78
4 juin 2019
Après la pluie, le beau temps !
Le soleil descend…
Lorsque le ciel s’ouvre en deux en fin d’après-midi pour déverser des millions de litres de pluie, la joie que nous nous faisons de nous retrouver en soirée à Montfort-l’Amaury pour une balade à la tombée de la nuit s’amenuise quelque peu. Le tonnerre gronde. Les vitres tremblent. Le ciel arbore une couleur d’encre.
Orage : ô désespoir !
Nous décidons de suivre les prévisions météorologiques, optimistes – une fois n’est pas coutume. La cellule orageuse – violente – devrait être de courte durée et s’évacuer vers le nord avant que nous ne nous mettions en marche. La balade est maintenue.
A 19h45, au point de rendez-vous, le ciel est dégagé. De lourds nuages roulent encore dans le ciel mais tendent à se disperser. Le vent léger n’a plus rien de commun avec les folles bourrasques qui malmenaient les arbres deux heures plus tôt. On scrute le ciel. On ergote sur la tendance des trois heures à venir. On se rassure et on se met en marche.
Confiants !
Le long du grand parc que nous longeons au début du parcours, des oiseaux très actifs vaquent à leurs occupations vespérales. Les Etourneaux sansonnets arrivent avec le bec chargé de nourriture. Leurs nids, dissimulés dans une cavité – d’un arbre, d’un vieux mur –, contiennent des jeunes affamés et braillards. Les parents sur les dents et probablement sur les genoux multiplient les allers-retours pour contenter tout le monde. Mais les rations sont toujours trop pettes et les adultes repartent sitôt les provisions distribuées. Les Pinsons des arbres chantent. Plus pour attirer les femelles – cette affaire-là est chose réglée depuis plusieurs semaines – mais pour signaler aux voisins que le territoire n’est pas vacant et qu’il sera défendu en cas d’intrusion. Le Pouillot véloce égraine son fameux « Chif-Chaf-Chif-Chaf » répété à l’envi. C’est l’un des chants les plus caractéristiques de l’avifaune francilienne. Aisé à reconnaître et audible partout qu’on soit en forêt, dans un parc urbain ou dans son jardin à la campagne.
Le vent faiblit rapidement pour cesser tout à fait. L’air désormais immobile reste d’une grande douceur malgré le soir qui avance. Le petit étang au bord duquel nous débouchons est d’huile. Pas une ride ne trouble la surface. Des Foulques macroules et des Canards colverts s’inquiètent à notre arrivée. On tend le cou. On devient nerveux. Certains canards s’envolent, tournent une minute au-dessus des environs et posent à nouveau une fois tranquillisés. Un Héron cendré au long bec emmanché d’un long cou arpente la berge. Nous surveillant, il décolle et s’éloigne d’un vol nonchalant.
Le Rossignol philomèle s’époumone depuis les profondeurs d’un bouquet de prunelliers. Des vocalises d’une grande richesse. Des envolées lyriques. Des chutes de notes roulées. Des mélodies sifflées, pleines et jetées aux environs d’une voix de stentor. Un virtuose ! Des Fauvettes apprécient ces mêmes milieux touffus, foisonnants de verdure. Trois espèces donnent de la voix depuis le couvert d’un réseau de haies. La Fauvette à tête noire au chant mélodieux terminé d’un forte typique. La Fauvette des jardins au chant monocorde et ne semblant jamais devoir s’achever. La Fauvette grisette au chant très court, plus grinçant que celui de ses deux copines. Dans la même famille, l’Hypolaïs polyglotte entonne lui aussi un tour de piste. L’hypolaïs est une espèce très frileuse et l’un des derniers migrateurs transsahariens à revenir en Europe pour nicher. En Ile-de-France, les premiers oiseaux apparaissent avec les derniers jours d’avril. Le gros du contingent une bonne dizaine de jours derrière.
Et la nuit reprend ses droits…
A 21h00, notre groupe marque une pause afin de casser la croûte. Autour de nous un bocage verdoyant. Des haies. Des trognes de saules. Une mare. Des prés pâturés par quelques dizaines de moutons blancs. Au fond, le village des Mesnuls porte ses toits au-dessus de la cime des arbres. Un Pigeon colombin chante dans le houppier d’un bosquet de chênes – des Chênes pédonculés identifiables à leurs feuilles sessiles. Le Coucou gris permet aux débutants de sortir la tête de l’océan de chants qui se mêlent depuis le début de la sortie. Voici un chant connu de tous. L’oiseau chante moins qu’en avril et mai. Ne construisant pas de nid, il se contente de déposer son œuf dans le nid d’une autre espèce. Pas de progéniture à nourrir. Pas de territoire à défendre. Les adultes repartiront en Afrique avant la fin du mois de juin.
