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17 février 2019

Les arbres du plateau de Montfort 

Les premiers grands arbres…

 

Montfort-l’Amaury. Sur les hauteurs. Au sud en contre-bas, le très beau village masqué par les premiers arbres. Au nord, la lisière du massif forestier de Rambouillet et ses 15.000 hectares de bois domaniaux et de sentiers pédestres. Une vaste surface propulsant « notre » forêt au quatrième rang des plus grands massifs de France.

 

Lorsque notre groupe atteint l’orée de la forêt, le soleil se joue des troncs. Et jette des « gloires » illuminant le sous-bois. Les contre-jours éblouissants, les contrastes saisissants impressionnent les pellicules photos (non, nous ne sommes plus équipés d’appareils photos argentiques… Mais dans le texte, « pellicule » sonne nettement mieux que « carte SD »). Le grand soleil dessine les troncs, satures les teintes de la forêt. Le roux des feuilles racornies par l’hiver. L’or des graminées. Les verts et les rouges des feuilles de ronces. Les bruns et les noirs des troncs. Et le bleu du ciel.

 

La fraîcheur matinale s’estompe rapidement sous l’action de l’astre du jour. Les oiseaux – très actifs – chantent à pleins poumons et tentent de se faire entendre par-delà le brouhaha général. Les vocalises des uns se mêlent à celles des autres. Les oreilles néophytes peinent à distinguer le staccato du Pic mar des sifflements répétés de la Sittelle torchepot. La voix du Pinson des arbres couvre celle de la Mésange bleue. Et tandis que le chant mélancolique du Rougegorge familier résonne dans un buisson proche, celui – mélodieux – de la Grive draine retentit au sommet des houppiers au-dessus de nos têtes. L’apprentissage passe par des exercices d’isolement de chaque chant. De chaque cri. Pour ensuite les associer à une espèce donnée. Et à reproduire l’exercice encore et encore.

 

Le premier arbre remarquable de notre parcours est un Chêne sessile vieux de quelques années. Au centre d’une parcelle forestière, sa masse incroyable saute aux yeux lorsque les feuilles de ses congénères ne le masquent pas. Sa dernière circonférence connue mesurait 4.50 mètres – en 1984. Armés d’un mètre de couturière, trois membres du groupe s’évertuent à rafraîchir la donnée. Un premier pour marquer le point de départ et les deux autres pour déplacer de proche en proche l’outil de mesure long d’1.50 mètre – un peu court pour un géant de cette taille. La mesure s’effectue à 1,30 mètre au-dessus du sol.

 

Le verdict tombe : 5,45 mètres.

 

Quatre-vingt-quinze centimètres de mieux que 35 ans en arrière. Soit trente centimètres de plus sur son diamètre : l’un des plus gros arbres du massif forestier. Un beau bébé que l’on ne peut encercler à moins de trois adultes ayant le bras longs !

 

Dans la ramure des branches, une troupe de Grives mauvis piaillent. Cacophonie de sifflements stridents. Les oiseaux sont en halte pour quelques heures. L’espèce – nordique – remonte principalement vers la Scandinavie et la Russie occidentale où elle niche. Le passage va s’amplifier pour culminer en Ile-de-France au cours de la seconde décade du mois de mars. Puis décroître jusqu’à son tarissement dans les premiers jours d’avril. Pour ne revenir dans notre région qu’à l’automne suivant avec l’arrivée d’octobre.

 

L’arbre le plus impressionnant de la journée apparaît à la mi-journée, peu avant l’heure du casse-croûte – que certains attendent déjà depuis quelques temps. Un arbre immense. Trônant seul au milieu d’un cercle de quelques dizaines de mètres de diamètre. Un tronc colossal, droit comme un « I », sans aucune branche basse. Puis tout à coup, une frénésie de ramifications. Partant en tous sens capter la lumière dans toutes les directions. Un large houppier s’arrogeant toute les précipitations. Un système racinaire probablement en cohérence avec le gigantisme de la partie émergée de l’iceberg. Tant et si bien qu’aucun sous-bois ne peut se développer à son pied. Le Chêne de l'Ascension est un chêne exceptionnel.

 

5,36 mètres de circonférence. Quelques centimètres de moins que notre premier titan, mais une masse et un volume bien supérieurs. Laissant une impression bien plus saisissante.

 

Le soleil donne…

 

Parvenus au bord d’un très bel étang forestier, le groupe s’installe sur une berge de la rive nord. Au pied d’un grand Pin sylvestre et de quelques bouquets de bruyères. En un clin d’œil, les casse-croûtes sortent des sacs. Sandwichs, salades diverses et variées. Qui veut une olive ?

