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16 mars 2019
Le printemps s’invite discrètement…
L’hiver…
Mars : le dieu de la guerre dans la mythologie romaine. Le dieu de la violence. Celle des éléments qui agitent cette période de l’année. Le choc des Titans, le combat du printemps, la résistance de l’hiver. Une période de transition d’une immense richesse.
Lorsque la sortie débute, l’hiver – installé – ne semble rien devoir lâcher. Une chape de grisaille aux cinquante-et-une nuances de gris recouvre la nature. Lumière basse, terne. Paysages décolorés, comme vidés de leur substance. Les contrastes ne survivent que dans nos souvenirs…
Les Cygnes tuberculés, les Grandes Aigrettes, les Grands cormorans, les Foulques macroules ou encore les Canards chipeaux restent dans le ton : du blanc, du noir, du gris. L’étang est un miroir. Pas une ride ne trouble la surface. Les roseaux diaphanes n’ont pas un mouvement. On attend le retour du soleil. Qu’une franche lumière troue cette crasse et pare les lieux de faste.
Pourtant bon nombre de passereaux chantent déjà. La saison avance mine de rien. Et les oiseaux en ont conscience aussi surement que s’ils avaient le bec sur le calendrier des postes – celui tout plein d’images que le facteur apporte au mois de décembre. L’Accenteur mouchet s’époumone, perché sur une fine branche au sommet d’une haie d’aubépine. Le Verdier chante au vol, tournant autour de son pré-carré. La voix forte de la Sittelle torchepot porte à des centaines de mètres, tout comme le rire explosif du Pic vert.
Un « psiii » aigu tombe tout à coup du ciel. Une Grive mauvis. Au moins une. Une espèce nordique remontant nicher en Scandinavie ou en Russie. Une des dernières à trainailler encore dans le coin. La plupart de ses congénères ont profité de l’exceptionnelle douceur de février pour plier bagage. Mais les oiseaux ont des points communs avec les humains. On trouve des petits nerveux qui ont toujours un temps d’avance sur tout le monde. Le peloton qui rassemble le gros du troupeau. Et les gars tranquilles – pas stressés pour deux sous – qui prennent leur temps pour tout. Dame Nature, selon l’humeur du jour, favorise les uns ou les autres. Les avant-gardistes arrivés les premiers s’adjugent les meilleurs territoires pour leur saison de nidification. Mais vivent sous la menace d’un brusque retour de l’hiver. Les trainards eux, ont la sagesse d’attendre que le printemps s’installe pour de bon. Mais doivent choisir parmi les derniers territoires encore vacants. Ou de pousser plus loin, plus au nord, plus à l’est pour trouver une place disponible.
Choisis ton camp camarade !
Le rire aigu du Grèbe castagneux retentit sur la rive nord de l’étang de Pourras. Les oiseaux n’ont rien de discrets à cette saison. Et même s’ils restent invisibles, à couvert dans la végétation aquatique, leur chant les trahit immanquablement. Une flèche bleue électrique zèbre alors le paysage. Un Martin-pêcheur apporte la première touche tangible de couleur.
Comme un signal, une brise venue du sud-ouest se lève et commence à disloquer les nuages. La lumière augmente.
Le printemps…
Pas encore d’azur dans le gris du ciel. Mais des rayons parviennent déjà au sol. Le disque solaire apparaît. Bien pâle au début puis de plus en plus brillant. Les lieux retrouvent leur apparence. Des teintes chaudes s’invitent et piquent maintenant les lieux. Des feuilles de ronces rougies par l’hiver s’allument. Le vert tendre des jeunes feuilles de Chèvrefeuille agrémente un taillis. Le jeune d’or d’une touffe de Ficaires illumine un bas-côté.
Une hirondelle passe au-dessus de nos têtes. Le gorge rouge brique, la queue achevée par de longs filets : notre oiseau est une Hirondelle rustique – la première de l’année. Et même si le dicton populaire prétend qu’elle ne fait pas le printemps, elle nous donne toutefois du baume au cœur. Car les signes ne trompent personne : les beaux jours ne sont plus loin. Et on se prend à rêver de longues soirées d’été, d’un apéritif partagé entre amis à l’ombre d’un arbre, d’une multitude de papillons butinant un pré fleuri.
La brise forcit et a finalement raison de la nébulosité.
Les nuages s’ouvrent. Comme un fleuve gelé lors de la débâcle – les glaces se fragmentent, s’espacent puis se désagrègent, emportées par le courant. Les tâches de lumière parcourent la campagne, dansent au gré des trouées. Sur l’étang, une petite bande de Canards souchets sort des roseaux. Les mâles – excités – paradent. Proche des véhicules où le groupe parvient, un Bruant jaune chante au milieu d’un arbuste. La sortie s’achève dans la promesse d’une après-midi ensoleillée. L’hiver du matin a disparu et laisse place au printemps. Il est 13h00 et les estomacs commencent à se plaindre d’un manque d’attention : l’observation des oiseaux est un passe-temps agréable mais ne nourrit pas. Le groupe se sépare heureux d’avoir pris l’air. Cinquante-deux espèces d’oiseaux contactées : une liste intéressante qui va encore s’étoffer dans les semaines à venir au fur et à mesure des retours des migrateurs partis en Afrique pour la mauvaise saison.
A suivre…
Liste des espèces
Oiseaux :
Grèbe castagneux, Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Cygne tuberculé, Bernache du Canada, Canard colvert, Canard chipeau, Canard souchet, Fuligule milouin, Râle d'eau, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Mouette mélanocéphale, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Martin-pêcheur d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Hirondelle rustique, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rougequeue noir, Merle noir, Grive mauvis, Grive draine, Bouscarle de Cetti, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Pipit farlouse, Bergeronnette grise, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux
Mammifères :
Chevreuil européen (traces), Sanglier (traces)