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Janvier 2020

Pays-Bas

Samedi 18…

 

Ciel sans nuage au pays des tulipes. Du bleu au-dessus de l’horizon. Et des couleurs saturées de lumière dessous. Entre les deux, une ligne parfaitement plane : pas le moindre accident de terrain, pas la moindre butte ni dépression pour rompre la monotonie. Le plat pays porte bien son nom. Dans le contre-jour, le lointain se noie dans une lumière crue.

 

Une belle journée d’hiver.

 

Un anticyclone d’une puissance rare visite comme nous les Pays-Bas. Pas moins de 1050 hPa. Les nuages sont bousillés au large avant même d’apercevoir la côte. Quatre petits degrés centigrades au thermomètre. Et un vent coupant venu du nord, pressé de rejoindre le midi. Visages rougis par l’air froid. Gouttes au nez et yeux larmoyants sont les rançons du soleil radieux qui baigne la région.

 

Sitôt arrivés dans les polders qui n’existeraient pas sans les dignes immenses qui protègent le pays des incursions marines, la clameur des oies emplit l’air. Les cris rauques des Oies cendrées. Les cris aigus des Oies rieuses. Les cris plus grinçants des Bernaches nonnettes. Un concert polyphonique qui dépayse. Dans la lumière, les oies pâturent les herbus qu’aucune agriculture ne vient creuser de sillons rectilignes. Quelques moutons paissent çà et là. Des Canards siffleurs les imitent et broutent les herbes gorgées d’humidité. Des Buses variables à l’affût sur des piquets guettent les rongeurs imprudents. Hérons cendrés et Grandes Aigrettes chassent eux aussi les micro-mammifères. 

 

Puisque tout le monde mange, notre groupe ouvre bientôt ses sacs. Orgie généralisée faite d’herbe ou de mulots pour les uns. De sandwiches, de charcuterie, de soupes, de salades pour les autres. Qu’il est agréable de réchauffer nos organismes transis.

 

Mais les vedettes des lieux restent pour le moment invisibles. Ces polders que nous ne fouillons pas au hasard sont depuis de nombreuses années le lieu d’hivernage d’une espèce fort rare en Europe occidentale : l’Oie naine. Une petite oie – comme son nom l’indique – qui passe aisément inaperçue parmi les autres, plus grandes qu’elles, et qui la dissimulent fréquemment. Un front blanc, un bec assez court, un ventre rondouillard et faiblement zébré de noir. Nous les cherchons patiemment.

 

Après avoir « contrôlé » des dizaines d’Oies rieuses qui leur ressemblent tant, nous nous avisons d’un rassemblement d’ornithologues. Une dizaine de lunettes d’observation pointées dans la même direction. Ce qui ne peut signifier qu’une chose : la présence d’une espèce focalisant l’intérêt de plusieurs naturalistes. Et cette espèce est… Il nous faut la découvrir pour le savoir. Nous espérons bien sûr qu’il s’agisse de l’Oie naine – si convoitée. On oriente nos propres instruments et œil collé à l’oculaire, nous détaillons chaque pousse de terrain dans la direction estimée. Sans succès dans un premier temps.

 

Puis trois têtes apparaissent, remontant d’un fossé qui les dissimulait. Petite tête, front blanc s’étirant plus haut que chez l’Oie rieuse, cercle orbital jaune bien net. Ce sont elles. Trois Oies naines qui replongent rapidement à couvert laissant le groupe frustré d’une observation si brève. Mais notre patience est finalement récompensée. Les trois oiseaux reparaissent au bout de quelques minutes, accompagnés d’un quatrième individu. La faible distance et la magnifique lumière nous offrent un spectacle de qualité.

 

Les quatre commères finissent par s’envoler. Suivis aux jumelles par notre groupe qui espère ne pas les perdre déjà. Les oies s’éloignent et posent à quelques centaines de mètres de là, derrière une haie de roseaux.

