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13 juin 2019

De Silences et d'Ors… 

Fin d’une journée tourmentée…

Nuages lourds dans le ciel. Des cumulus. Des cumulonimbus. Epais de plusieurs kilomètres et aplatis à leur base comme s’ils reposaient sur un plancher invisible. Blancs illuminés par le soleil planqué au-dessus, ici. Anthracites et plus inquiétants, là. Mais un vent modéré s’atèle à nettoyer ce ciel de pluie qui a stagné une partie de l’après-midi. Des pans bleutés apparaissent dans des déchirures, plus larges de minute en minute.

 

Une météo variable qui pose toujours le problème de l’habillement au moment de sortir. Pull, veste, parka ? Ou un simple coupe-vent ? Le groupe décide de partir léger en pariant sur la douceur du moment et la tendance à l’amélioration.

 

A peine partis, le chant explosif d’une Bouscarle de Cetti retentit dans les buissons en bordure de l’étang. Une espèce rare en Ile-de-France. Frileuse et ayant souffert des hivers rigoureux des années 1980. Au-dessus de l’eau, le ciel achève de se déchirer. Et se reflète sur le miroir de l’étang. Les jeux de lumière illuminent les lieux. Chaque touffe de roseaux est dessinée d’or. Les verts des feuilles oscillent du noir au translucide selon leur orientation. Magie du soir et des rayons obliques.

 

Des Bruants des roseaux chantent dans la phragmitaie. A l’instar de quelques Rousserolles effarvattes à la voix râpeuse qui défendent leurs petits prés carrés de territoire. Dans les bois environnants, deux Coucous gris jettent aux quatre vents leurs notes bien connues de tous. Une chance pour les débutants qui ont ainsi le plaisir d’identifier un oiseau dans la polyphonie de l’instant. Quelques Grenouilles vertes commencent à coasser. Quelques cris peu motivés en attendant la tombée de nuit pour s’exprimer pleinement. Les batraciens sont eux aussi à l’heure de l’apéritif et attendent sagement le plat de résistance.

 

Une Sterne pierregarin s’approche de nous de son vol chaloupé. Elle est une cousine éloignée de la mouette, mais plus élégante, plus svelte, plus effilée, et d’une taille un peu inférieure. Indifférente à notre présence, l’oiseau cherche son dîner – du poisson. Le regard et le bec rivés sur l’onde, la sterne poursuit sa route zigzagante. Un décroché sur l’aile droite et elle pique sur l’eau, se rétablit un mètre avant de se mouiller les plumes et repart. Pour revenir immédiatement, voler sur place quelques secondes et plonger. Elle ressort, faisant disparaître une proie de petite taille dans son gosier. Et de repartir en chasse aussitôt. Comme au supermarché, rayon après rayon dans une routine parfaitement huilée.

 

Des Hérons cendrés pêchent eux aussi. Adoptant une technique rigoureusement différente : celle de la statue de cire. Les pattes dans l’eau, parfaitement immobiles et doués d’une patience infinie, ils attendent qu’un poisson imprudent vienne nager à porter de bec. Le héron déploie alors son cou à la vitesse de l’éclair et harponne sa proie qui est avalée avant d’avoir eu conscience du danger. Une Grande Aigrette – un grand héron au plumage blanc immaculé – survole les lieux avec élégance et disparaît dans une anse hors de vue.

 

Sur la rive nord, notre chemin s’enfonce en sous-bois. La luminosité est encore bonne, Eole ayant achevé de pousser la crasse au loin. La forêt ruisselle encore des pluies de la semaine. Végétation luxuriante. Camaïeu de verts au complet. Chemin très humide – franchement boueux par endroits.

 

Chaussures de marche : 1 – Chaussures de toile : 0.

 

Une famille de Mésanges charbonnières piaille dans les branches d’un chêne. Oiseaux proches mais pourtant invisibles. Les mômes ont faim. Et le font bruyamment savoir. Les parents – comme tous les parents du monde – courent partout. Une chenille par-ci. Une araignée par-là. Les ogres à peine volants réclament à nouveau sitôt le bec vide… Les Pouillots véloces, avec leur chant caractéristique, « Chif-Chaf », se reconnaissent aisément. Tout comme le Rougegorge familier et sa mélopée empreinte de tristesse.

 

Une soirée paisible…

 

Les arbres s’écartent de nouveau. Nouvelle digue. Nouvel étang. Un large pont de pierre enjambe la nappe d’eau. Le soleil encore haut trompe notre horloge interne et masque l’heure réelle. Vingt-et-une heure vient de sonner. Largement temps de plonger dans nos sacs et d’en sortir nos casse-croûtes.

