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10 septembre 2019

Un festival ! 

Optimisme…

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L’expérience apprend à nous méfier des certitudes. De celles que nous nous forgeons à la suite d’un excès de confiance en l’avenir. L’apprentissage de la prudence se fait ainsi à nos dépends tout au long de notre vie. Tisser intelligemment optimisme, raison et doutes.

 

Au début de la soirée, alors que le groupe se forme et que nous interrogeons la nature du regard, nous n’évoquons pas de conviction. N’affichons pas d’assurance exagérée ou puérile. Nous nous contentons de probabilités. D’espérances. Le ciel est clair, la température douce. Pas un souffle de vent pour houspiller les cimes des arbres. La lune montante, la mi-septembre en point de mire et d’excellentes places de brame dans ce petit coin de forêt sont autant d’indices favorables. Sac sur le dos, jumelles ou appareil photo autour du cou, nous entamons la sortie devant compter six ou sept kilomètres de chemins forestiers. Heureux d’être là.

 

Les Mésanges à longue queue strient l’air de trilles sonores alors que le rire éclatant du Pic vert retentit à son tour. Des « uit » de Pouillots véloces à droite et à gauche. Le cri métallique du Pic épeiche ou encore la douce mélopée du Rougegorge familier. Quand, après seulement quelques minutes de marche, une première alerte fait brusquement cesser les conversations.

 

« Là ! »

 

Dans une parcelle de chênes sans sous-bois, un mouvement est détecté. Puis deux taches rousses rompent avec le vert forestier. Des cervidés. Sans panique, une biche adulte et son jeune du printemps s’éloignent au petit trot. Sans nous perdre de vue. Les jumelles suivent les animaux qui hésitent : à droite ou à gauche ? Les appareils photo, eux, peinent à faire la mise au point sur ces animaux en mouvement zigzagant entre les troncs. La biche entraîne la chair de sa chair dans les fourrés qui les happent bientôt. Vision enchanteresse. Et excellent présage. Car la présence de biches est indispensable à toute bonne place de brame.

 

Une Aeschne bleue croise notre chemin un peu plus loin. Une des plus grandes libellule d’Ile-de-France, commune en sous-bois même loin de l’eau, profite de la douceur pour chasser en lisière du sentier. Dans un secteur ouvert, plusieurs passereaux s’agitent. Des cris ici. Des cris là. Et des oiseaux volant d’une branche à l’autre dans les houppiers. Les feuilles les dissimulent encore – c’est l’un des rares avantages de la période hivernale : les oiseaux forestiers sont bien plus aisés à observer. Des Mésanges bleues. Une Mésange nonnette. Un Grimpereau des jardins. Un Troglodyte mignon. Encore quelques Pouillots véloces.

 

Après seulement mille-cinq-cents mètres de marche, notre groupe parvient à l’orée d’une magnifique clairière. Le chemin oblique sur notre gauche sans s’y aventurer. Un calme absolu règne sur les lieux. Il n’est pas encore tout à fait 20h00, mais une pause est tout de même décidée pour pique-niquer. En veillant à rester dos au couvert végétal. Dans l’ombre du jour déclinant. En gardant le silence. Car un cerf pourrait bien sortir à découvert et bramer : là, devant nous.

 

Au sud de notre dîner, une première Chouette hulotte troue le silence du crépuscule. « Ouuuuh ». Un chant qui s’élève seul. Roule sur la forêt, porté au loin par l’humidité montant du sol. A la tombée de la nuit, les bruits se propagent loin et emplissent l’air – bien plus qu’en journée.

 

Mouvement en bordure de la clairière. Un animal foule les herbes jaunies par la sécheresse estivale. Petite taille. Pas de bois. Une femelle de chevreuil – une chevrette. Un mâle est sur ses talons. Beaux bois dépassant la hauteur de ses oreilles. S’approchent tout deux lentement, sans avoir conscience de notre présence. Une minute s’écoule. Puis une autre. Jumelles rivées aux yeux, nous admirons le couple se nourrissant des graminées. Mais notre attention est distraite par un nouvel événement. Un long chant rauque et puissant nous parvient. Il est 20h10 : le brame vient de débuter. Un cerf adulte ouvre en effet le bal alors que la première étoile ne brille pas encore dans le ciel trop clair. Un cerf se tenant à plusieurs centaines de mètres de nous. Eloigné mais parfaitement audible. Alors que les deux chevreuils ont regagné le sous-bois, un autre animal se montre entre les arbres. De longues pattes. De taille bien supérieure à celles des chevreuils. Nous espérons le cerf sortant bramer. Mais c’est une nouvelle biche qui nous confirme l’attractivité de ce secteur pour les mâles en rut.