 

Nous décidons de pousser notre chance. De prendre des repères aussi précis que possible, de nous déplacer et de nous rapprocher d’elles. Pour les voir dans les meilleures conditions possibles et qui sait, en observer davantage si par hasard nos quatre amies s’en sont allées rejoindre les leurs.

 

Il n’est pas interdit de rêver.

 

Premier coup de chance, nous retrouvons nos quatre oiseaux une dizaine de minutes plus tard. Bien visibles. Second coup de chance, nous en comptons maintenant sept. Puis huit. Puis onze. Vingt fois nous reprenons le dénombrement. Pour ne jamais trouver le même effectif. Le risque est de compter dans le lot des Oies rieuses. Les meilleures lunettes d’observation sont réquisitionnées. Et poussées à leur maximum : grossissements de 50, 60 voire 70 fois pour distinguer tous les détails diagnostiques et parvenir à un nombre maximal fiable. Au bout de vingt minutes, nous avons identifié de façon certaine vingt-quatre individus. Un très beau groupe qui surpasse celui compté deux ans auparavant (vingt-deux).

 

A la suite de ce succès, nous décidons de lever le camp et de franchir les cinquante kilomètres qui nous sépare du second objectif de cette première journée néerlandaise. Dans les polders au sud du gigantesque port de Rotterdam, dans un environnement assez peu bucolique, un autre oiseau rare a pris ses quartiers d’hiver quelques semaines plus tôt. Une espèce mythique pour beaucoup d’ornithologues. Une espèce que beaucoup ont admiré des heures durant sur les planches des guides d’identification sans jamais avoir la chance de la découvrir « en vrai ». L’espèce européenne la plus lourde : le mâle peut peser jusqu’à seize kilogrammes. Nous la découvrons très rapidement dans un blé d’hiver. Marchant d’un pas majestueux. Picorant le sol ici et là. La Grande Outarde s’offre à nous – presque irréelle. Près d’elle, un lièvre est tapi. L’oiseau le surplombe sans s’intéresser à lui. Quelle chance pour beaucoup d’entre nous d’enfin voir un rêve se concrétiser – après bien des années d’attente. Mais l’heure tourne – nous sommes attendus pour prendre possession de nos chambres, goûter le moelleux des canapés et boire au chaud une excellente bière hollandaise…

 

A l’auberge, fenêtres des chambres grandes ouvertes – comme l’an dernier. Stop.

Pièces bien aérées, mais aussi froides que l’extérieur. Stop.

Chauffage poussé au maximum. Stop.

Puis un bon dîner revigorant. Stop.

Cinquante-quatre espèces au compteur de cette première journée. Stop.

Et puis au lit : la journée a été épuisante. Stop.

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Dimanche 19…

 

Les Chouettes hulottes ont chanté une partie de la nuit dans le bois de pins entourant l’auberge. Chant de monsieur – charmeur. Réponse de madame – charmée. Le couple s’installe sur son domaine…

 

Au matin, le calme est revenu. Le ciel sans nuage s’éclaircit à l’est. Un petit-déjeuner copieux nous aide à ouvrir les yeux. Sur la route, les nuages venant du nord s’amoncellent. Noirs. Chargés de pluie. Avec le soleil qui se lève, les lumières sont magnifiques. Campagne teintée d’ocre et toisée par des nuées violacées. Arc-en-ciel. Les nuages crèvent tout à coup et nous gratifient d’une belle averse – heureusement de courte durée. Derrière ? Une météo recouvrant son calme et son ciel bleu. Plus de peur que de mal !

 

Parvenus sur le littoral, nous nous félicitons d’avoir apporté nos tenues arctiques. Un seul petit degré positif et un vent soutenu déboulant d’Islande, apportant son froid et son humidité patiemment glanée sur la mer. La houle est forte. La marée haute lèche la digue et la couvre d’une écume nacrée de soleil. Les embruns volent et se collent sur les oculaires des jumelles, des appareils photo.

