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8 septembre 2019
Quel brame !
La fin de l’été…
Vent frais du nord-ouest. Des trains de nuages parcourant le ciel, zébrant le fond bleu que nous aimerions voir gagner du terrain. Fraîcheur du soir.
En forêt, le vent est moins perceptible. Reste cantonné aux cimes qu’il agite mollement. Au sol, l’air immobile se charge progressivement des odeurs de forêt. L’humidité montant du sol se charge des senteurs de terre, de bruyère, de pins qui se mêlent en un parfum enivrant. Quelques oiseaux piaillent ici et là. En haut des pins comme la très belle Mésange huppée. Dans les touffes de bouleaux comme les Pouillots véloces. Dans le lassis des branches mortes reposant au sol comme le Troglodyte mignon. Et le rire du Pic vert qui éclate sur notre droite. Les « uit » puissants de la Sittelle torchepot. Ou encore les clameurs bruyantes des Bernaches du Canada posées sur les petites pièces d’eau des environs.
Mais d’humain, point !
Nous sommes seuls au monde. Disposons de la forêt pour nous seuls. Le sentier sableux serpente entre les fougères. Des Pins sylvestres à gauche. Chênes, charmes, hêtres, sorbiers, noisetiers à droite. Des arbres jeunes. D’autres déjà âgés de plusieurs siècles. Des fringants et des séniles glissant vers la mort. Des petits et des grands à différents étages… Une diversité indispensable à la richesse faunistique des lieux.
Peu après 20h, nous nous campons au bord d’une magnifique lande de bruyère. Certains pour casser la croûte. Ou pour guetter un dernier engoulevent. D’autres pour assister à une démonstration de différents rhombes emplissant l’air de notes vieilles de dizaines de milliers d’années. A 20h30, un premier cerf entre en lisse. Sa voix de baryton s’élève dans l’air froid. Des lueurs rosées persistent au ponant alors que la lune jette sur la clairière un éclat bleuté. Cette voix animale retentit et roule sur le vallon. Instant magique empreint de surnaturel.
Quand sur le ciel une silhouette se découpe tout à coup. Elancée. Au vol papillonnant. Un dernier Engoulevent d’Europe qui n’a pas encore pris la route en direction de l’Afrique. Nous ne sommes plus très loin de la date locale record (13 septembre) : observer cet individu est ce soir une réelle chance. La fin de l’été !
Les chouettes bavardent…
Le brame se poursuit. Au loin. Mais de façon incessante. Trois, quatre, peut-être cinq cerfs différents se répondent. Se défient. Quand l’un se tait, l’autre réplique. Plusieurs voix se mêlent fréquemment. Les pauses sont rares. Le brame bat son plein alors que l’horloge murale a sonné vingt-et-un coups il y a peu. Prudemment, nous reprenons notre progression dans l’obscurité. Humidité de l’air. Montant du fond du vallon et du cours d’eau qui le creuse. Chacune de nos expirations génère une volute de buée. Le ciel est dégagé de nuage et le vent tombé sans que nous ne nous en apercevions.
Dans un arbre au-dessus de nous, une Chouette hulotte hulule. Joignant ses mains, A. entonne une imitation bluffant l’oiseau lui-même. Le volatile entame une conversation passionnée avec l’humain. A laquelle se joint une seconde chouette. Une troisième puis une quatrième répondent au loin. L’instant – magique – devient fastueux. Une tournée des Grands-Ducs en tenues d’apparat et parlant haut. L’humain cessant son jeu, les oiseaux finissent par se détourner. Par s’éloigner. La forêt bruisse encore de quelques cris, le brame en toile de fond.
Nous approchons deux cerfs. En veillant cependant à rester à une distance raisonnable afin de ne pas les perturber. Le brame s’entrecoupe maintenant de pauses de plusieurs minutes. L’activité – intense au crépuscule – baisse sensiblement. La lune poursuit sa plongée vers l’horizon ouest – lumière froide semant des ombres tout autour de nous. Le sable du chemin semble luire dans l’obscurité. Saturne s’élève au-dessus des houppiers mais son anneau reste inaccessible à nos trop faibles jumelles.
L’heure et le froid nous ramènent en direction des véhicules. Il est plus de 23h00 mais A. tient à nous faire découvrir un nouveau son. Sortant un simple tube à cigare et l’agitant d’une manière connue de lui seul, il nous transporte tout à coup au cœur de la forêt africaine. Un chant pygmée retentit. S’élève à des milliers de kilomètres des Azobés, Acajous et autres Dibétous. Nous nous quittons sur cette note d’exotisme, heureux de cette soirée passée sous le signe de la bonne humeur et de la découverte. Merci une fois encore à toutes et tous.
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Bernache du Canada, Canard colvert, Chevalier guignette, Chouette hulotte, Engoulevent d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Merle noir, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Bergeronnette grise, Pinson des arbres
Mammifères :
Cerf élaphe