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28 septembre 2019
Entre plaine et forêt...
Matinée d’automne
La plaine. Vaste. Ponctuée de boqueteaux et de petits bois posés ici et là, comme au hasard pour rompre la monotonie. Nous ne sommes pourtant pas en Beauce – loin s’en faut. Le paysage garde une harmonie certaine. Un cirque de bois, de coteaux, de vallons.
Morne sous ce ciel de plomb. Des nuées filent à toute allure poussées par un vent de sud-ouest qui nous fouette le visage à chaque instant. Point de soleil. Point de couleur. Des parcelles agricoles labourées, hersées, à végétation rase. Des restes de chaumes exsangues. Quelques bouquets de matricaires blanc au cœur jaune poussent çà et là. Des grands chênes au vert desséché par un été torride.
Et notre petit groupe cheminant au milieu du sentier herbeux. Au milieu d’un paysage empreint de l’austérité d’une journée grise d’arrière-saison.
Jusqu’aux oiseaux qui pressentent l’arrivée des jours mauvais. Des petites bandes d’hirondelles migrent tambour battant en direction du sud. Quittent notre pays condamné à glisser vers l’hiver. Sans se retourner. Des Pipits farlouses et des Alouettes des champs arpentent les sols dénudés à la recherche de graines oubliées. Des dizaines de Faisans de Colchilde et de Perdrix rouges peu farouches fuient mollement devant nous, à pieds, tentant de nous semer. Des oiseaux élevés et lâchés par centaines au début du mois de septembre en vue des prochains mois de chasse.
Dans les bois, des Rougegorges chantent. Mélopée sifflée, douce et un peu triste. Comme pour exprimer un regret de voir l’été s’achever. Pinsons des arbres, Sittelles torchepots, Pouillots véloces, Accenteurs mouchets, Grimpereaux des jardins donnent aussi de la voix après être restés muets durant la torpeur de juillet. L’arrivée de l’automne sonne pour eux comme un renouveau. Finis les corvées de nourrissage durant lesquels les oisillons insatiables les harcelaient sans relâche. Fini le stress d’entendre sa progéniture hurler sa faim aux quatre vent, de voir débouler un prédateur au milieu du nid. Fini la période de la mue qui n’est jamais une partie de plaisir. Fini la fournaise qui vous assèche le gosier.
Pause déjeuner au milieu d’un bois. On boit un coup à l’abri du vent qui n’a pas faibli. Des pins et de la terre de bruyères. Les odeurs de la forêt se mêlent à celles de nos agapes. Une libellule vole autour de nous. Leur nombre a considérablement chuté depuis une quinzaine de jours. Bien peu connaîtrons octobre et celle-ci est une rescapée : un Sympétrum sanguin.
Après-midi ensoleillée
Avant d’entrer en forêt – et d’y demeurer pour la seconde moitié de notre balade – nous apercevons deux chevreuils au milieu d’une pièce agricole. Les animaux nous ont vus de loin. Mais la distance qui nous sépare d’eux suffit à les tranquilliser. Point de peur, ni d’inquiétude. Juste de la curiosité. Après une minute à nous dévisager, les chevreuils baissent la tête et retournent à leur repas.
Nous ne nous les intéressons pas.
Après les avoir observés, nous poursuivons notre chemin et franchissons la lisière. La forêt s’étale devant nous. Les chênes encore verts. Les arbrisseaux en sous-bois se teintant doucement d’or et de rouille : quelques hêtres et certains charmes qui n’en sont pas dénués. Le spectacle vient depuis quelques jours des fougères. Les Fougères aigles qui couvrent une large portion du sol, jaunissent. Le soleil qui a enfin percé la couche de crasse nébuleuse jette des rais ici et là. Les contre-jours sont splendides. Les feuilles s’illuminent, deviennent translucides. Leurs bords s’allument d’une brillance que nos appareils photos tentent de saisir.
Le rythme de la marche s’en ressent durant le kilomètre suivant. L’émerveillement prend le dessus et nous accapare entièrement. Nous jouons avec les vitesses d’obturation, le diaphragme. Réduisons ou augmentons la profondeur de champs. Corrigeant l’exposition pour saturer les teintes ou au contraire rechercher des lueurs pâles, éthérées. Presque divines.
En croisant les doigts pour que nos appareils rendent les merveilles que nos yeux admirent.
Même lentement, nous parvenons tout de même jusqu’au bord d’une très belle mare forestière. Une mare en forme de « C » avec une presqu’île s’avançant au milieu de l’eau. Le soleil règne maintenant sans partage dans un grand ciel bleu. La douceur prend le dessus. Le vent parvient très affaibli au niveau du sol. Le bord de l’eau est accueillant. Appelle à la rêverie. Un Canard colvert barbotte, nage entre les saules qui envahissent une partie de la mare. Une Aeschne bleue – une libellule de belle taille – vole lentement au-dessus du miroir. Au moins deux Grosbecs casse-noyaux sifflent depuis leur perchoir au sommet d’un grand chêne avant de s’envoler.
Des papillons profitent eux aussi de la relative chaleur pour étirer leurs ailes. Un Souci orangé. Une Piéride aux ailes blanches ponctuées de noir. Un Vulcain qui doit son nom à sa teinte noire zébrée de rouge et de blanc. Bientôt, nous ressortons du couvert végétal et retrouvons les véhicules après dix-neuf kilomètres de marche. Une journée contrastée entre plaine et forêt. Entre grisaille et grand soleil. Peuplée de migrateurs quittant l’automne puis de papillons et de libellules savourant le soleil.
Merci aux marcheurs !
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Canard colvert, Épervier d'Europe, Buse variable, Busard Saint-Martin, Faucon crécerelle, Perdrix rouge, Perdrix grise, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Pic vert, Pic épeiche, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Corneille noire, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rougequeue noir, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Bergeronnette des ruisseaux, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune
Mammifères :
Chevreuil européen
Libellules :
Leste vert, Aeschne bleue, Sympétrum sanguin
Papillons de jour :
Piéride de la rave, Piéride du navet, Souci, Mégère (Satyre), Vulcain