 

En mer, les oiseaux clignotent : apparaissent une seconde au sommet de la vague pour disparaître aussitôt dans un creux les quatre suivantes. L’identification doit être immédiate. Pas le temps de réfléchir ni de détailler l’oiseau. Harles huppés, Eiders à duvet et Garrots à œil d’or se comptent par dizaines. Mélange savamment saupoudré de quelques Macreuses noires. Comme les années précédentes, l’esclavon est le grèbe le plus commun, dépassant en effectif le Grèbe huppé. Loin du rivage, quelques Plongeons catmarins passent au vol.

 

Sur le plan incliné de la digue – à nos pieds – une petite bande de Bécasseaux violets dorment et se nourrissent tour à tour. Quelques-uns se reposent le bec sous l’aile et en équilibre sur une patte – stables malgré le vent. D’autres furètent entre les blocs de pierre, fouillent chaque interstice, gambadent sur leurs guibolles jaunâtres. Des oiseaux très peu farouches qu’il est aisé d’approcher à quelques mètres seulement à condition de nous montrer patients et de lier lentement connaissance. Quelques membres du groupe délaissent un moment leur lunette d’observation pour le téléobjectif. Les obturateurs crépitent. On a hâte d’admirer les photos sur le grand écran de l’ordinateur…

 

Dans une anse toute proche, un mammifère fait trempette. Massif. Museau long et étroit. En forme de poire. Un Phoque gris pêche dans les eaux poissonneuses de la Mer du Nord. Puis plonge, disparaît quelques minutes et remonte à la surface… avec un museau court et large. Un Phoque veau-marin. Perplexes, notre premier réflexe est de nous demander comment nous avons pu nous tromper sur l’identification d’un animal si proche. Le second est de scruter la surface de l’eau à la recherche d’un autre individu. Et effectivement : le Phoque gris refait bientôt surface. Il y a bien deux pinnipèdes différents.

 

Mais l’observation du jour reste à venir. Trois oiseaux, puis quatre sont découverts plus loin le long de la digue. A quelques mètres du bord de l’eau. Des Hareldes boréales. Un jeune mâle et trois femelles jouent dans les vagues et pêchent dans l’eau glacée. Au moment de piquer la tête sous la surface, la harelde entrouvre ses ailes qu’elle utilise pour se propulser aisément jusqu’à dix ou quinze mètres de profondeur. La littérature mentionne qu’elle peut atteindre une profondeur de cinquante mètres lorsqu’elle cherche sa nourriture en mer où elle passe une grande partie de l’hiver. Les oiseaux ressemblent à des arlequins en tenue de festival. Plumage pâle, taché de crème, de blanc, d’ocre, de brun et de noir. Un bec uniformément noir pour madame et taché de rose pour monsieur. Le quatuor longe la digue sous les feux de la rampe. Les photographes sont nombreux à s’approcher du bord de l’eau, téléobjectif en action pour saisir cet instant rare. Car si les hareldes sont régulièrement observées sur ce site en hiver, il est en revanche peu fréquent de les voir tant s’approcher de la terre ferme.

 

Joie !

 

En reprenant nos lunettes d’observation, nous découvrons trois autres femelles d’harelde. Isolées et bien plus éloignées du rivage. Ce qui porte l’effectif du jour à sept individus : un bon chiffre pour cette espèce qui reste cantonnée très au nord – principalement en Mer Baltique en hiver.

 

Pour le déjeuner, nous choisissons un estran sableux non loin de notre premier point d’observation. Le soleil se donne généreusement et un enrochement judicieusement construit nous protège efficacement du vent du nord. Le groupe passe en mode « plage ». Abrités d’Eole qui continue de s’acharner sur le littoral, nous ouvrons nos blousons. La température grimpe de plusieurs degrés et nous tenons pour acquis que certains d’entre nous se laisseraient volontiers tenter par une sieste au soleil.

