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26 janvier 2019

Une journée de marche

à Grosrouvre 

Matinée lumineuse…

 

Il était une fois un sentier s’enfonçant dans la forêt. Un peu humide mais rien de grave. Plat, pour débuter gentiment la sortie. Des arbres de chaque côté. Immersion au cœur de la verdure. Exactement ce que nous sommes venus chercher.

 

Le ciel lourd de nuages se craquelle pour qu’un rayon de soleil perce et atteigne le sol. La lumière dessine le paysage. Pare d’or les molinies jaunies par l’hiver. Sature les teintes rousses des feuilles flétries du hêtre. Nimbe de contre-jour le tronc du chêne verdi de mousses.

A la fin de janvier, beaucoup d’oiseaux profitent des jours de douceur pour s’activer. Bredouiller pour certains. Chanter pour d’autres. Les mésanges s’activent : bleues, charbonnières et nonnettes sortent de leur léthargie hivernale et profitent des températures positives pour donner de la voix. Les Sittelles torchepots subissent elles aussi une poussée d’hormones et renouent avec leurs réflexes de propriétaires terriens : on pousse la chansonnette afin de prévenir le voisin que le territoire est occupé ; on a l’âme belliqueuse et on raccompagne l’intrus à la frontière. Les pics eux aussi rompent avec leur discrétion des mauvais jours. Un Pic mar chante ici. Un Pic épeiche tambourine là.

 

Alors que nous saisissons dans le viseur de nos appareils photo – ou sur nos smartphone – la beauté de la nature, un bruit trouble le silence. Derrière nous. Dans le fouillis d’une parcelle de chênes et de hêtres. Le bruit d’un mouvement. Un animal se déplace. De belle taille si l’on juge le fracas. Un Cerf élaphe qui reste malheureusement à couvert. Une biche, un cerf ? Impossible de le savoir. Mais le secteur est fréquenté par des animaux : en témoignent les traces relevées sur le sol meuble.

 

Un peu plus loin, ce sont deux chevreuils que nous apercevons sur un layon parsemé d’herbe. Les animaux n’ont pas perçu notre présence, occupés à se nourrir des feuilles de ronce jalonnant les bas-côtés. Les culs blancs des animaux, visibles à l’œil nu, s’éloignent sans hâte, au gré du repas. L’observation aux jumelles est magnifique et se prolonge trois ou quatre minutes. Les chevreuils finissent néanmoins par nous repérer. Mais nullement paniqués, ils se contentent de rentrer dans la parcelle voisine et de s’y dissimuler en attendant que nous passions notre chemin.

 

Après les trois premiers kilomètres de marche, nous abordons les pentes. On nous avait prévenu : la balade du jour nous convaincrait que la forêt d’Yvelines n’est pas un vaste plateau monotone. Des ruisseaux creusent des vallons et serpentent en sous-bois. Les chemins s’inclinent alors, descendant en pentes parfois raides. Et coupant à la remontée les courbes de niveau de façon tout aussi brutale. Les cuisses chauffent. Les rythmes cardiaques s’accélèrent. Les souffles se raccourcissent.

Il est bon de lancer à l’occasion la machine dans le rouge.

 

Dans la première pente, un arbre immense se détache tout à coup sur le ciel. Un tronc monumental. Probablement pas très loin des deux mètres de diamètre. Un fût droit comme un « i ». Puis une explosion de branches jetées en toutes les directions, s’appropriant un volume impressionnant. Foisonnantes. Aussi grosses que des arbres pour la plupart d’entre elles. Au sol, seule une strate herbacée parvient à tirer son épingle du jeu au pied du géant. Le colosse – un Chêne sessile pluricentenaire – a repoussé tous les autres arbres à plusieurs dizaines de mètres. Un arbre figurant parmi les plus beaux du massif forestier de Rambouillet. Figurant sur la liste des arbres patrimoniaux et bénéficiant d’un classement régional.

 

Un peu avant l’heure du déjeuner, le groupe fait une rencontre singulière. Un homme. Seul au milieu des bois. Chaussé de bottes – de sept lieues, tant il abat de kilomètres en une seule journée. Un casque sur les oreilles, un matériel hi-tech et une immense oreille de plexiglas de cinquante centimètres de diamètre. Julien est l’un des spécialistes européens du Bec-croisé des sapins. Un oiseau passionnant et de toute beauté, rare en Ile-de-de-France. L’espèce niche principalement dans le nord de l’Europe ou en montagne et gagne périodiquement le massif de Rambouillet lors de déplacements invasifs pour trouver sa nourriture. L’oiseau est spécialisé dans les pommes de conifères, Epicéas, Pins laricio, Pins sylvestres. Des oiseaux nichent même certaines années dans notre région. Mais Julien est bredouille. Pas d’affamé cet hiver. La table dans le nord est suffisamment garnie cette année. Pas de raison de changer de crèmerie.

 

Une après-midi plus mitigée…

 

Nôtre table à nous se montre également bien pourvue. Salades, sandwichs divers. Et la thermos nous offrant le luxe d’une soupe chaude et d’un thé brûlant. Revigorant même si le froid est peu marqué aujourd’hui.

