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Février 2020

Fin d’hiver au lac du Der

Vendredi 21...

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L’arrivée sur le lac du Der-Chantecoq – le plus grand lac artificiel d’Europe, hors lacs de barrage – se fait par le sud et après avoir traversé un très beau bocage à cheval sur les départements de l’Aube, de la Haute-Marne et de la Marne. Des haies. Des prés humides avec au milieu des arbres magnifiques, trônant seuls depuis longtemps au milieu d’un environnement ouvert. Des chênes pour la plupart. Au port harmonieux, bien régulier, étalant leurs branches dans toutes les directions. Une grâce propre aux arbres poussant en pleine lumière à distance de leurs congénères. Des Buses variables, perchées sur des piquets de clôture ou sur des grosses branches que l’hiver a dépouillé de leurs feuilles, guettent patiemment les rongeurs imprudents. De nombreuses Grandes Aigrettes transformées en statues de sel chassent elles aussi dans l’herbe grasse.

 

La campagne défile et s’illumine d’une lumière ocrée et rasante au fur et à mesure que le soleil descend sur l’horizon. Le ciel est vide de nuage. Du bleu, puis du rose et du violet. Un léger voile blanchâtre qui se colore lui aussi de mille teintes à l’approche de la nuit. Pas de Grue cendrée posée au sol. Les conditions météorologiques sont bien trop propices à la migration pour que les oiseaux n’en profitent pas. Depuis trois jours la ruée vers le nord-est emplit le ciel du Pays basque, de l’Aquitaine, du Limousin, du Cher, de la Nièvre, de l’Argonne... En ligne droite de Marmande à Bar-le-Duc, puis au-delà au-dessus du Grand-duché de Luxembourg et de l’Allemagne. Le lac du Der-Chantecoq est sur le trajet – une étape de plus en plus attractive pour ces migrateurs majestueux qui ont motivé notre périple.

 

Nous atteignons notre but alors que l’horizon happe le disque solaire. Prenons possession de notre logement. Et cuisinons quelques plats fort appétissants tout en consultant le bulletin météo du lendemain.

 

Excellent repas, agrémenté de mets savoureux et de bonne humeur. Stop.

Suivi d’une sortie nocturne avec jumelles et appareils photo. Stop.

La zone est assez préservée de la pollution lumineuse. Stop.

Et la nouvelle lune nous garantit un ciel bien sombre. Stop.

Quelques pans de nuages viennent jouer les troubles fêtes. Stop.

Mais les photos ne devraient pas être trop mal. Stop.

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Samedi 22...

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A l’instar de la tombée de la nuit, le jour se lève dans une lumière éblouissante qui embrase ciel, terre et eau. La rencontre des quatre éléments. Sur l’horizon oriental, les silhouettes des arbres nus se découpent dans les lueurs orangées. Pas un souffle d’air pour rider la surface du lac. Tout est immobile, prémices d’une superbe matinée.

 

Alors que le lac du Der est encore dans l’ombre, notre groupe est déjà à pied d’œuvre sur une digue du vaste plan d’eau. Nous attendons le célèbre lever des grues. Des milliers d’oiseaux passent la nuit à l’abri de tout dérangement sur les îlots, vestiges de la campagne noyée en 1974. Et au matin, l’envol général des oiseaux s’égaillant pour aller se nourrir dans les champs de la région constitue un spectacle extraordinaire. La « sortie » se fait majoritairement en direction du sud et de l’ouest. C’est là que nous sommes postés. Patientant en admirant la lumière augmenter à chaque minute.

 

La lunette braquée sur les îles, nous surveillons les grues. A moins trois-milles sont posées là. L’envol n’est pas encore amorcé mais des mouvements isolés sont observés ici et là. Puis les grues décollent. Pas tout le groupe mais plusieurs centaines. Tournent une seconde pour se dérouiller les articulations et s’éloignent vers… le nord-est.

 

Du coup, au lieu de les admirer nous survolant, nous regardons leurs silhouettes décroître dans la belle lumière orangée au levant. Un peu dans le genre de Lucky Luke qui s’éloigne sur Jolly Jumper dans la dernière image de la BD. Bye-bye cowboy. Bye-bye les grues. Profitant des excellentes conditions météo, les migratrices choisissent de poursuivre leur longue route vers la Scandinavie au lieu de musarder quelques jours en Champagne. Notre groupe est donc mal placé. A contre-pied. Les grues continuent de s’aligner sur le départ. Décollent par paquet de cinquante à cent oiseaux pour suivre l’itinéraire tracé par les premières.