 

Mais un trouble-fait – la dernière bouchée à peine avalée – reprend l’observation et annonce à voix haute « Plongeon imbrin » ! A ces mots, l’émulation reprend le dessus. On cesse de mastiquer. On repose la crème solaire. On reboutonne les blousons. On sort de la zone abritée et on reprend une bourrasque en plein visage. L’imbrin est là. Sur l’eau, pas très éloigné de la plage. Une silhouette massive, plus grande que celle d’un cormoran. Un cou épais, un bec énorme et un air placide. L’oiseau plonge – avec un tel nom, nous nous y attendions. Reste longtemps sous l’eau – parfois deux bonnes minutes. Et ressort loin de son point d’immersion, ce qui ne facilite pas son observation. L’oiseau s’éloigne. Puis revient. Et semble fidèle à un secteur qu’il quadrille avec méthode.

 

L’après-midi est consacrée aux polders de l’intérieur. Abritées des invasions marines par de hautes digues dont la construction a débuté au début des années 1950 – et que l’état néerlandais renforce en prévision de l’élévation du niveau de la mer –, ces zones accueillent de nombreux oiseaux hivernants. Oies, canards, limicoles, passereaux… Et tout un cortège de rapaces attirés là par le grand nombre de proies potentielles. Les Bernaches nonnettes dominent. Suivies par les Oies cendrées. Quelques Oies rieuses se mêlent à elles. Le long des mares, des Canards siffleurs pâturent eux aussi. Des Canards souchets filtrent l’eau boueuse à l’aide de leur bec en forme de spatule. Des Fuligules morillons plongent à la recherche d’une racine aquatique, d’un mollusque, d’un crustacé dont ils se nourrissent. Hérons cendrés et Grandes Aigrettes « mulottent ». Faucons crécerelles, Eperviers d’Europe, Buses variables et Busards des roseaux survolent les lieux ou observent le monde de la hauteur du piquet sur lequel ils sont perchés.

 

Le monde animal déjeune.

 

D’autres dorment : quatre Spatules blanches, immobiles et le bec sous l’aile sont découvertes au loin le long d’une ligne de roseaux. Dans une parcelle de graminées pâturées par des chevaux et des bovins, des chevreuils sont couchés, au repos. Au moins 36 individus dans la lumière crue du demi contre-jour. Des femelles tête nue et des mâles coiffés de bois encore recouverts de velours. Les brocards perdent chaque année leurs bois entre les mois d’octobre et de novembre. La repousse débute aussitôt pour s’achever au printemps lorsque cette « peau » se craquelle, s’étiole et tombe laissant le bois à nu.

 

Un groupe de cygnes attire alors notre attention. La plupart sont couchés la tête sous l’aile et sont difficilement identifiables. D’autres sont éveillés et nous montrent leur bec jaune et noir. Ainsi que leur petite taille : des Cygnes de Bewick. De l’autre côté du sentier que nous suivons, des lagunes côtières – en eaux peu profondes – regorgent d’oiseaux. Rassemblés là par centaines, si ce n’est par milliers, ils font le bonheur de notre groupe. Nous passons du temps à en dresser l’inventaire. Notre liste d’espèces contactées s’allonge. Des Pluviers dorés, quelques Pluviers argentés, Bécasseaux variables, Chevaliers gambettes, Vanneaux huppés et Huîtriers pies complètent les échassiers du séjour. Deux nouvelles Spatules blanches dorment sur un îlot de vase. Côté canards, bons nombre de Harles huppés excités par la belle lumière paradent. Des Canards pilets barbotent, basculent les fesses en l’air et la tête sous l’eau pour attraper des herbes aquatiques. Le mâle est un oiseau de toute beauté. Ils restent malheureusement hors de portée de nos téléobjectifs.

 

Retour à l’auberge dans les lueurs du couchant. Stop.

Les immenses éoliennes de métal se découpent sur le ciel orangé. Stop.

Magnifique journée faite de soleil et de vent glacé. Stop.

Des images d’oiseaux plein les yeux. Stop.

Quatre-vingt-treize espèces au compteur en ce deuxième soir. Stop.

Qui est intéressé par une partie de tarot après dîner ? Stop.