Parmi les pattes des ovins, des oiseaux noirs déambulent et picorent le sol en quête de nourriture. Corneille noire ou Corbeau freux ? Car si ces oiseaux charbonneux sont tous des corbeaux pour le commun des mortels, le Corbeau freux reste un oiseau peu commun et localisé à cette saison autour des colonies au sein desquelles ils nichent. Les probabilités de rencontre, en très nette faveur de la Corneille noire, doivent être maniées avec prudence. Car une grande corbeautière est installée depuis plusieurs dizaines d’années à Montfort-l’Amaury. Un examen attentif des oiseaux révèle que dans la parcelle devant nous les deux espèces – de même taille – sont mélangées. La corneille au front fuyant et au bec noir et épais. Le corbeau au front abrupt et au bec gris pâle, long et plus pointu.
La lumière baisse rapidement. L’église des Mesnuls sonne vingt-deux coups. Quelques nuages anthracite habillent encore l’horizon. Les silhouettes des tours d’Anne de Bretagne se découpent sur un ciel paré de rose violacé, d’orange et de nuances de rouge. Les derniers oiseaux diurnes jettent l’éponge et quittent la scène pour se glisser sous la couette. D’autres jouent les prolongations. Ici encore le babillage d’une Alouette des champs, le bourdonnement d’une Locustelle tachetée. Là, un Merle noir, une Grive musicienne ou bien un Rougegorge familier. Une bande de Martinets noirs nous survolent bruyamment. Sauf pour nicher, les martinets ne posent pas et restent dix mois de l’année les ailes ouvertes, se nourrissant, dormant et copulant en vol. Les parents d’oisillons passent la nuit au nid. Les autres s’apprêtent à monter en altitude – jusqu’à deux ou trois mille mètres – pour ne redescendre que le lendemain matin au lever du jour.
Peu à peu l’activité décroît.
Le monde de la nuit s’éveille. Des batraciens, peu loquaces dans la journée, s’excitent maintenant que l’ombre s’épaissit. Des Grenouilles vertes par dizaines chantent dans l’eau du petit étang vers lequel nous revenons. Un concert extraordinaire à la faveur de la douceur de cette soirée printanière. Une Perdrix grise chante brièvement : un baroud d’honneur avant de se retirer. Pas de chouette. Les oiseaux – qui nichent tôt – élèvent maintenant leurs jeunes et demeurent discrets afin de ne pas attirer l’attention de prédateurs éventuels sur leurs jeunes encore très vulnérables.
L’air s’est rafraîchi et nous avons passé les vestes que nous avions glissées au fond de nos sacs à dos. Pas un souffle d’air. Le ciel, lavé de tout nuage, s’illumine peu à peu d’étoiles. Il est presque 23h et les rues de Montfort sont vides à notre retour aux véhicules. Vide d’humain car d’autres animaux profitent justement de cette désertion pour mettre le nez dehors. Comme ce hérisson qui sur ses courtes pattes traverse rapidement la rue dans la lueur orangée d’un réverbère.
Le groupe se sépare sur cette ultime rencontre. Heureux de ne pas s’être laissé intimider par les orages de l’après-midi. Heureux d’avoir passé ensemble cette soirée dans la belle campagne montfortoise.
Liste des espèces
Oiseaux :
Héron cendré, Bernache du Canada, Canard colvert, Faucon crécerelle, Perdrix grise, Faisan de Colchide, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Coucou gris, Martinet noir, Pic vert, Pic épeiche, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre, Corneille noire, Corbeau freux, Pie bavarde, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rossignol philomèle, Rougequeue noir, Tarier pâtre, Merle noir, Grive musicienne, Locustelle tachetée, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Serin cini, Pinson des arbres, Bruant jaune
Mammifères :
Hérisson d’Europe
Amphibiens :
Crapaud commun, Grenouille verte
Libellules :
Agrion jouvencelle