 

Les plans ne se déroulent pas toujours sans accroc.

 

Faute de grives, on mange des merles. Les jumelles se braquent sur les Grèbes huppés qui acquièrent leur magnifique plumage nuptial. Sur les Canards chipeaux qui sillonnent la berge proche. Sur les Courlis cendrés qui passent au vol près de nous en chantant leurs strophes roulées. Et sur les nombreux passereaux qui chantent à tue-tête pour fêter l’arrivée prochaine du printemps : Mésanges charbonnières, Mésanges bleues, Pics verts, Grosbecs casse-noyaux, Verdiers d’Europe, Rougegorges familiers…

 

Nous quittons la digue et partons en balade. Un beau chemin le long duquel bocage, bois, étangs et parcelles agricoles se succèdent. Nous ne tardons pas à déboucher sur un très bel observatoire de bois bâti au bord d’un plan d’eau très fréquenté par de nombreux canards. Des meurtrières permettent de voir sans être vus et d’admirer les oiseaux à faible distance sans les déranger. De nombreux Fuligules morillons – un petit canard plongeur noir aux flans blancs. Des Fuligules milouins à la tête rouge-acajou. Des Canards chipeaux dont trois oiseaux s’approchent tout près de notre cache. Des Canards souchets et leur curieux bec en forme de spatule longent les roselières. Cette forme si particulière est adaptée à leur mode d’alimentation : ils filtrent l’eau en surface et recueillent les micro-organismes en suspension. Et un petit groupe de Garrots à œil d’or – un magnifique canard noir et blanc surmonté d’une tête verte percée d’un œil jaune qui lui a valu son nom.

 

Dans le petit bois bordant l’étang, un Pic mar chante – aisément identifiable à son célèbre cri de cochon si caractéristique. En plaine, des bandes d’Alouettes des champs, de Bruants jaunes, de Bruants des roseaux, de Pinsons des arbres se nourrissent dans les parcelles de blé d’hiver. Des hivernants ou des migrateurs en halte le long de leur route vers le nord. Quelques groupes de Grues cendrées passent au vol en direction de la mer Baltique. Certaines sont en formation – en « V » qui leur permet de migrer en économisant leurs forces –, d’autres tournent et cherchent un gagnage où se restaurer. 

 

Le franc soleil illumine ce samedi matin. Le vent s’est levé et souffle maintenant assez fort. Il est agréable de trouver des abris sur notre parcours – haies, bois… Ainsi qu’un nouvel observatoire nous permettant là encore d’observer un beau groupe de Garrots à œil d’or. Dans un secteur abrité, où l’air semble figé alors que les houppiers ploient sous le souffle d’Eole, un tremble est à terre. Mais l’arbre n’est pas mort et est couvert de chatons. Il bourdonne d’abeilles venues butiner les fleurs. Un spectacle inattendu en ce mois de février.

 

Dans l’après-midi, le voile nuageux apparu à la mi-journée s’épaissit. Le ciel retrouve sa teinte de plomb qu’on lui a connu une grande partie de l’hiver. Un plan d’eau périphérique nous offre un petit groupe de Canards pilets, un oiseau magnifique dont le mâle arbore un plumage d’une grâce simple et élégante.

 

Le soir descend vite sur le lac. L’horizon sud-ouest n’est pas aussi bouché que le reste du ciel. La lumière se ravive. Des flots de rayons se fraient un passage. S’échappent de leur gangue nébuleuse. Et illuminent le sol déjà plongé dans l’ombre. Contrastes particulièrement photogéniques. Les ocres et les orangés règnent en maîtres avant de s’estomper et de céder leur place aux rouges puis aux parmes.

 

Retour à notre camp de base alors que la nuit se referme sur le Der. Stop.

Le temps de nous réchauffer sous le jet brûlant de la douche. Stop.

Et de boire un thé ou une infusion. Stop.

Et nous voici attablés dans un excellent restaurant champenois. Stop.

Entrée, plat, dessert : nous l’avons amplement mérité. Stop.

Et puis au lit pour une bonne nuit de repos. Stop.

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Dimanche 23...

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Après une nuit pluvieuse, le jour se lève sur une nature détrempée. Le vent de sud-ouest n’a pas baissé et les nuages filent à toute allure dans un ciel qui s’éclaircit comme il se doit au-dessus de l’est.

