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30 mars 2019

Une randonnée printanière 

Un début en fanfare…

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Bien peu prédisent l’avenir. Certains s’y essaient – avec un succès mitigé. On prononce des vœux, placent nos espoirs en telles ou telles choses. Prie notre bonne étoile. Nous sommes à l’occasion déçus. Et parfois, le hasard dépasse nos attentes.

 

Au point de rendez-vous, un franc soleil règne sans partage dans un ciel bleu sans nuage. Le fond de l’air, encore frais, promet une journée d’une grande douceur. Ne pas trop nous couvrir. Prendre de l’eau en suffisance.

 

Les chants d’oiseaux nous parviennent de toutes les directions. De chaque arbre. Se mêlent les uns aux autres en un concert d’une richesse telle que notre ouïe peine à les individualiser. A tous les identifier. La mélopée du Rougegorge familier. Le staccato du Pouillot véloce. La voix tonitruante du Troglodyte mignon. La mélancolie du Merle noir. La cantate de la Grive musicienne.  

 

Et dans le brouhaha, les célèbres notes du Coucou gris…

 

« Cou-cou… Cou-cou… Cou-cou… » Dans la forêt lointaine, on entend le coucou. Perché en haut de son grand chêne, il salue le printemps et nous prévient de son arrivée. Plus que toutes les autres espèces – hirondelles comprises – le coucou annonce le retour des beaux jours, du soleil, de la douceur, des longues balades, des pique-niques sur une nappe à carreaux et de l’apéro entre amis à l’ombre d’une tonnelle. Un baume au cœur. Qui réchauffe nos articulations engourdies par l’hiver.

 

La balade débute sous les meilleurs auspices !

 

Notre chemin longe la lisière. Les belles demeures de Grosrouvre à notre gauche. Un taillis dense à droite duquel s’élève le chant du Pouillot fitis. Encore un nouvel arrivant, récemment revenu d’Afrique et que nous entendons pour la première fois de l’année. Partout la végétation démarre. Un camaïeu de verts tendres colore le sous-bois. Aubépines, Chèvrefeuilles, Charmes, Marronniers débourrent. Les bourgeons éclatent sous la chaleur des rayons du soleil. Les feuilles aux tiges encore collantes se déplient, s’étirent. Et certaines s’étalent déjà, entamant leur boulot de photosynthèse. Transformant les minéraux de la sève brute en sucres transportés par la sève élaborée dans chaque recoin de l’arbre.

 

Le contre-jour du matin illumine la forêt. Le chemin que nous suivons est un tunnel de lumière. Le feuillage scintille. De nombreuses traces de sabots marquent le sol. Des biches hantent les lieux. Plusieurs. Traces relativement fraîches. Peut-être nous observent-elles alors que nous jetons des regards alentours. Mais rien ne bouge. Du moins au sol, car dans un grand hêtre, deux Pics mars se poursuivent. Le mâle chante fréquemment. Très excité. La femelle lui donne probablement du fil à retordre. Se laisse désirer.

 

Mais monsieur sait ce qu’il veut !

 

Un Pipit des arbres émet alors son trille descendant. Nous écoutons – très attentif – pour confirmer notre identification. Car c’est encore une première annuelle, l’espèce arrivant d’Afrique dans les premiers jours d’avril. Oui : la parade recommence. L’oiseau décolle d’une haute branche, s’envole haut en chandelle avant de retomber lentement, comme en parachute en chantant.

 

Tout à coup, un mouvement en sous-bois !

 

Notre regard est soudain attiré par des animaux zigzaguant entre les arbres. Courant sur nous et bifurquant après nous avoir aperçus. Une vingtaine de cervidés. De grande taille. Des biches et de jeunes animaux. Fuyant devant deux chiens en liberté et rattrapés par leur instinct de chasse. Des setters au pelage soigné. Sans doute des promeneurs ne tenant pas leurs animaux en laisse, les laissant divaguer à leur guise. Nous goûtons le spectacle, conscient de notre chance de croiser les cervidés. Mais la situation éveille aussi du dépit et de la colère.