Mais les muscles se sont raidis durant la pause. Jambes un peu lourdes plombant le kilomètre suivant. D’autant que les deux nouvelles pentes s’avèrent assez raides, dans un sable heureusement tassé par la neige de la semaine passée. Les résineux ont depuis la fin de matinée remplacés les feuillus qui nous ont accompagnés au début du parcours. Des Pins sylvestres pour la très grande majorité. Reconnaissables à leur écorce bicolore, grisâtre à la base et s’éclairant au fur et à mesure que le regard monte vers la houppe pour virer à l’orange dans le tiers supérieur de l’arbre. Le sol sableux favorise une couverture dense du sol par la bruyère. La Callune commune et la Bruyère cendrée se partage le gâteau. Très semblables en apparence mais toutes deux si aisées à distinguer lorsqu’on examine les petites feuilles.

 

Un Geai des chênes râle dans une parcelle voisine. Un cri grinçant, rauque, sans harmonie comme il est fréquent au sein de la famille des corvidés dont il fait partie. Comme les autres membres de la famille – corneille, corbeau, choucas et pie – le geai est omnivore. Il consomme toutefois pour moitié de son alimentation le fruit de l’arbre qui lui a donné son nom. A l’automne, le geai joue les écureuils et constitue des caches en prévision des jours maigres de l’hiver. Emportant les fruits au loin et les oubliant parfois, le geai participe à la dissémination du chêne aux quatre coins de la forêt.

 

Les peuplements se mélangent de nouveau. Des feuillus reparaissent dans le paysage. Une bande de Tarin des aulnes se nourrit dans un bouquet de bouleaux. Comme les mésanges, de nombreux oiseaux sont pendus la tête en bas, agrippés aux rameaux les plus fins et picorant les graines. Cris et chants à droite comme à gauche. Tombant de plusieurs arbres. Notre groupe au milieu. En stéréo. Lorsqu’une autre volée arrive du nord et pose non loin des premiers. Environ quatre-vingt individus répartis dans quelques arbres. Des fruits décortiqués tombe au sol. La brise venant de se lever rabat sur nous ses flocons de végétaux. Les grands pins bruissent au vent.

L’ambiance est à la sérénité. Indifférents à notre présence, les tarins poursuivent leur repas dans la même atmosphère bavarde qu’une école primaire à la cantine. C’est à ce moment que nous découvrons derrière nous un arbre féerique. Un grand chêne presque entièrement recouvert de mousse. Immense silhouette verte au milieu des Pins sylvestres parés d’orange. L’arbre tout droit sorti du monde fantastique de J.R.R. Tolkien nous incite à rechercher la présence d’elfes. Nous n’aurions pas été surpris d’y croisé Gandalf ou un hobbit.

A trois kilomètres de l'arrivée, une variante au parcours initial est votée à l'unanimité. Les jambes sont en forme. Le reste aussi. Et le moral est excellent de cette sortie au grand-air. Qu'importe les quatre ou cinq kilomètres supplémentaires. Il sera bien temps de s'en plaindre revenus aux voitures. Ou en soirée lorsque les muscles auront refroidis et que chaque déplacement se fera en serrant les dents.

La portion de forêt que nous venons d'atteindre est très marécageuse. Pas vraiment l'endroit propice au hors piste. Nous restons sur le chemin en zigzaguant entre les portions boueuses et les portions très boueuses. Beaucoup de bouleaux et d'aulnes dans cette partie et des dizaines de tarins piaillent encore au-dessus de nos têtes. Qu'ils soient posés ou qu'ils passent au vol.

Le ciel est maintenant de plomb. La lumière a disparu. L'impression est hivernale. Des Grives mauvis lâchent leurs cris sifflés, audibles de très loin et si caractéristiques. Un Grosbec casse-noyaux décolle du sommet d'un arbre et s'éloigne à tire d'ailes. Un Pigeon ramier chantonne, insensible à la bruine qui commence à tomber. Nous pressons le pas, craignant que le temps ne se dégrade encore. En haut de l'ultime côte, notre groupe emprunte un sentier empierré qui longe la ligne de crête. L'activité des oiseaux a beaucoup diminué. Quelques Rougegorges familiers crient de loin en loin – un « tac » ressemblant un peu au bruit qu'on produirait en tapant deux silex l'un contre l'autre. Un Troglodyte mignon lance sa strophe tonitruante. Et les Sittelles torchepots continuent à se poursuivre comme elles l’ont fait durant toute cette belle journée forestière.

 

Une petite pluie succède à la bruine mais pour cesser quelques minutes après. La météo aura été correcte, nous laissant entrevoir le soleil en matinée. De belles lumières, une magnifique forêt et nous l’espérons, de belles photos dans la boite à images !

Liste des espèces

Oiseaux :

Canard colvert, Buse variable, Foulque macroule, Vanneau huppé, Pigeon ramier, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Pie bavarde, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Grive draine, Roitelet huppé, Grosbec casse-noyaux, Tarin des aulnes, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Chevreuil européen, Cerf élaphe

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