 

Soupirs d’aise de nos estomacs !

 

Superbe paysage. Le vent, complètement tombé, laisse l’eau en paix. L’étang est un miroir dans lequel les couleurs du couchant s’impriment. L’horizon au centre de l’image apparaît comme un axe de symétrie séparant deux paysages identiques mais inversés. L’orange gagne peu à peu sur le bleu. L’ouest s’embrase. Le sillage d’un Cygne tuberculé raie cette toile immobile. Silhouette majestueuse dans le contre-jour.

 

Ombre chinoise.

 

Des groupes d’Etourneaux sansonnets arrivent par petites troupes. Les oiseaux se rassemblent ici pour dormir. Dans les roseaux, en dortoir. L’eau omniprésente leur confère la sécurité, empêche toute approche silencieuse d’un prédateur terrestre. Dix ici, cinquante là… Ce sont au final plusieurs centaines d’oiseaux qui accourent se mettre au lit. Une Fauvette des jardins profite des derniers rayons pour donner de la voix. Une Bergeronnette grise, sur le parapet de la digue, aimerait qu’on ne l’oublie pas. Elle aussi défend un territoire. Un nid probablement dissimulé à proximité. Dans une anfractuosité du pont. Quelques Hirondelles rustiques voltigent ici et là, le gosier ouvert, à gober les insectes sortis nombreux fêter le retour du soleil.

 

Un Loriot d’Europe chante à son tour depuis la forêt voisine. Un très bel oiseau de la taille d’un merle – livrée jaune vif, ailes noires, bec rouge. Un mélange de tons fort contrasté que nous aurions aimé admirer. L’oiseau reste malheureusement dans le couvert des houppiers. Deux Blongios nains tout aussi invisibles signalent leur présence par des cris rauques, sourds – peu audibles mais portant étonnamment loin. Un des nicheurs les plus rares des lieux. En fort déclin depuis de nombreuses années.

 

Le soleil disparu dans sa course autour du monde, la lumière baisse lentement. A cette époque de l’année, le crépuscule est long. Nous reprenons toutefois notre chemin pour éviter de retourner aux véhicules par une nuit trop sombre. La lune est là, presque pleine pour nous éclairer en cas de besoin. Il est 22h20 et nous longeons la lisière. A droite la forêt. A gauche une parcelle de blé qui devra mûrir un bon mois encore avant de pouvoir être moissonné.

 

Une Chouette hulotte hulule et troue le silence de la nuit tombante. Faute de tortue disponible, des lièvres se coursent les uns les autres. Trois ou quatre animaux dans les jeunes plants de maïs. Une fois allongé sur le sol, seules les deux oreilles trahissent leur propriétaire en dépassant de la végétation encore basse.

 

L’obscurité s’épaissit. Les Grenouilles vertes – timides trois heures plus tôt – s’époumonent maintenant en un concert général. Des dizaines, sans doute des centaines de batraciens en pleine activité de vocalises. Et plus si affinité. Des Rainettes vertes chantent elles-aussi. Une voix très forte sans aucun rapport avec leur toute petite taille. Ambiance du marais dans la première heure de la nuit. Les odeurs diffusent. Parfum enivrant du chèvrefeuille en fleur. Souffle de la terre humide.

 

Revenus à notre point de départ, de belles chauves-souris chassent en limite de la forêt. Vol rapide, nerveux. Acrobatiques. Des virages à cent-quatre-vingts degrés. Des piqués dans le vide. Des accélérations folles. Le seul mammifère ayant concrétisé le rêve d’Icare nargue leurs comparses à demeure sur le plancher des vaches. Pas vexés pour deux sous, nous les observons quelques minutes au chant des rainettes.

 

La soirée s’achève sur cet ultime tableau. La douceur perdure. Le ciel se pare peu-à-peu d’étoiles. Notre groupe se sépare après 23h00. Une belle sortie à l’occasion d’une soirée presque estivale. Merci à tous.

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Héron cendré, Grande Aigrette, Blongios nain, Cygne tuberculé, Canard colvert, Faisan de Colchide, Foulque macroule, Mouette rieuse, Sterne pierregarin, Pigeon ramier, Coucou gris, Chouette hulotte, Martinet noir, Martin-pêcheur d'Europe, Pic épeiche, Hirondelle rustique, Loriot d'Europe, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Locustelle tachetée, Rousserolle effarvatte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux

 

Mammifères :

Lièvre d’Europe

 

Amphibiens :

Grenouille verte, Rainette verte

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