 

Plus loin, c’est un chevreuil qui croise notre route. Leste, il franchit le sentier de deux ou trois bons.

 

Nous marchons notre petit bonhomme de chemin et parvenons au bord du plateau de Montfort. A nos pieds, le sentier plonge dans le vallon. La pente est courte mais raide. La descente : prudente. Penché sur le ruisseau, un pêcheur taquine les truites locales. Sur notre gauche, de grands conifères chatouillent le bleu du ciel. Immenses, Droits comme des « I ». Leur feuillage évoque un arbuste connu… Mais nous peinons à les nommer. Ou plutôt, nous hésitons. Car leur taille semble incongrue avec celle que nous leur connaissons. Nous devons toutefois nous rendre à l’évidence. Ces grands arbres adultes sont bien des thuyas.

 

Une forêt de thuyas.

 

Après la descente suit la montée. Une pente presque aussi raide. Mais cette fois la gravité, au lieu de nous aider, joue contre nous. Les cuisses travaillent. Les mollets aussi. Nos rythmes cardiaques s’accélèrent. La température de l’air est presque chaude au milieu de l’effort.

 

Les papillons – omniprésents – volent sans cesse autour de nous. Des Citrons pour l’essentiel. Mais nous observons quelques Robert-le-Diable et un Paon du Jour. En haut de la côte, la pause s’impose. On reprend son souffle. On passe un rapide coup de téléphone qui ne peut attendre. On boit un coup. On ôte une couche textile… L’attention se relâche.

 

Au moment de repartir, une remarque presque anodine met le feu aux poudres. « Un grand papillon. Très sombre avec le bord des ailes jaune. Il a décollé du bouquet de bouleaux et s’est éloigné par-là ».

 

L’arrêt cardiaque est évité de peu.

 

La chance est décidément avec nous…

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La description correspond au Morio. Un papillon si caractéristique qu’on imagine mal une quelconque confusion avec une autre espèce. Une des espèces les plus rares d’Ile-de-France dont il n’est observé au mieux qu’un ou deux individus chaque année sur l’ensemble de la région. Classé en danger sur la liste rouge des papillons franciliens, le Morio est un Graal que nous n’espérions même plus rencontrer !

 

La recherche s’organise. Le long du chemin qu’il a suivi. Fouillant le sous-bois du regard. Levant les yeux vers les têtes de bouleaux très présents dans ce secteur. Fébrilité. L’adrénaline est sécrétée de façon pulsatile. A haute dose. Le cœur repart à la hausse mais cette fois le dénivelé n’y est pour rien.

 

« Là ! »

 

Notre bonne étoile se montre généreuse : elle nous épargne l’intense frustration de manquer l’espèce de l’année 2019 ! Un magnifique Morio – l’identification est confirmée – vole puissamment entre les branches des jeunes bouleaux. Se pose un instant mais s’élance à nouveau dans l’air avant que les appareils photos aient pu le saisir. Avec tous les yeux braqués sur lui, le Morio s’éloigne sans imaginer l’intensité des sentiments que son apparition suscite. L’insecte s’élève et disparaît dans les houppiers des grands chênes. Nos recherches restent vaines. Heureux d’avoir observé ce papillon légendaire. Un peu déçus de ne pas avoir pu le photographier et de ne pas rapporter une belle image pour le compte-rendu.

 

Tant pis !

 

La déconvenue cède rapidement la place à l’euphorie. Et la balade se poursuit dans une ambiance cotonneuse. Les résineux ont remplacé dans le paysage les feuillus. Les Mésanges huppées volettent de branche en branche. Les Pouillots véloces chiff-chaffent un peu partout. Avec les Rougegorges familiers, ils sont les oiseaux qui demeurent encore actifs à l’approche du déjeuner. Une Mésange noire chante depuis un Pin sylvestre.

