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26 mars 2019

Ciel, quelle soirée ! 

La lumière descend…

18h45. Après avoir laissé derrière nous les véhicules à l’entrée du village de Poigny-la-forêt, nous pénétrons en sous-bois. Pas un nuage au plafond. Le ciel est bleu mais pâlit déjà de la soirée qui s’avance.

 

Les feuilles sèches de l’automne dernier recouvrent le sentier. Et crissent sous nos pas. Penchés sur le sol, nous trouvons du Chêne sessile, du Charme, du Hêtre et du Tilleul. Et curieusement aucune de Châtaignier. Pourtant, ces grands arbres à l’écorce lisse et brune nous évoquent cette dernière espèce… Nous reviendrons vérifier nos soupçons dès que les bourgeons auront éclos.

 

La Grive musicienne chante à pleins poumons. Un opéra d’une grande richesse. Des strophes toniques. Variées. Alternant les notes de contre-alto et les envolées appartenant au répertoire d’une soprano. Une représentation de la Flûte enchantée avec l’oiseau dans le rôle de la Reine de la nuit. Deux autres espèces poussent volontiers la chansonnette en fin de journée : le Merle noir et le Rougegorge familier. Tous trois emplissent l’espace. La grive sur notre droite au sommet d’un grand chêne. Le merle sur notre gauche probablement perché à mi-hauteur, trois ou quatre mètres au-dessus du sol. Et le Rougegorge dans un arbuste du sous-bois, à l’ombre des géants.

 

Une belle touffe de primevères étale son jaune pâle au-dessus d’un tapis de feuilles.

 

Mais la lumière baisse rapidement. La pendule tourne et l’heure d’hiver qui court jusqu’au week-end suivant joue contre nous. Nous accélérons un peu le pas afin d’atteindre les zones dégagées avant la nuit. Dans la pente, alors que la belle futaie de chênes laisse sa place à des parcelles de bouleaux hauts de cinq à six mètres, une Bécasse des bois traverse l’espace vide au-dessus du chemin. Lâchant deux « psit » à cette occasion et filant à toute volée en direction de l’est.

 

Il est 19h30. La croule vient de débuter.

 

Au carrefour suivant, notre groupe marque un arrêt. Les casse-croûtes sortent des sacs. Le soir tombe davantage à chaque minute. Un Canard mandarin, espèce originaire d’extrême orient et échappé de captivité, passe au vol. L’espèce affectionne les petites mares forestières pour y nicher. Probablement un oiseau en maraude cherchant un coin propice pour s’y établir. Un couple de Canard colvert nous survole ensuite à son tour.

 

Mais les bécasses restent muettes. Pas de nouveau contact depuis l’oiseau ayant ouvert le bal. Les oreilles aux aguets, nous scrutons les ténèbres qui maintenant s’épaississent. Sirius, l’étoile la plus brillante – magnitude de -1.4 – est accrochée au-dessus du layon devant nous. L’étoile alpha de la constellation du Grand Chien brille sans partage. Peu d’étoiles sont pour le moment visibles. Le ciel, encore teinté des couleurs du couchant, noie les lumières du cosmos dans une soupe bleutée.

 

Et un nouveau « psit » retentit. Loin. Sur notre gauche. Passage d’une nouvelle Bécasse des bois qui n’approche pas du carrefour où nous sommes postés. Reste invisible et se contente d’attirer notre attention d’un cri si caractéristique.

 

Le froid tombe.

 

Et la nuit s’installe…

 

La température dégringole et les fermetures éclair de nos anoraks sont remontées jusqu’en haut. Le ciel s’obscurcit. Et devient d’encre. La voûte est maintenant parfaitement étoilée. Un spectacle somptueux. La traînée blanchâtre de la Voie Lactée s’étire du nord au sud. Toutes les étoiles du Grand-Chien entourent maintenant Sirius. A côté, la plus belle constellation de l’hémisphère nord règne au-dessus de l’horizon. Orion – sept étoiles en forme de sablier – irradie de beauté. La ceinture formée de trois étoiles parfaitement alignées. Rigel la bleue – la plus brillante de la constellation – quatre-vingts fois plus grande que notre soleil et quarante mille fois plus brillante que lui. Bételgeuse la rouge au sommet de la constellation.

 

Nous pointons la lunette d’observation sur l’épée d’Orion, un autre petit alignement dans la partie basse du sablier. Là, se cache la très célèbre nébuleuse d’Orion. Un nuage de gaz et de poussières large d’une trentaine d’années-lumière et visible à l’œil nu lorsqu’aucune pollution lumineuse ne vient la masquer. Nous ne pouvons guère observer mieux qu’une masse diffuse, de teintes oscillant entre le bleu et le vert. A l’aide d’un appareil photo et d’une pause longue – et à condition de disposer d’un système d’entrainement pour compenser la rotation de la Terre – des rouges et des roses apparaissent.

 

La planète Mars – de couleur rouge – descend lentement sur l’horizon occidental. Son disque bien visible ne scintille pas. Car contrairement à une étoile qui émet de la lumière, une planète se contente de réfléchir celle du soleil. Eclat fixe. Immobile.

 

Le ciel – très noir – est d’une splendeur inouïe. On lève les yeux sur lui et on peine à les en détacher. Il vole la vedette aux Bécasses des bois – prétextes de cette sortie mais curieusement mutiques ce soir.

 

Curieusement ?

 

Pas tant que cela. Car la soirée est froide. Très froide. Et les oiseaux économisent leurs calories. Certains d’entre nous commencent à piétiner. La chaleur de nos corps trouve des passages à travers nos couches de vêtements pour s’échapper. Une thermos de thé brûlant aurait été appréciée. Après avoir admiré l’amas des Pléiades et le « W » de Cassiopée, nous reprenons notre balade. Bouger nous réchauffera. L’humidité monte du sol et libère dans l’air les odeurs de terre et de sous-bois. Les arômes de la forêt. La buée de nos souffles vient troubler le faisceau de nos lampes. Volutes de vapeur – souvenirs pas si lointain de l’hiver laissé derrière nous.

 

Nos éclairages artificiels jettent sur le chemin des lumières crues, blanches. Et son lot d’ombres dansantes. Nous tentons des photos d’arbres volés à la nuit. Des silhouettes nues, encore dépourvues de feuille. Fantomatiques. Spectrales. Tests de temps de pause. Peu de résultats. Balbutiements à confirmer…

 

Le hululement d’une Chouette hulotte troue tout à coup le silence à bâbord. Un son clair qui résonne dans la nuit. Les cris grinçants d’une femelle répondent au chant du mâle. Monsieur et madame s’appètent à convoler en justes noces. La nidification bat son plein pour cette espèce nichant tôt en saison. Sur le trajet du retour, des mouvements d’animaux animent le sous-bois. Bruits de pas foulant les feuilles sèches. Chevreuils ou sangliers qui prennent la tangentes et s’éloignent dans le noir. Le son sans l’image.

 

Et c’est le retour sur la lisière. Les terrains cernés de grillages. Les premières maisons un peu plus loin. Et le village qui reparaît devant nous. La forêt fut silencieuse et la balade calme. Les derniers frimas résistent encore et toujours à l’arrivée inexorable du printemps et ont anesthésié la nature. Mais ce même froid a également purifié l’air nous offrant un ciel éblouissant !

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Héron cendré, Canard colvert, Canard mandarin, Faisan de Colchide, Bécasse des bois, Pigeon ramier, Chouette hulotte, Pic épeiche, Corneille noire, Choucas des tours, Mésange bleue, Mésange charbonnière, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Accenteur mouchet, Étourneau sansonnet, Verdier d'Europe

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