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30 juillet 2019

La fraîcheur du soir...

Le monde de la lumière…

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La soirée débute – ou est-ce l’après-midi qui tire à sa fin ? – lorsque notre groupe se met en marche. Un nuage assez sombre barre l’horizon sud qu’un vent léger pousse dans notre direction. Nous levons la tête. Evaluons le danger – relatif. Et foulons le chemin de nos premiers pas au moment où les premières gouttes s’écrasent sur le sol dans un bruit humide. Les premières de la semaine comme si le ciel avait patienté tout ce qu’il pouvait, nous réservant ses épanchements.

 

Rien que pour nous !

 

Touchés de cette délicate attention, nous croisons néanmoins les doigts pour que la pluie ne dure pas. La nuée ne semble pas très étendue. La lumière reste vive. Notre inquiétude s’évapore aussi vite que les précipitations qui peinent à mouiller la terre du chemin.

 

Dans les grands chênes entourant le château du Groussay, le chant du Pigeon colombin nous accueille. Le Grimpereau des jardins, le Pinson des arbres, la Mésange charbonnière chantent eux aussi faiblement. La fin juillet n’est plus la saison des vocalises. La plupart des nichées sont désormais achevées. On croise de nombreux jeunes oiseaux volant, certains sont déjà indépendants. Quelques groupes familiaux arpentent les bosquets, les buissons. Volent d’un arbre à l’autre à la queue leu-leu.

 

La pluie a déjà cessé. De grands nuages maquillent le ciel. Des blancs. Des gris. Quelques-uns plus menaçants. Les rayons du soleil se fraient un passage entre chacun d’eux. Soulignent chaque branche, chaque feuille, saturent les verts. Révèlent l’or des blés encore sur pied. Exacerbent chaque couleur. La lumière du soir est splendide et nous invite à la photographie.

 

Des Corneilles noires en maraude passent devant nous, en vol lent. Scrutent le sol d’un œil attentif. Cherchent quelque chose à se mettre sous la dent. Une Grive musicienne psitte – du verbe intransitif « psitter » qui, selon notre Petit Larousse personnel, signifie « émettre un cri sifflé, assez sec, plus ou moins long ».

 

En bas d’une pente, notre chemin débouche sur la berge d’un bel étang. Niveau d’eau relativement bas en raison de la chaleur qui a frappé la région depuis la troisième semaine de juin. Une vingtaine de Foulques macroules – toutes adultes – nagent sur l’eau. Un oiseau plutôt rondouillard, entièrement noir à l’exception du bec blanc. Un oiseau de la même famille que la poule-d’eau. Et en parlant de Gallinule poule-d’eau – tel est son nom complet –, en voici quelques-unes. D’une taille inférieure d’un bon tiers mais avec une silhouette plus svelte. Plus élégante. Des Canards colverts au plumage brun – les oiseaux sont en mue et ont perdu leurs belles couleurs – longent la rive. Un Héron cendré transformée en statue de sel pêche, immobile. Tandis qu’une famille de Bernaches du Canada se repose sur une berge au milieu des graminées. Les trois oisons bien plumés et d’une taille légèrement inférieure à celle des adultes se nourrissent d’herbe. Maman surveille la chair de sa chair. Papa, en arrière du groupe, le cou dressé et le plastron fièrement bombé, nous surveille nous et les environs immédiats, prêt à donner l’alerte.

 

Notre groupe arpente les lieux. Talus herbeux d’un côté, étang de l’autre. Malgré l’heure tardive – 20h moins quelques minutes – des libellules demeurent actives. Un Sympétrum sanguin passe au vol et s’éloigne rapidement. Un Portecoupe holarctique et une dizaine d’Ichnures élégantes posés sur les plantes riveraines volettent mollement d’une herbe à l’autre.

 

Le soleil baigne encore largement la campagne. La température – douce – est des plus agréables. Le vent a disparu. Des touffes fuchsias de salicaires jettent des touches de couleurs dans le paysage. Le héron, inquiet de nous voir approcher s’envole et change de crèmerie. Papa bernache ne nous lâche pas du regard tandis que ses bambins continuent de folâtrer avec leur insouciance toute juvénile.