 

Tout s’accélère…

 

Moins de dix minutes plus tard, un autre cerf entre en lisse. Loin du premier. Sur le plateau au-dessus de nous. Probablement proche du chemin que nous nous proposons de prendre pour poursuivre la balade. Après un dernier coup de jumelles dans la clairière toujours vide, nous reprenons notre marche et suivons le sentier sableux en pente douce. Le groupe s’approche de la voix. Le cerf brame maintenant de façon incessante. N’observant de courtes pauses que pour reprendre son souffle. Un troisième cerf est là lui aussi. Deux cents mètres à peine séparent les deux animaux. Deux voix puissantes. Adultes. On imagine deux grands mâles pourvus de grands bois noirs se défiant en un concert assourdissant. Car les animaux – proches de nous – saturent nos oreilles. Aux premières loges, nous stoppons à nouveau notre progression alors que l’horizon ouest se pare de roses violacés et de parme.

 

Un quatrième cerf s’époumone à son tour derrière nous, plaçant le groupe au centre d’un triangle dont les pointes sont occupées par les trois rivaux. Le brame en stéréo. Durant trente minutes nous assistons à un spectacle hors du commun. Des voix graves. Fortes. Toutes proches. Nous espérons assister à un combat. Mais les territoires respectifs sont respectés. Les distances séparant les mâles restent constantes. Trois dominants peu désireux d’aller au contact. De prendre le risque d’être vaincu. Voire blessé. Sans doute les biches sont-elles assez nombreuses pour contenter trois appétits. Trois soifs de reproduction. Nous en oublions notre balade qui tourne court. Inutile de poursuivre notre marche. De nous éloigner de la scène au bas de laquelle la chance nous a conduits.

 

Deux nouveaux chevreuils passent devant nous au milieu des bruyères, entre les bouleaux. Observation mutuelle durant une minutes ou deux avant que, d’un bond, ils s’éloignent sans bruit.

 

La nuit qui est maintenant tout à fait tombée s’éclaire d’une lueur vive. A trois jours de la pleine lune, l’astre de la nuit jette sur la forêt une lumière glacée, crue. Des ombres s’étirent à nos pieds comme au milieu de l’après-midi. Nul besoin de lampe torche : nous y voyons presque comme en plein jour. Bien assez pour fouiller la forêt à l’aide de nos jumelles. Les animaux restent invisibles, se mêlant aux ombres. Ambiance extraordinaire : notre bonne étoile s’est ce soir surpassée.

 

Vers 21h30 il est décidé de rebrousser chemin. De rester au cœur de l’action. Nous redescendons en lisière de la clairière auprès de laquelle nous avons dîné. Car le troisième cerf s’y trouve probablement. Avec un tel clair de lune, nous avons des chances de l’apercevoir s’il se tient en son centre. Jupiter luit au sud. Arcturus à l’ouest. Véga et Deneb proches du zénith. Cassiopée au nord. Mais la soirée n’est pas à l’astronomie. Trop de clarté. Trop d’arbres. Et déjà suffisamment de stimuli.

 

Après avoir fouillé durant cinq minutes la clairière aux jumelles, nous nous rendons à l’évidence. Bien que très proche, le cerf brame à l’abri du couvert forestier. A l’intérieur de la parcelle ou juste en lisière. Mais pas sous les feux de la rampe comme nous l’espérions. Notre chance nous réserve toutefois un dernier cadeau. Et quel cadeau !

 

Alors que nous scrutons la clairière, nous remarquons à intervalles réguliers un éclair blanc passant et repassant, de droite, de gauche, de droite… Un éclair blanc rayant la nuit. Un oiseau. Une Chouette effraie chassant deux ou trois mètres au-dessus des herbes. Une Chouette effraie multipliant les passages au ras de la végétation. Ses ailes pâles reflétant les rayons de lune.

 

Un spectacle féerique !

 

« Elles sont deux ! » En effet, ce n’est pas une chouette mais deux qui chassent devant nous. Notre excitation monte d’un cran. « Non, il y en a trois ! » Les rapaces se suivent, se croisent, tournent en rond dans l’espace découvert. Une vision extraordinaire tant il est rare d’en observer plusieurs ensemble. Les cerfs – eux – poursuivent leurs joutes orales. Une Chouette hulotte hulule également. Nous ne savons plus où donner de la tête. Nos espoirs du début nous semblent maintenant si timides…Jamais nous n’aurions pu raisonnablement souhaiter tant de réussite.

 

Nous sentons tout à coup le froid tomber sur nos épaules. Dans la fébrilité de la soirée, nous n’avons pas perçu avant cet instant la température chuter. De la buée s’échappe de nos lèvres lorsque nous parlons. Nous décidons de rentrer et regagnons nos véhicules à 23h00, achevant ainsi la meilleure soirée de brame des deux dernières années au moins.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Héron cendré, Canard colvert, Pigeon ramier, Effraie des clochers, Chouette hulotte, Pic vert, Pic épeiche, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Fauvette à tête noire, Pouillot véloce, Bouvreuil pivoine

 

Mammifères :

Cerf élaphe, Chevreuil européen

 

Odonates :

Aeschne bleue

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