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15 février 2020

Nature en Seine... 

Lumière inattendue…

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Ciel bleu et nuages d’altitude, irisés d’ocre, de roux, de jaune et d’un reste de parme, souvenir du lever de soleil pas si lointain. Notre groupe est agréablement surpris. Les prévisions météo – sans être mauvaises – annonçaient une bonne couche de crasse nous mettant à l’abri des coups de soleil. Nous avons apporté les bottes plutôt que pour la crème solaire…Le temps se couvre assez rapidement. Mais le plafond reste haut et très lumineux. Des crevasses bleues laissent fréquemment tomber une cargaison de photons et nous offrent de très beaux contre-jours.

 

Nous consacrons la matinée à la réserve de Moisson marquant le centre de la boucle. La Seine, à un ou deux kilomètres de distance, nous encercle sur trois côtés. Dès la lisière, des tapis de Perce-neige parsèment de blanc le sous-bois. De près, la fleur apparaît très délicate. Quinze à vingt centimètres de haut. Trois longs sépales blancs et deux pétales plus courts et achevés de vert. Aujourd’hui, pas de couche de neige à percer. Le thermomètre oscille entre douze et quatorze degrés anachroniques et l’atmosphère n’a absolument rien d’hivernale.

 

Beaucoup d’oiseaux saluent l’arrivée d’un printemps précoce. Le Rougegorge familier nous chante sa sérénade flûtée. L’Accenteur mouchet, perché sur un piquet, rompt avec sa discrétion habituelle. Lui qui ne quitte que rarement ses buissons, se fait volubile entre février et avril. D’autres chanteurs s’égosillent ; la Grive musicienne, la Grive draine – qui chante depuis la fin du mois de décembre –, le Troglodyte mignon, le Verdier d’Europe, la Mésange charbonnière, la Mésange bleue… Et même le Pinson des arbres dont c’est l’une des premières manifestations de la saison qui s’ouvre lentement.

 

La première difficulté est de focaliser son écoute sur un oiseau précis et de fermer ses oreilles aux autres. Pour isoler le premier violon du reste de l’orchestre. Pour faire de lui un soliste et écouter sa prestation en reléguant les autres instruments dans un cœur d’accompagnement. Exercice plus difficile qu’il n’y paraît qui nécessite une certaine habitude. Débuter tôt en saison son apprentissage nivelle les difficultés. Car même si ce matin les oiseaux semblent tous en voix, le nombre d’espèces est encore limité – une dizaine tout au plus. Cela permet d’apprendre progressivement. Et peut-être d’avoir la chance de maîtriser quelques espèces précoces avant que les migrateurs n’arrivent d’Afrique et diversifient la polyphonie.

 

Les arbres finissent par s’écarter laissant place à une belle lande clairsemée de callune – l’une des deux espèces franciliennes de bruyère. La végétation est basse et piquée de petits bouquets de bouleaux et de trembles. Des genêts complètent l’ensemble et entourent des zones rases, sableuses. Le contre-jour est légèrement brumeux mais sous l’effet de la lumière, la brume se nimbe de reflets dorés. Cette même lumière sature le vert des mousses au sol et des conifères.

 

Nous admirons les teintes lorsqu’un chant tombe du ciel. Un oiseau en vol stationnaire, non loin de nous émet des strophes : « lu-lu-lu », d’abord montant puis descendant. Une Alouette lulu parade au-dessus de ce qui pourrait devenir son territoire de l’année. Cette alouette forestière est une nicheuse rare en Ile-de-France et ne se rencontre que localement dans certaines clairières chaudes et sèches à végétation basse des massifs forestiers de la région. La boucle de Moisson est de cette liste tout comme Fontainebleau. A Rambouillet, sa nidification est très irrégulière – anecdotique. Puis un second chanteur répond au premier. L’Alouette lulu, c’est sympa en stéréo !

 

Une allée de géants apparaît bientôt. Des résineux dont les aiguilles tamisent la lumière. Des statures qui en imposent. Des troncs massifs et droits comme des « I » majuscules. Des Pins de Douglas également appelés Pin de l’Oregon en rapport avec son origine de l’ouest de l’Amérique du Nord. Ces arbres parfaitement alignés en haie d’honneur peuvent, dans leur région d’origine, atteindre 80 à 100 mètres de haut. Avec les Séquoias géants et les Séquoias à feuilles d’If, les Pins de Douglas pointent parmi les plus hauts arbres de la planète. Le plus grand arbre de France métropolitaine est d’ailleurs un Douglas – planté en 1892 dans le département de la Loire, il mesure aujourd’hui près de 70 mètres.

 

Photos !

