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01 mai 2019
Eaux et forêt…
Nature dans la brume…
La nature s’est ce matin éveillée sous une chape de plomb. La tête dans les nuages. Les pieds humides de rosée. La température, fraîche, n’empêche pas les oiseaux de s’activer tout autour de nous. Les Verdiers d’Europe paradent en tout sens. Chantent, volent, se poursuivent. Un Serin cini nous jette son babillage accéléré depuis une antenne de télévision. Un Bruant zizi au chant oscillant nous salue à son tour.
Dans le ciel, le disque solaire joue avec les bancs de brumes. Disparaît et réapparaît tour à tour. Mais la lumière baisse progressivement. Le brouillard s’épaissit et abandonne les tons chauds, ocres de la lumière matinale pour des teintes plus britanniques.
Ambiance austère des débuts de journée humide.
Le groupe se met en marche. Les premiers buissons sont cacophoniques. Une quinzaine d’oiseaux s’époumonent à couvrir la voix des voisins. Trois ou quatre Rossignols philomèles aux vocalises d’une richesse inouïe. Des notes flûtées, montantes et flirtant avec le ciel. Des descentes vertigineuses. Des staccatos poussés d’une voix de stentor. Un virtuose en Europe occidentale dont la langue française s’est approprié le nom.
A juste titre.
Des Fauvettes des jardins, des Fauvettes à tête noire et des Fauvettes grisettes mêlent leurs strophes. Les dissocier les unes des autres est le premier exercice avant d’apprendre à les distinguer : les points communs d’abord, puis ce qui nous permet de les distinguer pour nommer les chanteurs. L’Alouette des champs, elle, nous toise à une vingtaine de mètres de hauteur. Battements d’ailes rapides pour un vol nuptial au-dessus de son fief en poussant une mélodie semblant ne jamais devoir s’achever.
Silhouettes sombres d’arbres trouant les nuées. Végétation ruisselante de l’humidité en suspension dans l’air. Toiles d’araignée perlées d’une multitude de fines gouttelettes. Les Pissenlits en graines scintillent en contre-jour sous la légère lumière qui parvient à filtrer à travers la crasse. Paysages couverts d’un voile terne décolorant chaque parcelle du vivant. Les regards ne portent plus qu’à quelques hectomètres.
Atmosphère intime.
Parvenus au bord de l’eau, les étangs se dissimulent eux aussi. Le chant explosif de la Bouscarle de Cetti troue tout à coup le silence ouaté. Un Héron cendré pêche, immobile, le regard rivé sur l’onde et le bec prêt à harponner tout poisson s’approchant de façon exagérée, inconscient du danger. Deux Sternes pierregarins passent au-dessus de nos têtes de leur vol chaloupé. Deux Coucous gris se répondent tandis que les Rousserolles effarvattes – petit passereau de couleur brune – chantent depuis les roselières.
Alors que nous longeons la lisière d’un bois, la lumière augmente progressivement. La brume se déchire lentement. Les silhouettes deviennent plus nettes. Les couleurs plus soutenues. Les contre-jours excitent nos appareils photos. La marche est lente tant nous nous émerveillons du monde que nous traversons. Le jaune d’or des genêts en fleur. Les rayons du soleil découpant les toutes jeunes feuilles. Un Citron butinant une fleur de Pissenlit – ton sur ton. Un Pinson des arbres à la poitrine lie de vin surveillant son domaine depuis une branche nue d’une haie.
Le chemin – qui court à nouveau en sous-bois – s’élargit. La voûte végétale s’ouvre, s’écarte et laisse apparaître un bâtiment de petite taille. Une sorte de cube dépourvu de toiture. Le pavillon de l’Empereur érigé au début du XIXe siècle servait à Napoléon lors de ses parties de chasse en forêt. Aujourd’hui en ruine, il attend une restauration devant empêcher l’eau de pénétrer ses murs.
Le soleil finit par prendre le dessus…
Et la lumière fut !
La chaleur achève de dissiper les nuages. La brume qui s’étiole laisse place à un ciel bleu quoiqu’un peu laiteux. La lumière diaphane – si belle pour les photos – s’évanouie au profit d’un soleil cru écrasant les nuances. Tout devient ombre ou trop violemment éclairé.
Mais le changement de temps ouvre également des possibilités. Car la macrophotographie se révèle très gourmande en lumière. Car pour obtenir une grande profondeur de champ, elle impose de diaphragmer de façon importante tout en gardant une vitesse d’obturation suffisante pour ne pas risquer un « flou de bouger ».
« Ski n’est pas toujours évident » comme se plaisait à le répéter Luc Alphand.
La très belle orchidée poussant sur le bord du chemin nous permet de tester le mode « macro » de nos joujoux électroniques – nos joujoux extras qui font crac boum hu. Un bel Orchis mâle au label violacé, réhaussé de blanc. Photo de profil. En pied. De face. Détails…
Et tandis qu’un Pouillot siffleur égraine ses trilles depuis le taillis sous futaie derrière nous, une petite Grenouille agile sautille dans l’herbe. Une peau humide et rousse. Un masque noir sur l’œil et les tempes. De nouvelles photos enrichissent le reportage de cette journée des plus intéressantes. A peine quelques mètres plus loin, ce sont une Mouche-scorpion (Panorpe) et une Panthère (un papillon de nuit jaune et noir) qui attirent nos regards ainsi que nos objectifs.
