top of page

28

78

27 juin 2019

Après la torpeur

de la journée 

Des papillons…

​

Saint-Lucien, au bord du monde. Sur la lisière du massif forestier de Rambouillet. Sur la lisière de l’Ile-de-France, premier village d’Eure-et-Loir sur la route menant en province. Le sentier que nous abordons en ce début de soirée est sur le fil du rasoir. Une frontière administrative. Et écologique. Les Yvelines sur notre gauche. La forêt francilienne. L’ombre, le couvert végétal. La faune et la flore du sous-bois. L’Eure-et-Loir sur notre droite. Les vastes plaines agricoles, le grenier à blé français. Omniprésence du soleil et de sa lumière encore crue. Les oiseaux et les fleurs des espaces ouverts.

 

Ciel sans nuage. Bleu. Pâle sur l’horizon, plus profond au zénith. Encore 31°c au thermomètre à 19h30 lorsque nous débutons la sortie. Vent modéré venant du nord-est. Qui nous apporte probablement des miasmes de pollution parisienne mais qui a tout de même le mérite de rafraîchir l’atmosphère et d’éloigner les moustiques.

 

Sitôt les dernières maisons dépassées, notre groupe plonge en immersion dans une belle campagne au paysage varié. Forêt, petits bois de plaine piquant un espace agricole morcelé. Patchwork de prairies de fauche, de parcelles d’orge dorée, de blé commençant à jaunir, de colza déjà bruni. Et au milieu serpentent des chemins sableux. Un petit hameau ici. Un corps de ferme là. Et le long du sentier, des tombereaux de fleurs messicoles : le rouge du coquelicot, le jaune de l’aigremoine et du séneçon, le blanc de l’Achilée mille-feuille et de la marguerite, le violet de la campanule et de la vesce.

 

Une flore qui attire de nombreux papillons. Malgré l’heure tardive, les insectes volent encore énergiquement, dopés par la chaleur qui réchauffe leur sang, exacerbe leur métabolisme. Comme souvent en été, les Myrtils dominent largement. Ce papillon est l’un des plus communs aux heures chaudes de juin à septembre. L’aile postérieure gris-brun. L’aile antérieure comportant une large part d’orangé, trouée d’un ocelle noir. Quelques piérides volent au-dessus des blés. Probablement des Piérides de la rave. Avec peut-être une ou deux Piérides du chou de grande taille. Mais la plupart de ces papillons zigzaguent entre les graminées sans se poser. Ce qui rend l’identification spécifique très difficile.

 

Deux autres papillons sont observés posés sur le sol sableux du chemin. Une Petite Tortue – c’est vraiment le nom d’un papillon – rouge orangée et un Paon du Jour de couleur lie de vin. Au-dessus de nous, l’Alouette des champs s’égosille. Une pluie ininterrompue de notes déferlant sur nos têtes en cascade. L’alouette chante au vol. Vol stationnaire à la verticale de son territoire. Flopée de notes pouvant se poursuivre durant plusieurs minutes. L’oiseau emblématique de ces vastes zones agricoles. Des hirondelles chassent les insectes. Le savoir populaire ancestral se servait de leur vol comme baromètre. De nombreux insectes, sensibles à la pression atmosphérique, modifient leur comportement à l’approche d’un épisode pluvieux. Ils volent moins haut, s’aventurent moins loin. Une étude a même prouvé un appétit reproducteur en berne dans les heures précédant une dégradation météorologique. Les hirondelles qui s’en nourrissent nous indiquent l’altitude à laquelle se situe leur repas.

 

Aujourd’hui, les hirondelles volent haut. Très au-dessus de la cime des arbres pour la plupart. Nous observons l’Hirondelle de fenêtre identifiable à sa queue courte et à la large plage blanche décolorant son croupion. Et l’Hirondelle rustique – très différente – qui arbore une gorge rouge brique et possède une queue très échancrée dotée de très longs filets. Des bandes d’Etourneaux sansonnets naviguent abondamment entre forêt et jardins. Des cerisiers chargés de fruits rouges ou noirs attirent les oiseaux aussi sûrement qu’une tartine nappée de chocolat allume des étincelles de convoitise dans le regard des enfants.

 

Oui, de leurs parents aussi…

 

L’entrée en forêt apporte ombre et fraîcheur. Fraîcheur relative car nous avons atteint l’heure où la terre restitue l’énergie emmagasinée durant la journée. L’humidité s’élève. Le vent agite les houppiers sans atteindre le sol.

 

Le royaume des moustiques !

 

Relativement peu nombreux fort heureusement. Même si le groupe entame un ballet tout en gestes larges, circulaires et saccadés pour tenir les bestioles à distance, nous n’avons pas à souffrir d’attaques massives comme c’est parfois le cas lors de soirées orageuses. D’autres papillons parcourent le sous-bois. Tel ce magnifique Petit Sylvain aux ailes de couleurs de nuit et tachées de blanc.

 

La douceur de la nuit…

 

La lumière baisse lentement. Si près du solstice d’été, le soleil s’approche si lentement de l’horizon, avec un angle tellement fermé qu’on s’attend à le voir rebondir sur le sol et remonter de l’autre côté comme il le fait au-delà du cercle polaire.