 

Mais c’est dans la zone arbustive de la réserve que les prémices du printemps sont les plus visibles. Là, les prunelliers sont déjà blancs de petites fleurs délicates. Des aubépines s’apprêtent elles aussi à libérer leurs bourgeons floraux. Des végétaux tons sur tons avec les belles falaises de craies qui bordent le fleuve en arrière-plan. Et tout à coup : une touche de couleur ! Le premier papillon de jour de l’année. Un insecte de grande taille, aux ailes colorées d’orange, de brun, de jaune et saupoudrées de bleu. Une Grande Tortue. Une espèce précoce qui sort souvent de son refuge hivernal au mois de février. La Grande Tortue survit en effet à la mauvaise saison et hiberne pour reprendre son vol lorsque la douceur de l’air le permet. Voilà une observation que nous attendions depuis plusieurs jours et qui donne du baume au cœur.

 

Spring is coming !

 

Printemps et hiver se côtoient…

 

Pour notre déjeuner, nous nous installons au bord de l’eau. A nos pieds, la Seine s’écoule vivement vers son embouchure à la rencontre des marées. Depuis la rive gauche, nous contemplons le très beau village de Vétheuil (Val d’Oise – la Seine constituant à cet endroit la limite nord des Yvelines). Un panorama que Claude Monet a peint à plusieurs reprises entre 1879 et 1881. Force est de constater que la vue n’a pas tellement changée depuis un siècle et demi. Le village conserve son aspect rural. Pas de construction le défigurant. Sans doute quelques maisons supplémentaires – plusieurs sont bâties dans le style de la belle époque alors que Proust se couchait de bonne heure. Les collines sont bien plus boisées aujourd’hui. La forêt s’est en effet étoffée en France : sa surface a peu ou prou doublé entre le milieu du XIXe et 2019. Mais tout n’est pas rose (ou plutôt vert) car on estime que dans le même temps, 70% des haies ont disparu – soit l’équivalent de 2 millions de kilomètres linéaires. Les grands remembrements qui ont bouleversé les paysages agricoles français depuis les années 1960 y sont pour beaucoup ! Quant à la biodiversité…

 

A l’heure de la digestion, nous arrivons à la base de loisirs. Un grand plan d’eau en bordure du fleuve dont il est séparé par une étroite bande de terre, si bien qu’il est possible d’en faire le tour sans devoir terminer à la nage. Car même s’il fait exceptionnellement doux pour la saison, la perspective de nous mettre à l’eau ne provoque pas dans le groupe un enthousiasme évident.

 

Sur l’eau ridée par un vent modéré qui s’est levé à la mi-journée, quelques oiseaux d’eau nagent ou plongent à la recherche de leur nourriture. Les effectifs d’oiseaux hivernants sont très faibles, en rapport avec les températures qui restent très largement positives depuis plusieurs semaines. La plupart des oiseaux ont déjà entamé leur migration de retour vers leurs lieux de reproduction au Septentrion.

 

Des groupes de Foulques macroules – des oiseaux noirs au bec blanc de la famille de la poule-d’eau – longent les berges en picorant ici et là. D’autres, plus éloignées du bord, plongent gauchement sous la surface pour remonter une dizaine de secondes plus tard telle une bouée immergée qui aurait rompu l’amarre qui la maintenait au fond. Quelques Canards colverts et un magnifique Héron cendré sont également observés. Puis, un nouvel indice du printemps qui approche : de nombreux Grèbes huppés arborent déjà leurs couleurs nuptiales – une belle collerette ocre et acajou soulignée de noir. Les parades ont débuté.

 

Deux ou trois dizaines de Canards chipeaux sont bientôt découverts. Un très bel oiseau. Le plumage du mâle – à dominante grise – étincelle de mille nuances lorsque le soleil caresse ses plumes. Et alors que nous admirons trois Fuligules morillons – des canards plongeurs – une autre espèce s’invite au bal : sept Garrots à œil d’or paradent comme si leur vie en dépendait. Trois mâles s’empressent autour de quatre femelles : tendent le cou en avant puis basculent vivement la tête en arrière. Il est fréquent que les couples se forment sur les lieux d’hivernage ou durant la migration de printemps.

 

La sortie s’achève après avoir traversé une zone de buissons ayant apporté deux nouvelles espèces d’oiseaux à notre liste du jour. Un Bruant zizi chante depuis une haute branche et un petit groupe de Mésanges à longue queue trille en voletant d’un arbuste à l’autre. Nos véhicules ont le bon goût de toujours se trouver là où nous les avons laissés trois heures plus tôt. Le ciel se couvre de nuages plus gris. La lumière baisse tandis que le soleil descend sur l’horizon. Il est temps de nous séparer. La balade de 13 à 14 km nous a permis de visiter des milieux aussi divers que la forêt, la lande de bruyère, la ripisylve bordant la Seine et un vaste lac. Et de rencontrer des espèces variées.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard chipeau, Fuligule morillon, Garrot à oeil d'or, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Goéland brun, Goéland gris indéterminé, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Alouette lulu, Alouette des champs, Corneille noire, Corbeau freux, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant zizi

 

Mammifères :

Chevreuil européen (traces), Sanglier (traces)

 

Papillons de jour :

Grande Tortue

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