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11 septembre 2018

Brame à Saint-Léger 

Le soleil descend sur l’horizon…

 

Il est 18h45 lorsque notre groupe pénètre en forêt. Les jours raccourcissent et le soleil a entamé sa plongée vers l’horizon. L’air immobile et la chaleur de la journée encore palpable donnent à cette soirée un caractère tout à fait estival. La lumière du couchant sature les couleurs. Les verts étincellent, les orangés irradient. Les Pins sylvestres flamboient. Les tons chauds de leur écorce semblent artificiels, peints de façon exagérée par le couchant.

 

Le chemin forestier traverse des milieux très variés. De la pinède homogène et monotone à la futaie de chêne couvrant un sous-bois de charmes et de noisetiers. Accompagnées d’une douce chaleur pour la première, d’une fraîcheur plus marquée pour la seconde. La première heure est une révision de la botanique forestière : le Chêne pédonculé, le noisetier, l’Aulne glutineux, le Sorbier des oiseleurs, le néflier, la distinction entre le charme et le hêtre, celle entre la callune et la Bruyère cendrée…

 

Avec la fin de l’été, les oiseaux demeurés discrets durant les fortes chaleurs de juillet et d’août reparaissent et donnent de nouveau de la voix. Fort peu de chants – le chant est intimement associé à la période de reproduction, à la conquête d’une femelle et à la défense du territoire –, mais de nombreux cris de contacts animent le sous-bois. Cachés dans la végétation, la plupart des oiseaux restent malheureusement invisibles. Mais privés de nos yeux, c’est l’occasion de nous exercer l’oreille : le « tac » sec et métallique du Pic épeiche. Celui plus humide du Pic mar. Le « uit » monosyllabique du Pouillot véloce. Les trilles de la Mésange huppée. La voix forte du Troglodyte mignon qui pointe pourtant au rang des plus petites espèces d’Europe.

 

Mais en toute fin de journée, la forêt connait un « entre-deux » paisible. Un creux de quelques dizaines de minutes durant lequel le silence règne en maître. Les espèces diurnes ont déjà gagné un abri pour la nuit. Les espèces crépusculaires ouvrent un œil et, un regard sur la pendule, s’apprêtent, conscientes que les projecteurs ne tarderont plus à se braquer sur elles. A cette heure, rares sont les oiseaux encore/déjà actifs. Le Rougegorge est l’un d’eux. Son chant s’élève alors – même à l’automne. Ses notes mélancoliques emplissent l’air, s’élèvent seules dans le sous-bois et résonnent à l’oreille du promeneur. Il est à ce moment-là très agréable d’interrompre sa marche, de rester immobile les oreilles attentives à goûter la sérénité de l’instant !

 

Et c’est là qu’une magnifique Aeschne bleue – l’une des plus grandes libellules d’Europe pouvant mesurer 7 centimètres de long – passe au milieu du groupe. Un vol lent au crépuscule. L’insecte chasse fréquemment alors que toutes les autres espèces sont depuis longtemps posées dans la végétation pour la nuit. L’aeschne nous tourne autour. Zigzague un moment, nous approchant à un ou deux mètres à peine. Puis s’éloigne, poursuivant sa quête. La magie demeure, prolongeant l’instant, tandis que certains doutent de l’avoir réellement vécu.

 

A la nuit tombée…

 

A 20h30, alors que le soleil est parti éclairer les steppes de l’Asie centrale chères à Borodine, notre groupe marque une pause en lisière d’une magnifique lande de bruyères. Un bel horizon dégagé pour reprendre des forces. Les sandwichs sortent des sacs pour disparaître presque aussitôt dans nos estomacs criant famine.

 

Un très mince croissant de lune s’éloigne vers l’ouest, courant après le soleil qui le devance de peu. Jupiter brille déjà, seul pour le moment dans un ciel encore clair.