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Lundi 20…

 

En fin de nuit, un très fin croissant de lune se lève à l’orient. La nouvelle lune approche. Une lumière cendrée illumine faiblement la partie ombrée de notre satellite. C’est la lumière du soleil que la Terre réfléchit et envoie en direction de la lune qui est responsable de cette teinte si belle. Elle est bien visible lorsque le croissant de lune est fin comme ce matin. Lorsque le croissant est plus large, la lumière vive de la partie éclairée la masque. Le ciel est pur. Une autre belle journée s’annonce.

 

En rase campagne, le brouillard s’invite au lever du soleil. Lumière pâle, diaphane. Atmosphère austère des jours sans soleil. De ceux qu’on aime passer au coin du feu dans un bon fauteuil, armé d’un plaid et d’un bon roman avec une théière à portée de main. Pourtant, la couche de crasse est très fine. Et par endroit ne couvre que les premiers mètres au-dessus du sol. Alors que l’astre du jour franchit l’horizon, notre groupe assiste avec ahurissement et euphorie à un embrasement généralisé. La brume abandonne subitement le gris pour l’orange. Le contre-jour est éblouissant de beauté.

 

Les appareils photo sortent rapidement de leurs étuis. Nous voyons fleurir des 70, des 200, des 300mm qui cadrent ce spectacle haut en couleur. Et des smartphones, pour immortaliser cet instant empreint de magie. Des bovins s’invitent sur les clichés. Tout comme des oies qui s’éveillent et s’envolent pour se dégourdir les ailes. Autant de petites ombres chinoises qui se glissent dans notre tableau déjà somptueux. Si le givre recouvre la végétation, la sensation de froid est bien moindre que la veille. Le vent du nord est tombé. Plus un souffle d’air. Les roseaux – à la verticale – demeurent immobiles. Plus une vaguelette pour rider la surface de l’eau.

 

Soulagement.

 

Comme souvent aux Pays-Bas, les oies sont partout. Toujours le même tiercé : Bernaches nonnettes, Oies cendrées et Oies rieuses dans cet ordre. Des Tadornes de Belon sont posés sur un îlot sableux au bord de l’eau. Leur plumage blanc semble luire dans les rayons ocres. De nombreux canards sont sur l’eau. Se nourrissent. Lustrent leur plumage. Dorment encore la tête sous l’aile. Des Canards colverts. Mais aussi des souchets, des pilets, des chipeaux. Des Sarcelles d’hiver, des Fuligules milouins…

 

Des passereaux s’éveillent à leur tour et vocalisent à l’heure du petit déjeuner. Des cris pour la plupart mais aussi quelques premiers chants – prémices du printemps dont la belle lumière et les jours qui s’allongent déjà nous donnent un avant-goût : Accenteur mouchet, Mésanges bleues, Mésanges charbonnières, Troglodytes mignons, Rougegorges familiers, Alouettes des champs… La campagne prend vie. Au-delà de la digue, sur les eaux saumâtres de l’Escaut, un Plongeon imbrin pêche sur eaux turquoises. A côté de lui, les harles et les grèbes semblent bien petits.

 

Le soleil est monté dans un ciel nuageux. Le disque qui a si bien coloré la première heure de ce lundi a été happé par des nuées qui ne semblent pas souhaiter nous le rendre. La lumière blanchit. Le paysage ternit. Devient plus fade. L’austérité morne reprend le dessus. Ambiance du nord. Sur un deuxième site, à deux pas du littoral, nous croisons la route d’une belle bande de Bernaches cravants. Petites oies presque entièrement noire qui hiverne le long des côtes de la Mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique. Nous cherchons un oiseau très rare parmi elles. Une Bernache du Pacifique hiverne là pour la troisième année consécutive – au moins. La trouver au milieu des cravants « classiques » dont elle est une sous-espèce n’est pas si aisé. Prendre les oies une par une, les regarder toutes afin de découvrir celle qui a le ventre plus noir, un flanc plus contrasté et un collier plus blanc, plus large. Seuls ces points de détails la distinguent de ses congénères. Bien sûr, une fois que l’oiseau est bien cadré au centre de l’oculaire des lunettes d’observation, la Bernache du Pacifique semble évidente. On ne voit plus qu’elle.