 

Un arc-en-ciel s’invite dans le paysage.

 

Nous opérons un demi-tour pour ne pas déranger davantage les oies. Et poursuivre notre périple montfortois en direction du hameau de l’Aunay-Bertin. Les contre-jours de toute beauté impressionnent nos pellicules. Le blond des blés. Les tiges isolées des avoines. Les Grandes Berces habillées de vert et de blanc. La Tanaisie et son jaune éclatant. Quand le long d’une haie nous percevons un bref mouvement. Un chevreuil s’est tout à coup immobilisé. Nous fixe lui aussi du regard, sans doute surpris de nous trouver là, à l’heure où la majorité des humains passent à table le regard rivé sur la télévision. Pas de bois sur la tête : notre chevreuil est une chevrette. Madame patiente. L’observation mutuelle se prolonge trois ou quatre minutes. Puis l’animal, sans doute rassurée sur nos intentions mais lassée de nous voir, s’éloigne sans hâte ni crainte.

 

Alors que nous cherchons un endroit propice à notre pique-nique, nous parvenons au bord d’une petite mare très encaissée. Le niveau d’eau, très bas, laisse de larges berges peu profondes. Deux Chevaliers culbancs s’y nourrissent en picorant la vase de leur long bec. L’espèce ne niche pas dans la région. Ces oiseaux sont des migrateurs en halte sur la route vers leurs quartiers d’hiver. La migration d’automne a déjà débuté. Mais la proximité de l’eau et le risque d’être importuné par des moustiques nous poussent un peu plus loin encore. Décision est prise de doubler le petit bois devant nous et de nous installer de l’autre côté.

 

Le monde l’ombre…

 

Bien nous en a pris !

 

Car sitôt le bois dépassé, au bord d’un chaume, une forme est aperçue. Un animal en mouvement. Nous tournant le dos. Aux jumelles, nous hésitons malgré la lumière qui éclaire encore l’instant. Un pelage paraissant brun. Tirant peut-être sur le roux. Un gros chat vraisemblablement. Mais l’animal redresse légèrement la tête nous laissant apercevoir ses oreilles pointues à bouts noirs. Un renard en chasse. A pas feutré, Goupil avance le nez au ras des tiges coupées. Toujours de dos puis de face après avoir pivoté sur la droite. Le doute n’est plus permis. Un magnifique renard adulte. Pelage roux. Queue touffue, épaisse. Gorge et poitrine blanches.

 

L’animal ne nous a pas encore repérés. Nous l’observons sans un mot. Le vent – à peine perceptible – n’emporte pas notre odeur dans sa direction. Tout à coup l’animal bondit, les deux pattes avant venant se poser jointes sur ce qu’on imagine un mulot malheureux. Le renard baisse la gueule et engloutit sa proie. Se lèche les babines et s’assoit face à nous. Il ne nous aperçoit qu’à ce moment. S’interroge une minute et se demande depuis combien de temps nous l’observons. Puis décide de ne pas davantage solliciter sa bonne étoile et choisit de rentrer à couvert en regagnant d’un saut les hautes herbes toutes proches.

 

Minute magique qui nous laisse incrédules. Une chance peu commune que nous apprécions à sa juste valeur. Après une si belle observation, et notre soif de nature étanchée pour un moment, nous rassasions nos estomacs. Les sacs sont déposés à terre. Des sandwiches en sortent. Mais nos yeux restent accrochés au chaume. Les appareils photos à proximité et prêts à toute éventualité. Juste au cas où…

 

Après 21h30 l’obscurité tombe rapidement. Nous ne sommes encore qu’à la fin de juillet, mais les soirées raccourcissent déjà de façon perceptible. Le soleil s’est couché ce soir vingt-cinq minutes plus tôt qu’au moment du solstice. Maintenant que le soleil a disparu derrière l’horizon et que les ombres envahissent la campagne, la température baisse brutalement. L’humidité de l’air accentue encore la fraîcheur ambiante et même les moins frileux éprouvent le besoin d’enfiler une veste.