Le rythme de la marche se ressent de ces nombreuses observations. Et l’un des estomacs se plaint depuis quelques temps que la pause déjeuner tarde à l’excès. Nous allongeons donc le pas. Longeons une parcelle de colza en fleurs, si belle qu’on en a la larme à l’œil. Des papillons volettent de droite et de gauche. Posent sur une fleur, butinent, décollent à nouveau et zigzaguent jusqu’à la suivante. Des Citrons. Des Aurores – ce beau petit papillon orange et blanc. Des Tircis…
Peu avant 14h, nos pique-niques viennent enfin réconforter nos ventres creux. Une digue. Un étang devant nous. Un autre derrière. Du soleil ou de l’ombre selon les goûts. La chaleur monte. Des couches de vêtement fondent et trouvent refuge dans nos sacs. La pose est goûtée à sa juste valeur. Jumelles et appareils photos à portée de main car la nature facétieuse profite souvent de notre relâchement pour abattre ses cartes – belote, rebelote et dix de der.
Et justement, une libellule de petite taille passe à nos pieds. Poser le sandwich sans quitter la bête des yeux. Repérer la feuille sur laquelle elle s’est posée. Attraper l’appareil. Avancer en douceur. Assurer un ou deux clichés – car on ne sait jamais – et avancer dans l’espoir d’améliorer le résultat déjà obtenu.
Une demoiselle.
Qualité ne présageant en rien du sexe de l’animal. Car en l’occurrence il s’agit d’un mâle. « Demoiselle » est le terme générique désignant les zygoptères – terme barbare regroupant tous les odonates de petites tailles, au corps grêle et repliant généralement leurs ailes une fois posés. Ptérostigma bicolore (cette petite tache colorée sur l’aile). Abdomen noir cerné d’un anneau bleu ciel sur le huitième segment.
Une Ischnure élégante.
Nous découvrons plusieurs individus. En plus du mâle mature, plusieurs autres apparaissent de couleur brune – très claire, presque transparente. Avec des ailes brillantes, encore humides. Il s’agit de très jeunes individus venant d’émerger. A la fin de son cycle de vie, la libellule encore au stade de nymphe rompt avec l’existence aquatique et sort de l’eau. Elle émerge et grimpe le long d’une herbe, d’une brindille et s’y cramponne. L’exosquelette se craque puis s’ouvre libérant l’adulte qui déploie et sèche ses ailes avant de prendre son premier envol.
La randonnée reprend. Progression le long d’un étroit chemin traversant un taillis dense de chênes. De petits arbres d’une dizaine de centimètres de diamètre. Serrés. Au sol, des feuilles de muguets, dispersées. En ce premier jour du mois de mai, nous nous mettons en quête de quelques beaux brins. Pas pour les cueillir. Nous les laissons s’épanouir, monter en graines et régénérer une espèce souffrant d’un ramassage excessif. Simplement une belle photo à joindre à un SMS…
Plus loin, dans une grande futaie, un sifflement des plus harmonieux retentit. Puissant. Se propageant à la ronde au-dessus de la forêt. Un Loriot d’Europe. Un bel oiseau de la taille d’un merle, à la livrée jaune très soutenu, tranchant avec des ailes noires de jais. Mais le soliste demeure invisible. Et nous devons nous contenter du concert.
Le ciel voilé diffuse maintenant une lumière blanche. La forêt croule sous une verdure luxuriante. Mille teintes de vert tendre, gorgées d’humidité. Quittant le sentier et pénétrant profondément dans une parcelle, notre groupe se trouve tout à coup au pied d’un arbre colossal. Le chêne de la voûte – tel est son nom de baptême – se dresse seul au centre d’un jeune taillis qu’il toise non sans une certaine morgue. Les gringalets vivent dans son ombre. Forment un parterre humble autour du monarque. Un fut haut et large – 4.65 m de circonférence. Puis une forêt de branches épaisses comme dix courtisans.
La balade s’achève au terme d’une quinzaine de kilomètres. Une balade particulièrement diversifiée, entre forêt, étangs et lisières. Une balade riche en espèces avec de nombreux oiseaux et papillons ainsi que les premières libellules. Une balade réunissant quelques passionnés au meilleur de leur forme – on a bien ri !
Liste des espèces
Oiseaux :
Grèbe castagneux, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard colvert, Buse variable, Faisan de Colchide, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Chevalier guignette, Mouette rieuse, Sterne pierregarin, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Coucou gris, Martinet noir, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Alouette des champs, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre, Loriot d'Europe, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rossignol philomèle, Rougequeue noir, Merle noir, Grive musicienne, Bouscarle de Cetti, Rousserolle effarvatte, Hypolaïs polyglotte, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Fauvette grisette, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Pouillot siffleur, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Bergeronnette grise, Bergeronnette printanière, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Serin cini, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant zizi, Bruant des roseaux
Papillons de jour :
Piéride de la moutarde, Piéride du navet, Aurore, Citron, Tircis, Procris (Fadet commun), Robert-le-diable (C-blanc)
Papillons de nuit :
Panthère
Libellules :
Ischnure élégante
Amphibiens et lézards :
Rainette verte, Grenouille verte, Grenouille agile, Lézards des murailles
Orthoptères :
Grillon champêtre, Grillon des bois
Orchidées :
Orchis mâle