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08 février 2020
Le calme avant la tempête...
Coup de vent annoncé…
Bien sûr, avant toute sortie au grand air, nous consultons le bulletin météo. Et même si nous conservons une certaine prudence vis-à-vis de cet oracle qui a montré ses limites plus souvent qu’à son tour, nous devons admettre que chacun regarde la couleur du ciel avec perplexité. La violente tempête qui traversera la France demain doit commencer à chahuter la région dès la fin de la matinée. Mais nous sommes des gens positifs et gardons en toute circonstance confiance en notre bonne étoile. Pour preuve : le point de départ de cette balade se trouve devant « Le Hérisson », une des meilleures boulangeries de la région.
Au moins, nous n’avons plus à craindre pas l’hypoglycémie dans les premiers kilomètres !
Notre groupe laisse derrière lui le village de Clairefontaine et pénètre en sous-bois. Les nuages laissent filtrer une faible lumière diaphane qui habille la nature de gris. Les arbres débarrassés de leurs feuilles s’élèvent telles des silhouettes sombres. Les molinies – des graminées – jaunies par l’hiver et les fougères rousses apportent un peu de couleur à l’ensemble. Au loin, la plainte d’un Pic noir retentit.
La douceur stimule les chanteurs. Sur leurs perchoirs, les solistes se dérouillent le gosier. Nous sommes encore en hiver, la saison de nidification n’est pas encore lancée mais les espèces les plus précoces commencent à bomber le torse. Le Rougegorge familier entonne sa mélodie romantique. L’Accenteur mouchet fait entendre sa voix flûtée. La Grive draine – certainement en haut d’un grand chêne – inonde les environs de ses strophes puissantes.
Notre groupe slalome entre les larges flaques qui détrempent le chemin. Parfois, un ruisseau le traverse de part en part. Le franchissement n’est pas aisé en raison de la largeur ou de la profondeur du cours d’eau temporaire. Prendre appui sur de grosses branches – ersatz de ponts instables. Utiliser la végétation en espérant ne pas trop s’enfoncer. Ou tenter le grand saut en croisant les doigts pour ne pas être trop court.
Des gens de ressource ne se laissent jamais prendre au dépourvu…
La lumière gagne peu à peu en intensité. La couche nuageuse s’amenuise. Se craquelle lentement laissant apparaître par endroit quelques portions de ciel blanc – aveuglant si on le scrute dans l’espoir d’apercevoir un peu de bleu. Pas un souffle d’air n’agite les houppiers. L’air demeure parfaitement immobile dans une sorte de torpeur silencieuse lorsque les oiseaux se taisent. On peine à croire qu’une tempête nous menace.
Le calme résiste…
De beaux arbres croisent notre route. Ou croissent le long de notre route – comme quoi, doubler une consonne peut changer le message. Un seul « s » suppose les arbres batifolant joyeusement dans la forêt ou au contraire progressant à la file indienne vers le nord pour fuir le réchauffement climatique. Mais le second « s » fige les choses et rend ces vénérables végétaux à la merci des bouleversements auxquels rien ne les prépare…
Ces géants nous intéressent. Nous visitons les plus beaux représentants qui peuplent ce coin du massif de Rambouillet. Des chênes si vieux que beaucoup d’entre eux ont été les témoins de la Révolution française. Certains ont même vécu la fronde à laquelle le jeune Louis XIV a dû faire face. Des diamètres dépassant le mètre. Une écorce profondément veinée. Des branches plus épaisses que le tronc des arbres les entourant. Des feuilles pédonculées qui signent l’espèce (Alors ? Je vous écoute…) Des Charmes les côtoient. Les vieux arbres se reconnaissent aisément à leur écorce grise, lise et musculeuse. Comme des athlètes, muscles bandés, attendant sur le banc de touche d’entrer en lice. Un mot savoureux fuse du groupe admirant ces arbres et maniant l’humour avec une verve évidente : « laissons le charme agir ! »
La balade se poursuit. Zigzag entre les flaques. Passages à gué des cours d’eau de ruissellement. Photos de l’ambiance hivernale. A l’orée du bois, plusieurs dizaines de Pinsons des arbres naviguent entre les arbres de lisière et le sol sur lequel ils cherchent leur nourriture. Parmi eux, au moins trois Pinsons du nord sont découvert au moment d’un envol général : le Pinson du nord a une grande tache blanche sur le dos qui le distingue aisément du Pinson des arbres lorsqu’il ouvre ses ailes. Dans les hautes branches, une petite bande de Grives mauvis psitte à qui mieux mieux (du verbe « psitter » : émettre des sifflements aigus plus ou moins longs pouvant être décrits par l’onomatopée « psiiiit »).
En lisière, où le soleil est plus présent, les premières fleurs sortent la tête. Des Perce-neige. Quelques Crocus et de rares Primevères. Des taches de couleur qui égaient une nature toujours morne malgré la lumière plus forte.
Vers 15h30, la première goutte de pluie tombe d’un ciel très chargé. Depuis une demi-heure nous regardions le plafond s’assombrir conformément aux prévisions météo qui accusent fort heureusement quatre ou cinq heures de retard. Mais là, nous sommes bons comme la romaine. Le groupe, résigné, est encore à cinq kilomètres des véhicules et il est peu probable que nous rentrions au sec. Pourtant l’ondée reste faible. Et s’estompe avant de reprendre – éparse. Notre groupe allonge toutefois le pas. La lumière a tant baissé que les appareils photo ont regagné le fond de nos sacs-à-dos, à l’abri. Les oiseaux se sont tus également. Seuls le Troglodyte mignon et le Rougegorge familier se manifestent encore de loin en loin.
Vers 16h00 la pluie devient régulière. Coulant de façon verticale en raison l’absence de vent. Légère mais pénétrante. Toute la forêt se pare d’un voile terne et des ronds se forment dans les flaques que nous contournons toujours. Lorsque nous rejoignons les voitures aux environs de 17h00, le froid humide s’est insinué dans les couches de vêtements. Nos souffles produisent d’épaisses volutes de buée. Pas plus de 5°c alors que le thermomètre en affichait le double au lever du jour…
Une fois encore, la boulangerie est là pour nous apporter le réconfort dont nous avons besoin. Et fournir à notre corps le sucre indispensable à la production d’énergie – et donc de chaleur qui nous a fait défaut dans la dernière demi-heure. Rasséréné, le groupe se sépare, heureux de cette belle balade forestière longue de 20km.
Liste des espèces
Oiseaux :
Buse variable, Gallinule poule-d'eau, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive musicienne, Grive draine, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Pinson des arbres, Pinson du Nord
Mammifères :
Cerf élaphe (traces), Chevreuil européen (traces), Sanglier (traces)