 

Le ciel se teinte d’ocre, de rosé, de parme. Dans le couchant, les arbres ne sont plus que des silhouettes sans détail. Notre pique-nique s’organise autour d’une balle de foin. Un repas qu’on dirait tout droit sorti d’une toile de Monet – nonobstant la forme de la meule. Crudités à l’honneur en ce jour de canicule. Et une ambiance amicale dans ce pré fauché. Dans une mare proche, une Grenouille verte débute sa nuit de concertiste. Le Merle noir chante encore. Tout comme la Grive musicienne et le Rougegorge familiers – souvent les derniers oiseaux diurnes à chanter le soir. Dans le bois derrière nous, le Loriot d’Europe de sa belle voix sifflée entonne une dernière mélodie avant que les artistes du monde de la lumière ne se retirent jusqu’au matin.

 

Un lièvre nous regarde. A plat ventre dans l’herbe, il ne bouge pas un cil. Nous surveille. Se demande qui nous sommes pour nous approprier une parcelle de son territoire. Evalue le danger que nous représentons. L’observation – mutuelle – se prolonge quelques minutes. Puis l’animal quitte son immobilité, grignote quelques brins d’herbe et s’éloigne de quelques bonds.

 

Poursuivant notre balade, nous parvenons au coin d’un bois étroit de quelques centaines de mètres. Le vent frappe nos dos et emporte nos odeurs vers les grands arbres. Une cavalcade détale pour s’enfoncer dans l’ombre du couvert végétal. Probablement des cervidés postés en lisière et scrutant la plaine avant de s’aventurer à découvert. Notre groupe est arrivé un quart d’heure trop tôt. Le vent ne nous a pas aidé non plus et les animaux nous ont perçus bien avant qu’on ne les perçoive.

 

Un loupé !

 

Le soleil est maintenant couché et non loin du zénith Véga (de la constellation de la Lyre) brille déjà. Déneb (du Cygne) et Altaïr (de l’Aigle) ferment le triangle des Belles d’Eté. A l’est, Jupiter est le point le plus lumineux de la voûte céleste. Mais une forme sombre attire tout à coup notre attention au milieu d’une parcelle de graminées. Un coup de jumelles révèle un animal pâturant. Corpulence ni chétive ni herculéenne. Lorsque l’animal relève la tête, nous identifions un daguet – un jeune cerf coiffé de sa première paire de bois. Cette fois, le vent ne chasse pas nos odeurs dans sa direction. Dos au bois, nos silhouettes ne se découpent pas non plus sur une zone claire. L’animal n’a pas décelé notre présence et poursuit son repas. En observant l’ensemble de la parcelle, nous découvrons bientôt d’autres ombres. Une douzaine en tout. Outre le daguet, nous comptons au moins quatre biches adultes toutes suivies par leur faon de l’année. L’une d’elle est encore accompagnée par son jeune de l’année 2018 – prénommé Tanguy vraisemblablement. Au moins deux derniers animaux difficiles à juger car trop près de la lisière et trop peu visibles dans les jumelles. Il est près de 23h et la luminosité est maintenant basse.

 

Les étoiles s’allument plus nombreuses. La Grande Ourse sort peu à peu du ciel encore pâli par un crépuscule interminable. Jupiter dans la lunette d’observation est accompagné de ses quatre satellites galiléens – les quatre premières lunes découvertes par Galilée en 1610.

 

Une Chouette hulotte couine sans grande motivation sur notre droite. Une Caille des blés chante elle sur notre gauche. Des oiseaux sont arrivés récemment du sud de l’Europe, fuyant la chaleur et la sécheresse de la péninsule ibérique notamment. Phénomène régulier qu’on note d’année en année dans les deux dernières décades de juin et au début de juillet.

 

Sur le chemin du retour, le parfum des foins coupés montent du sol à la faveur de la nuit. Les Grillons champêtres stridulent. Ambiance des soirs d’été à la campagne. Ambiance « Grandes vacances » à la ferme, loin de Paris et de son tumulte. Une paix indescriptible règne sur ces lieux. Les températures maintenant très douces incitent à la flânerie. A 23h20, un nouveau point lumineux se hisse au-dessus des frondaisons. Encore peu lumineux car toujours diffracté par l’atmosphère terrestre. Mais dans la lunette, avec un grossissement de cinquante fois, l’identité de l’astre ne laisse aucun doute : Saturne et ses célèbres anneaux. Un spectacle saisissant parfaitement visible avec le matériel dont nous disposons. Une boule cernée d’un épais anneau réfléchissant la lumière du soleil.

 

L’heure poursuivant sa course effrénée et sans fin, nous décidons d’achever cette sortie pourtant très agréable. Le retour est silencieux afin de nous repaître de la sérénité de la nuit. Puis nous nous séparons heureux d’avoir partagé ces quelques heures et tant d’observations passionnantes. Merci à tout le groupe.

 

Liste des espèces

​

Oiseaux :

Héron cendré, Buse variable, Caille des blés, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic épeiche, Pic mar, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre, Loriot d'Europe, Corneille noire, Pie bavarde, Mésange bleue, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Pipit des arbres, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Chardonneret élégant, Pinson des arbres, Bruant jaune

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Cerf élaphe, Lièvre d'Europe

 

Papillons de jour :

Hespérie de la houque, Piéride de la rave, Myrtil, Demi-deuil, Petit Sylvain, Paon du jour, Vulcain, Belle Dame, Petite Tortue

 

Amphibiens :

Grenouille verte

P1320063.JPG
P1380035.JPG
P1380042.JPG
P1320054.JPG
P1380044.JPG
P1380047.JPG
IMG_20190627_210952.jpg
IMG_20190627_222944.jpg
IMG_20190627_203211.jpg
IMG_20190627_214749.jpg
bottom of page