 

Nous partons – petits déjeuners bien calés dans nos estomacs repus -  en direction de la ferme aux grues. Une structure co-gérée par la LPO Champagne-Ardenne, le Conservatoire des Espaces Naturels et le Syndicat mixte du Der pour fixer les grues sur des terres mises à leur disposition et éviter les dégâts aux cultures. Les oiseaux se répandent en effet dans les cultures de la région et se nourrissent des semis. L’idée est donc de les attirer sur les parcelles de la ferme en les agrainant. Le procédé est évidemment artificiel mais il contribue à la bonne entente entre agriculture et protection de la biodiversité.

 

A notre arrivée, nous découvrons un observatoire surélevé, trônant à six ou huit mètres au-dessus du sol. D’en haut, les amoureux de la nature ont une vue imprenable sur les environs. Et notamment sur les deux parcelles en jachère dans lesquelles reposent une soixantaine de Grues cendrées. Des oiseaux immobiles prennent quelques repos. D’autres, le bec près du sol, glanent leur pain quotidien. A la lunette d’observation, avec un grossissement de vingt ou trente fois, l’observation est magnifique. La lumière reste terne, mais la majesté des grues impressionne tout de même. Une tête haute aux couleurs contrastées mêlant le blanc, le noir et le rouge. Une silhouette noble, droite. Une démarche souveraine. Des plumes bouffantes sur le bas du dos évoquant un costume queue-de-pie ou les rubans d’une robe de la belle époque.

 

Sur les nuages, des vols se succèdent. Dix grues, vingt grues, cinquante grues. Les oiseaux passent du sud vers le nord. Peu s’arrêtent. Les autres se précipitent vers les zones de nidification au même rythme que les milliers de véhicules transitant par la vallée du Rhône à la fin du mois d’août : « Non chérie, on ne va pas s’arrêter sur chaque aire d’autoroute ! Et d’ajouter, cramponné à son volant : sinon on arrivera encore à pas d’heure à la maison ».

 

Dans un pré, de grands oiseaux blancs se tiennent face au vent. Nous notons au moins trois espèces. Les plus grands sont des Grandes Aigrettes. Nous en dénombrons dix-neuf. Un compte important même si de tels effectifs ne sont plus rares depuis l’avènement du XXIe siècle. Les quatre plus petits sont des versions réduites des aigrettes – plumage blanc et bec orange : des Hérons gardebœufs. Quant aux deux derniers, nous notons des rémiges noires, un grand bec rouge et des longues pattes de la même couleur : des Cigognes blanches. Les appareils photos crépitent lorsque nous apercevons quelques mètres derrière ces vingt-cinq oiseaux, une quinzaine de Grues cendrées…

 

Revenu sur le Der-Chantecoq, nous jetons un coup de jumelles sur le bassin nord, une anse séparée du reste du lac par une digue. Ici, le niveau de l’eau est plus bas qu’ailleurs. Des vasières et des bancs de sable émergent. Une belle bande de Courlis cendrés plantent le bec dans le substrat limoneux à la recherche de leur nourriture. Mais, farouches, les oiseaux s’envolent et s’éloignent de quelques dizaines de mètres. Des Bécasseaux variables et des Vanneaux huppés dorment, prostrés le long de l’eau à l’abri du vent. Des Garrots paradent. Le vent froid ne dérange pas cette espèce nordique habituée à des conditions climatiques bien pires. Huit femelles de Harles bièvres pêchent activement. Un coup d’œil sous l’eau – une paupière transparente recouvre l’œil durant l’immersion – afin de repérer le poisson et hop, le harle se propulse sous la surface. Son long corps fuselé fait de cette espèce agile un excellent pêcheur.

 

Mais l’heure tourne et nous devons déjà prendre le chemin du retour. Stop.

En visitant au passage une belle plaine inondée pleine d’oiseaux. Stop.

Des grues, des aigrettes, des cigognes, des Busards Saint-Martin… Stop.

Et une superbe église à pans de bois datant du XVIe siècle. Stop.

Car la richesse de cette région ne se limite pas à ses espaces naturels. Stop.

Soixante-quinze espèces d’oiseaux contactées en deux jours. Stop.

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Liste des espèces

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​Oiseaux :

Grèbe castagneux, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Héron garde-boeufs, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Cigogne blanche, Cygne de Bewick, Cygne tuberculé, Oie cendrée, Oie rieuse, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Garrot à oeil d'or, Harle bièvre, Busard Saint-Martin, Busard des roseaux, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Grue cendrée, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Vanneau huppé, Courlis cendré, Bécasseau variable, Goéland leucophée, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Martin-pêcheur d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Alouette des champs, Corneille noire, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot véloce, Accenteur mouchet, Pipit spioncelle, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Moineau friquet, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant proyer, Bruant jaune, Bruant des roseaux

 

Mammifères :

Chevreuil européen

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