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9 octobre 2018

Groupe dans la brume 

Couleurs d’automne…

 

En l’espace d’une semaine, la végétation s’est parée de couleurs vives. Les végétaux, sensibles à l’alternance jour/nuit et à la lumière plus basse, se parent d’automne. Des jaunes apparaissent ici. Des bruns là. Tandis que des rouges parsèment le paysage forestier de coups de pinceaux parfois écarlates.

 

Les Fougères aigles, encore mouchetées de vert la semaine passée, ont roussi pour former ce soir un tapis doré. Pins sylvestres, chênes, Sorbiers des oiseleurs, Alisiers torminaux, hêtres mêlent leurs propres pigments et achèvent de brosser un tableau des plus colorés.

 

Mosaïque de saison qui va encore évoluer durant les trois prochaines décades.

 

Au milieu, serpente un sentier de sable. Sous nos pas, les glands innombrables éclatent en un bruit sec. Leur nombre est tel que notre marche s’accompagne d’une bien curieuse rumeur craquante.

 

La forêt souffre toujours du manque d’eau. Plus de pluie significative depuis la mi-juin. Si les grands arbres à l’enracinement profond tirent leur épingle du jeu en puisant les précipitations printanières, d’autres plus petits sont visiblement assoiffés.

 

Des Mésanges huppées au trille caractéristique fouillent les boisements de conifères à la recherche de leur nourriture. Invisibles dans la végétation, les passereaux ne trahissent bien souvent leur présence que par leurs vocalises. Une Mésange nonnette au cri traînant hante une parcelle plus humide, plus fraîche couverte de bouleaux et d’aulnes : elle est la « mésange des marais » comme l’indique son nom scientifique : Poecile palustris. Deux Troglodytes mignons rompent tout à coup le silence du soir. Des voix fortes, puissantes, déferlant loin dans le sous-bois pour l’une des plus petites espèces d’Europe.

 

Et les Rougegorges familiers. Omniprésents.

 

Tout au long de notre parcours, la végétation est ponctuée de cri secs, métalliques. Un « tic », unique ou enchaîné en staccato émis au bas d’un buisson, depuis une branche basse. Ou au contraire un chant mélancolique aux notes flûtées tombant du haut d’un arbre. Les Rougegorges familiers, bien que visibles toutes l’année en forêt de Rambouillet, sont des oiseaux migrateurs. Ou tout au moins erratiques. De nombreux individus descendent chaque automne du nord de l’Europe pour passer la mauvaise saison sous nos cieux. Alors que beaucoup d’oiseaux nichant chez nous partent – eux – plus au sud passer l’hiver dans des contrées plus clémentes.

 

Les rougegorges du nord sont arrivés. Certains vont rester chez nous. D’autres poursuivre leur route plus loin encore. Les mouvements vont rester importants tout le mois d’octobre et durant la première moitié de novembre. Ensuite, nous nous enfoncerons dans l’hiver. Les oiseaux seront moins nombreux. Et plus discrets – économie d’énergie oblige…

 

Alors que le casse-croûte s’organise, les couleurs du coucher du soleil s’estompent peu à peu. Les rouges et les ocres ont cédé leur place à des tons plus froids. Des mauves, des lilas. Des violets. Le bleu du ciel s’assombrit. Et vire progressivement vers le noir. Les premières étoiles apparaissent. Arcturus – l’étoile alpha du Bouvier – s’allume au-dessus de l’ouest. D’une magnitude de -0.04, l’étoile brille de mille feux. La magnitude mesure l’éclat d’un astre. Plus elle basse – et a fortiori négative –, plus l’astre est lumineux. A titre de comparaison, le soleil a une magnitude apparente de -26.8, la pleine lune de -12.6, Sirius (l’étoile la plus brillante du ciel nocturne, dans la constellation du Grand Chien) de -1.4, Véga (l’étoile alpha de la constellation de la Lyre) de +0.03, l’étoile polaire de +2.0. L’étoile la plus faible visible à l’œil nu a une magnitude de +6.0.

 

Jupiter est au ras des arbres. Aperçu entre les sapins et noyé dans les lueurs du couchant. Juste avant que l’horizon n’avale la planète géante, le premier des quatre satellites galiléens apparaît dans la lunette d’observation. Les trois autres n’auront pas le temps d’apparaître dans un ciel encore trop clair.