 

L’eau miroite. Une légère brise venue du sud agite la surface. Les herbes ondulent faiblement. Le soleil règne sans partage dans un ciel uniformément bleu. Diffuse ses rayons sur la forêt. Réchauffe nos peaux refroidies des trois mois maussades que nous venons de connaitre – subir. Le groupe lézarde. Peine à s’arracher de cette merveilleuse quiétude. Renonce à l’engourdissement ouaté d’une somnolence au soleil. Se remet sur pied et reprend le chemin de randonnée une fois le repas terminé.

 

L’après-midi est douce.

 

Dans la pente qui nous ramène sur le plateau, nous observons notre premier papillon de l’année 2019. A une date classique pour un tel événement. Un grand papillon jaune vif. Volant rapidement entre la végétation.

 

Un mâle de Citron.

 

Une tache de couleur vive dans un océan de végétation roussie par le froid. Une tache de printemps au milieu de l’hiver. Un zeste d’excitation à la perspective du retour des beaux jours. Deux autres papillons sont découverts peu après. Une Petite Tortue d’abord – aux ailes orangées et un Paon du jour qui se laisse copieusement observer.

 

Parvenu à un vaste carrefour, le groupe s’installe autour d’une grande table circulaire en pierre. Cernée par des bancs – en pierre également – solidement ancrés dans le sol. La table du roy était dressée pour le déjeuner de Louis seizième du nom, avant et après la chasse au grand gibier. La passion de sa vie. De retour en sa demeure versaillaise, à peine descendu de son carrosse doré, on imagine Marie-Antoinette le réprimander gentiment « Mais mon ami, ces parties de campagne vous feront perdre la tête… Vous verrez ! »

 

Sur le retour – la dernière portion de la boucle – des traces de biche marquent profondément le sol meuble. L’animal a visiblement suivi le même chemin que nous. Et dans le même sens. Récemment. Sans doute la nuit précédente ou la veille. Alors que le compteur kilométrique avoisine les 13 kilomètres, le plus vieil arbre de la forêt de Rambouillet sort de la végétation environnante et se dessine tout à coup sur le ciel. Le chêne Baudet (tous les arbres remarquables portent un nom) a dépassé les 500 ans. Selon les estimations, il est sorti de terre en 1490. Nous sommes alors à la Renaissance. Charles VIII est assis sur le trône de France et n’a pas encore épousé Anne de Bretagne dont les vestiges du château se dressent encore tout près de là sur les hauteurs de Montfort-l’Amaury. François Ier n’est pas né et l’Inquisition ravage encore l’Italie… Ce chêne – âgé de 300 ans lorsque éclate la Révolution française – est aujourd’hui en sursit. Susceptible de tomber à tout moment, son pied est interdit d’accès par un haut grillage. Impossible d’aller mesurer sa circonférence. Probablement plus de 6 mètres. Son écorce, très abîmée, ne le protège plus aussi efficacement des intempéries et des parasites.

 

Sur le bord d’un chemin, un tronc coupé nous permet d’observer les cernes du bois. Et l’alternance des cercles pâles et des cercles sombres. Chaque année, deux cernes sont ajoutés. Le cercle pâle correspond au bois de printemps, très vascularisé, afin d’acheminer de grandes quantités d’eau et de sels minéraux jusqu’aux jeunes feuilles naissantes. Puis le cercle sombre, le bois d’été moins aéré, plus compacte, fabriqué durant la période de repos durant laquelle l’arbre lutte contre la déshydratation estivale. Lorsqu’on compte l’âge d’un arbre à l’aide des cernes, il ne faut donc pas oublier d’en compter deux par année de vie.

 

La randonnée se termine comme elle a commencé : sous un soleil radieux qui n’a décidément rien à envier à celui d’un début avril. Alors que les véhicules apparaissent dans notre champ de vision, un petit parterre de Perce-neige achève la sortie par une dernière touche de poésie. Mis en valeur par une lumière jaunie par la fin de l’après-midi, les fleurs salue notre passage et marque la fin de boucle : 16,8 km en tout. Bravo à la benjamine du groupe : Rachel – du haut de ses onze ans – se révèle une randonneuse aguerrie !

 

Qui finit les olives ?

 

Liste des espèces

Oiseaux :

Bernache du Canada, Buse variable, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive draine, Étourneau sansonnet, Grosbec casse-noyaux, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres

 

Papillons de jour :

Citron, Paon du jour, Petite Tortue

 

Mammifères :

Cerf élaphe (traces), Sanglier (traces)

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