 

Lorsqu’un oiseau approche d’un vol chaloupé, semblant errer au-dessus des bruyères, papillonnant au hasard. Un Engoulevent d’Europe chasse les insectes sans nous prêter la moindre attention. Poussant à peine un cri – un « couac » – l’oiseau tourne durant de longues minutes sous nos yeux. Tantôt avalé par la pénombre qui s’épaissit à chaque minute. Tantôt réapparaissant sous la forme d’une silhouette noire qui se détache parfaitement sur le ciel encore teinté d’ocre.

 

Il est 20h45 : le brame peut débuter à tout moment.

 

Nous devons toutefois patienter encore une dizaine de minutes. Au milieu de la lande pour avoir l’horizon le plus dégagé possible, le groupe s’émerveille de l’observation de Mars. A l’est, la planète rouge brille de mille feux. Saturne, plus lointaine, est moins visible. Au zénith, Véga, Déneb et Altaïr dessinent le magnifique triangle des belles d’été. Alors que trouvons Cassiopée encore terne, un premier coup de gueule se fait entendre derrière nous. A quelques dizaines de mètres. Un coup de gueule unique. Comme au début d’un spectacle pyrotechnique lorsque les artificiers envoient la première fusée : un seul pétard retentissant pour signifier à toutes et tous que l’heure est venue.

 

Le cerf, en chef d’orchestre accompli, procède de même. Le vieux briscard lance la soirée. A son second coup de gueule, un autre animal lui répond. Les deux rivaux vont alors monter dans les décibels. Forcer sur l’organe pour influencer les dames qui – on l’imagine – écoutent les deux virtuoses en se demandant lequel choisir. Puis notre chef d’orchestre pousse de nouveaux cris. Plus un long et puissant raire comme au début. Mais une série de cris brefs. Une sorte de rire. Le contentement du mâle parvenu à ses fins. Le roi plastronne au milieu de ses conquêtes. Le boulot est fait : monsieur n’a plus qu’à choisir l’ordre de passage.

 

Le rival, lui, continue de bramer. Un cerf établi qui rassemble encore son propre harem ? Un cerf satellite qui tente d’évincer le chef pour couvrir lui-même les dames de son attention ? Ou simplement d’attirer à lui quelques miettes, les indécises, les jalouses vexées de l’attention du vieux mâle pour les favorites ?

 

Le groupe se remet enfin en route. Un troisième cerf brame plus loin. Et nous espérons pouvoir nous en approcher. Lampes électriques en main, une file indienne s’organise et retourne à l’obscurité du sous-bois. Les arbres se referment au-dessus de nos têtes masquant le ciel qui se pare d’étoiles toujours plus nombreuses au fur et à mesure que l’ombre s’intensifie. Une Chouette hulotte hulule tout à coup. Derrière nous, les deux rivaux se défient de nouveau. Devant, rien que le silence. Le cerf qui bramait s’est tu. Deux autres brament plus loin encore. Trop loin pour notre groupe. La balade s’allongerait à l’excès. Mieux vaut rebrousser chemin pour retourner écouter la forêt plus à l’est.

 

Le choix s’avère payant. Revenus aux environs des véhicules, trois ou quatre cerfs différents s’excitent tout à coup mutuellement. Ainsi, après trente minutes de calme, le brame connait un second souffle. Les 22h30 appartiennent déjà au passé lorsque ces nouveaux animaux entre dans la danse. Le concert est relancé. Se répondant, se provoquant, les cerfs brament durant de longues minutes. N’observant que de courtes pauses, les raires s’enchainent, se mêlent, à droite et à gauche du sentier.

 

Un final des plus réussi venant clore une bien belle soirée. Au total, ce sont probablement huit ou neuf cerfs que nous avons contactés. Certains de près, d’autres bien plus éloignés. Mais leur brame retentira encore de longues heures dans nos oreilles satisfaites de la représentation.

 

Liste des espèces

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Oiseaux

Pigeon ramier, Chouette hulotte, Engoulevent d'Europe, Pic épeiche, Pic mar, Corneille noire, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Pouillot véloce, Bergeronnette des ruisseaux, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

 

Libellules :

Aeschne bleue

 

Orthoptères :

Grande Sauterelle verte, Grillon des bois

 

Amphibiens :

Crapaud commun

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