe longue d’un 1.80m. Avec cet étalon, nous encerclons le roi et évaluons le périmètre de son tronc à trois écharpes trois-quarts – le plus gros arbre que nous ayons ainsi mesuré au cours de nos randonnées contemplatives.

 

Alors que nous allions repartir, un rapace sort de nulle-part et s’éloigne rapidement, sans un bruit au-dessus du sous-bois. Une Chouette hulotte dont nous ne supposions pas la présence est sortie d’un trou du chêne (une branche creuse). Un plumage très gris dans le ton de la forêt en cette météo maussade. Instant bref mais intense.

 

Nous repartons. Plusieurs chevreuils, couchés dans les fourrés non loin du chemin, déguerpissent sur notre passage. De quelques bons athlétiques les animaux disparaissent en forêt, souvent après une observation mutuelle réalisée à bonne distance. Nous quittons l’Eure-et-Loir pour gagner les Yvelines. La météo s’améliore subitement. La bruine cesse, le plafond s’élève et les nuages s’amincissent.  Une lumière blanche jette alors un peu de couleur sur les environs. Le jaune des fleurs d’ajonc. Le roux des quelques feuilles mortes encore accrochées aux branches. Le vert des genêts. Et en de rares endroits, le bleu du ciel.

 

La forêt…

 

Après un pique-nique à l’abri du vent à admirer les Buses variables parader, notre groupe poursuit son chemin. Le début de l’après-midi est plus doux. Si le vent continue de se montrer désagréable, les parties abritées sont plus nombreuses maintenant que nous avons atteint le couvert de la forêt. Les indices de l’arrivée du printemps se multiplient sous nos yeux. Les chèvrefeuilles débourrent. Beaucoup ont des feuilles depuis deux ou trois semaines. Les Troènes leur emboîtent le pas, ainsi que les aubépines et les tous premiers charmes du sous-bois. Des touches de vert habillent les troncs grisâtres. Les Pruneliers ajoutent le blanc de leurs toutes petites fleurs. Au sol, le jaune des Ficaires et des premières Renoncules âcres – les boutons d’or – côtoie les Violettes et les Anémones des bois. Nous cherchons des yeux les papillons mais la température ne les incite pas à quitter leur refuge.

 

Autour des buissons du village de Mittainville, des Tariers pâtres se cherchent une place. Un couple, perché sur des piquets de clôture, inspectent les environs. Peut-être vont-ils s’installer là. A moins qu’ils choisissent de poursuivre leur route vers le nord. Dans la pièce de colza attenante, des bruants se perchent sur les tiges de colza dont certaines arborent les premières fleurs. Des Bruants jaunes – ton sur ton – et des Bruants des roseaux qui s’acclimatent aux grandes cultures. Des Pipits farlouses de passage se mêlent à eux. La migration bat son plein et apporte chaque jour son lot de voyageurs. Dans les houppiers, des Grives mauvis en route vers la Scandinavie et la Russie font elles aussi escale le temps de reprendre des forces – repos et bonne chair.

 

Notre groupe tombe nez à nez avec un groupe de Grosbecs casse-noyaux. Les oiseaux – très volubiles – piaillent depuis les plus hauts arbres au-dessus de nos têtes. Jumelles collées aux yeux, nous fouillons en vain les branches. Mais trouver un passereau dans cet écheveau n’est pas chose aisée. Après plusieurs minutes de recherches frustrantes durant lesquelles les oiseaux nous narguent sans le savoir par leurs cris incessants, un premier Grosbec s’envole pour se poser dans un arbre de l’autre côté du chemin. Ayant pris soin de ne pas le perdre de vue, l’oiseau est rapidement retrouvé aux jumelles. Superbe observation de cette très belle espèce. Plumage très contrasté. Bec énorme lui servant à briser les noyaux. Puis un second oiseau apparaît. Un troisième… Et pour finir un quatrième. Les oiseaux se laissent admirer un moment avant de s’éloigner dans un brouhaha de sifflements très sonores.

 

Le chemin se poursuit. Le sol sableux est agréable car il a drainé les pluies récentes et n’a pas accumulé d’eau ni de boue. La marche est donc aisée. Les jambes, pourtant, deviennent lourdes. Pas mal de kilomètres au compteur avec des stations très régulières pour observer un oiseau, une fleur, un arbre, un chevreuil… Faire une photo. La fatigue se fait sentir.

 

Mais notre boucle s’achève bientôt. Déjà, nous apercevons le village de Saint-Lucien où nos véhiculent patientent sagement. Le ciel blanc est à nouveau agité par un vent modéré fort peu agréable. Devant nous, la plaine a repris ses droits. Lorsque nous traversons l’ultime petit bois – une parcelle de quelques dizaines de mètres de largeur, un grand rapace passe juste au-dessus de nous. L’oiseau était perché sur une branche, le long d’un tronc, camouflé par du lierre. Le hasard a voulu que sur le chemin, nous nous arrêtions précisément à cet endroit pour une dernière gorgée d’eau, refaire un lacet. Un dernier coup de jumelles avant de ranger le matériel et de nous séparer. Le Hibou moyen-duc – c’est lui que nous venons d’apercevoir – glisse légèrement entre les arbres et sort de notre champ de vision. L’apparition n’a duré que quelques trop courtes secondes. Rapidement, un second oiseau s’envole du même secteur. Peut-être un couple sur son lieu de nidification. Nous nous éloignons en espérant revoir l’un des deux rapaces, mais ils ont disparus. Sans doute se sont-ils perchés à proximité en attendant que nous rendions les lieux à leur tranquillité habituelle. Ce que nous ne tardons pas à faire.

 

Et la boucle est bouclée. Nous rejoignons nos véhicules aux environs de 17h00 après une marche longue de 9200 écharpes environ. De belles observations d’oiseaux, un chêne extraordinaire et des tapis de fleurs si agréables aux yeux. Merci à tous pour ce très bon moment de naturalisme et de convivialité.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Oie cendrée, Bernache du Canada, Canard colvert, Buse variable, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Hibou moyen-duc, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Alouette des champs, Corneille noire, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Tarier pâtre, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Lièvre d’Europe

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