 

Sur l’eau de l’estuaire, encore des Harles huppés – cette belle espèce nous semble presque banale après deux jours et demi d’observations continuelles. Quelques Garrots à œil d’or et un magnifique mâle adulte de Macreuse brune. Les mâles adultes ne sont pas fréquents si au sud. Généralement, seuls les femelles et les jeunes atteignent les Pays-Bas, puis la Belgique et la France. Les mâles adultes restent plus au nord. Le phénomène est général chez les canards. Un plumage noir de jais, une virgule blanche sous l’œil comme une touche de maquillage et un bec orange font de cette macreuse un très bel oiseau.

 

Une volée de huit Pingouins tordas passe alors au ras de l’eau et pose quelques centaines de mètres plus loin. La langue française est la seule à distinguer le manchot du pingouin. Le premier arpente le pôle sud et orne les emballages de crèmes glacées du monde entier. Le second niche sur les côtes rocheuses de l’hémisphère nord – Bretagne, Ecosse, Scandinavie… – et est capable de voler sur des milliers de kilomètres. Mais l’anglais « penguin » a envahi tous les idiomes semant une confusion totale parmi les francophones.

 

Avant de repartir en direction du sud et de regagner nos pénates, nous visitons un dernier site. Un vaste plan d’eau en bord de mer sur lequel a été signalé un Mergule nain – sorte de minuscule pingouin de la taille d’un étourneau et qu’il est très rare de voir près des côtes. Il est en effet connu pour passer tout l’hiver en pleine mer, loin de nos regards. Le découvrir n’a rien d’aisé : trouver un oiseau si petit sur un plan d’eau si vaste est déjà aléatoire. Mais lorsqu’on sait que lorsqu’il pêche, le mergule passe plus de temps sous la surface qu’à l’air libre… Nous ne nous décourageons pourtant pas. Les lunettes quadrillent le périmètre en tous sens. En vain. Nous apprenons bientôt d’un ornithologue local que l’oiseau n’a plus été aperçu depuis quelques jours. Le mergule est venu, a stationné un moment et est reparti. Sans nous attendre.

 

L’heure de rentrer en France arrive bien trop vite. Stop.

Le séjour a été riche en belles observations. Stop.

Des espèces magnifiques. Stop.

Servies par une météo inespérée. Stop.

Cent-huit espèces au compteur à la fin du séjour. Stop.

Cent-quatre oiseaux et quatre mammifères. Stop.

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Liste des espèces

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​Oiseaux :

Plongeon catmarin, Plongeon imbrin, Grèbe castagneux, Grèbe esclavon, Grèbe a cou noir, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Aigrette garzette, Spatule blanche, Cygne de Bewick, Cygne tuberculé, Cygne noir, Oie cendrée, Oie rieuse, Oie naine, Ouette d'Egypte, Bernache cravant, Bernache du Pacifique, Bernache nonnette, Bernache du Canada, Tadorne de Belon, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard siffleur, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Fuligule morillon, Garrot à œil d'or, Harelde boréale, Eider à duvet, Macreuse noire, Macreuse brune, Harle piette, Harle huppé, Epervier d'Europe, Buse variable, Busard Saint-Martin, Busard des roseaux, Faucon pèlerin, Faucon crécerelle, Perdrix grise, Faisan de Colchide, Râle d'eau, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Grande Outarde, Huîtrier pie, Vanneau huppé, Pluvier doré, Pluvier argenté, Courlis cendré, Chevalier arlequin, Chevalier gambette, Chevalier culblanc, Tournepierre à collier, Bécasseau sanderling, Bécasseau violet, Bécasseau variable, Avocette élégante, Goéland cendré, Goéland argenté, Goéland brun, Goéland marin, Mouette rieuse, Pingouin torda, Pigeon biset domestique, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Effraie des clochers, Chouette hulotte, Alouette des champs, Corneille noire, Corbeau freux, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Mésange a longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Tarier pâtre, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Pipit spioncelle, Bergeronnette grise, Etourneau sansonnet, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant des roseaux

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Lièvre d'Europe, Phoque veau-marin, Phoque gris

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