 

Une chauve-souris chasse les insectes autour des grands chênes sous lesquels nous dînons. Un animal de grande taille volant à trois ou quatre mètres de haut dans la nuit naissante. Peut-être une noctule…

 

Et la brume monte…

 

A 20h10, alors que l’obscurité s’est refermée sur nous, un cerf commence à bramer. Un raire d’abord lointain. Ou plutôt le raire d’un animal nous tournant le dos. Bramant pour les spectateurs d’en face. Dans les minutes qui suivent, l’animal poursuit ses gammes. Sa voix nous parvient bientôt plus forte.

 

Nous choisissons de nous approcher au plus près du cerf. Aussi près que nous le permettent les limites de la propriété privée dans laquelle il se tient. Par un chemin rocailleux, le groupe descend au fond de la vallée. Parvenus au bord du cours d’eau, une brume diaphane se lève. De nombreuses étoiles percent maintenant la nuit.

 

Le cerf poursuit ses exercices. Mais espaçant chaque coup de gueule de plusieurs minutes. Brame sur le déclin. Le rival, qui défiait la semaine dernière encore le baryton de la soirée, se tait. Notre gauche reste silencieuse. Notre droite, moins stimulée, n’exagère pas les efforts. Et se contente de faire savoir à la cantonade que lui ne baisse pas si tôt les bras.

 

La brume s’épaissit et la fraîcheur inhérente pénètre les vestes les moins chaudes. Il est temps de nous remettre en route. Et de remonter dans un secteur plus dégagé pour poursuivre nos observations astronomiques.

 

Dans une lande de bruyères, une brume blanche couvre le sol sur deux bons mètres. Une brume froide. S’écartant à peine sur notre passage. Et se refermant aussitôt derrière nous. La vue sur la voûte céleste est imprenable. Mars irradie sa lumière orangée depuis l’horizon est. Au sud, Saturne et ses anneaux impressionnent ceux qui l’observent pour la première fois. Au zénith, le triangle des belles d’été – Véga, Altaïr et Déneb – nous contemple. Contemplation réciproque lorsqu’une étoile filante raye la nuit, coupant le triangle en deux.

 

Qui a fait un vœu ?

 

La progression reprend. Parvenu à un carrefour, le groupe se scinde en deux. Les plus fatigués rentrent en direction des véhicules par le chemin le plus court tandis que les autres jouent les prolongations avec un détour par le plateau.

 

En haut d’une pente sablonneuse, un poteau de bois se dresse vers le ciel. Autour, plusieurs Sapins de Douglas au tronc massif, toisent le groupe de leurs trente mètres de haut. Des arbres magnifiques, originaires de la côte orientale de l’Amérique du nord. Le chemin longe le rebord du plateau. Le vent – totalement absent en fond de vallée – souffle dans les hauteurs. Les grands conifères sifflent doucement.

 

Après une redescente assez raide, guidés par le faisceau de nos lampes torche, le retour se fait dans une nuit sans lune. Ambiance magique d’une balade nocturne au milieu des bois. Au loin, un cerf continue de bramer.

 

Quatre heures et sept kilomètres parcourus. Un rythme lent qui nous a pleinement permis de nous imprégner de la sérénité des lieux. D’attaquer deux ou trois légendes urbaines – non les points des coccinelles n’indiquent pas leur âge. Nous n’avons croisé aucun humain. Quatre heures seuls au monde. Enveloppés par la forêt. Probablement surveillés par quantité d’animaux – qu’ils soient oiseaux ou mammifères. A deux ou trois reprises nous avons en effet entendu marcher. Des corps jouant la discrétion. Mais frôlant les fougères. Bruissant la végétation.

 

Cette dernière sortie achève pour nous la saison du brame 2018 – cycle de huit sorties depuis le 1er septembre à aujourd’hui. Une belle saison riche en émotions. Et en rencontres… Les sorties nature vont se poursuivre tout l’automne et durant l’hiver prochain. Avec d’autres balades. Et d’autres thèmes…

 

Merci à toutes et à tous !

 

Liste des espèces

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Oiseaux

Bernache du Canada, Canard colvert, Pigeon ramier, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange huppée, Mésange nonnette, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Grive musicienne, Roitelet huppé, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

 

Amphibiens :

Crapaud commun ou épineux

 

Orthoptères :

Grillon des bois

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