 

La vie diurne retourne à son cocon protecteur pour le repos de la nuit. La vie nocturne, elle, patiente en coulisse. Attendant que la lumière baisse encore un peu afin de s’approprier pleinement le monde. Intermède de paix absolue. Entre chien et loup.

 

Dans un chaume, une trentaine de Bernaches du Canada veillent. A chercher quelques derniers grains de blé. Si nous étions dans un roman de Zola, une chandelle aurait brûlé sur un rebord de fenêtre. Un feu illuminerait l’âtre. La grand-mère s’occuperait à un ouvrage de point croix, palliant sa mauvaise vue par un touché exceptionnel acquis grâce à une longue vie faite d’habitudes. Le père fumerait tranquillement la pipe tandis que son épouse en femme prévoyante penserait déjà au lendemain. Les minots seraient dans la pièce attenante, profondément endormis tandis que le grand-père enrichirait la terre du potager. Ce petit monde finit par s’envoler – par petits groupes et à grands cris – pour rejoindre les pièces d’eau au milieu desquelles elles vont dormir afin de se garantir d’une attaque de Goupil.

 

Et Goupil justement a une idée derrière les oreilles. Nous le retrouvons cinq minutes plus tard furetant dans une nouvelle parcelle, non loin de celle où les dernières bernaches s’attardent encore. Est-ce le même animal ? Un second individu ? Impossible de le dire dans cette pénombre qui ressemble de plus en plus à la nuit tombée. Dans le ciel, les premières étoiles s’allument les unes après les autres. Jupiter règne en maître, bien plus lumineux que tous les astres déjà visibles. Goupil s’éloigne puis saute dans les graminées… En direction des oies. Peut-être : les volatiles sont de belle taille, mais il en est capable. D’autant que le groupe encore au sol compte des jeunes, plus petits, plus confiants.

 

Les couleurs ont disparues. Le gris se mue en anthracite. L’anthracite en noir. Nous ne percevons plus que des formes. Des silhouettes. Au nord-est, un halo rosé illumine la voûte céleste, avale les étoiles. Les lumières de l’agglomération parisienne polluent fortement le ciel de toute l’Ile-de-France. Et à intervalles réguliers, le faisceau du phare installé au sommet de la tour Eiffel vient balayer l’horizon. Pour un peu, on consulterait l’horaire des marées pour connaître l’heure du prochain flot. Mais un nouveau point apparaît. Déjà assez haut au-dessus de l’horizon oriental. Saturne apparaît aux jumelles sous une forme vaguement ovoïde en raison de l’anneau qui l’entoure. Mais un grossissement de trente fois est néanmoins nécessaire pour jouir de ce magnifique spectacle. N’ayant pas de lunette d’observation, nous ne pouvons que l’imaginer, aidés par les dizaines de photos publiées ici et là.

 

Cris puissants tout à coup sur notre gauche. Aigus. Un peu grinçants. Une Chouette hulotte se manifeste bruyamment avant de rendre à la campagne son silence ouaté. Il est un peu plus de 23h00 lorsque nous regagnons les véhicules. Nos souhaits ont été entendus : hormis les quelques gouttes initiales, aucune pluie n’est venue perturber notre promenade. De belles observations suite à une série de coups de chance. Un profond sentiment de bien être à la fin de cette sortie. Et un secteur toujours agréable qui une nouvelle fois a tenu ses promesses !

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Grèbe castagneux, Bernache du Canada, Canard colvert, Canard mandarin, Buse variable, Faucon crécerelle, Perdrix grise, Faisan de Colchide, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Chevalier culblanc, Mouette rieuse, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Martin-pêcheur d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Pic épeichette, Hirondelle de fenêtre, Corneille noire, Corbeau freux, Choucas des tours, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Tarier pâtre, Merle noir, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Pouillot véloce, Accenteur mouchet, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Renard roux, Lièvre d'Europe

 

Amphibiens :

Grenouille verte

 

Libellules :

Portecoupe holarctique, Ischnure élégante, Sympétrum sanguin

 

Papillons de jour :

Piéride de la rave, Myrtil

 

Orthoptères :

Grande Sauterelle verte, Grillon d'Italie

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