 

Midi a sonné depuis une dizaine de minutes lorsque le second effet kiss cool nous tombe dessus. Comme une gifle. Et nous réveille de la douce torpeur qui gagnait à l’approche du repas. Devant nous, à un mètre au-dessus du sol, un second Morio apparaît. Notre bonne étoile se surpasse. Deux individus coup sur coup. Inimaginable !

 

Les appareils photos en main, nous suivons l’insecte qui zigzague autour d’un mélèze. Nous veillons à ne pas l’effrayer. Restons à distance. Cherchons à le cadrer dans le viseur en plein vol. Pour sauver une photo s’il venait à disparaître lui aussi. Mais impossible. Les autofocus ne parviennent pas à l’attraper. Le Morio s’éloigne lentement. Erre une minute autour de nous… et pose sur le sable à moins de cinq mètres.

 

Clic-clac ! Voilà au moins une photo souvenir.

 

Apaisés, nous prenons le temps de nous approcher avec mille précautions. Attentifs à ce que nos ombres ne viennent effrayer ce bijou ailé. Ruses de Sioux. D’autres photos sont prises. Une pour fêter chaque centimètre de gagné. Nous finissons à un mètre à peine. Le Morio étale ses ailes au soleil. Pose patiemment comme s’il avait la conscience de notre joie. Plusieurs dizaines de photos plus tard, nous nous éloignons lentement. La séance achevée, la star s’envole et s’éloigne. Des souvenirs qui resteront longtemps gravés dans nos mémoires.

 

Un très grand moment !

 

Le déjeuner au soleil est joyeux. Il ne manque que les chaises longues et la crème solaire. Ainsi que la carafe de citronnade. Maintenant que nous venons d’y faire de la place, une autre couche de vêtement tombe et achève sa course au fond du sac à dos. Le groupe repart à l’assaut d’une nouvelle pente de sable… pour redescendre presque aussitôt de l’autre côté. La douceur – chaleur – de l’après-midi incite les papillons à voler toujours plus nombreux. Toujours une majorité de Citrons. Mais les Paons du jour, Robert-le-Diable, Vulcains et Petites Tortues pointent également le bout de leur nez.

 

Au détour d’un chemin, et à droite d’un magnifique hêtre, un étang apparaît. Partout, les jeunes feuilles verdissent les frondaisons. Un feuillage encore très léger. Plus une évocation, un saupoudrage. Une renaissance promettant une reconquête verte imminente. Les plantes aquatiques sortent de terre. Ou de l’eau. Des nénuphars s’étalent déjà en surface. Les Iris et les Calta des marais piquent les rives. Au milieu de l’étang, les Foulques macroules se partagent l’espace. Occasionnant des courses poursuites entre voisins, chacun défendant âprement son territoire.

 

Les jambes s’alourdissent. Au pied de l’ultime pente – et pas la moindre – le regard s’élève vers le sommet. Nos yeux trahissent l’envie d’être déjà en haut. Le sable est profond. Merles noirs, Rougegorges familiers, Pouillots véloces et Pinsons des arbres nous encouragent. Sans doute les quatre espèces les plus présentes le long de notre périple. Les véhicules sont bientôt en vue.

 

Encore deux ou trois centaines de mètres et nous bouclons la boucle. Stop.

Une météo plus qu’idéale. Stop.

Une liste d’espèces un peu folle, inespérée. Stop.

Et un groupe très sympathique. Stop.

 

Tiens, encore un Citron !

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Canard colvert, Canard mandarin, Buse variable, Foulque macroule, Pigeon colombin, Pigeon ramier, Coucou gris, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Accenteur mouchet, Pipit des arbres, Moineau domestique, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune

 

Mammifères :

Cerf élaphe, Chevreuil

 

Papillons de jour :

Citron, Morio, Paon du jour, Vulcain, Petite Tortue, Robert-le-diable (C-blanc)

 

Papillon de nuit :

Illégitime (Boudinotiana notha)

 

Lézards et amphibiens :

Lézard des murailles, Crapaud commun, Grenouille agile

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