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28 septembre 2018

Saint-Léger en coup de vent 

Un bon bol d'air…

 

Ambiance d’automne. Les fougères sont rousses. Les arbres piquetés de jaune et de brun. Mosaïques de couleurs. Le long du sentier, des rondes de mésanges piaillent. Des Mésanges huppées volettent au milieu des aiguilles de Pin sylvestre. Il est malaisé de les apercevoir. Parfois une silhouette se découpe furtivement sur un pan de ciel avant de replonger dans l’invisible.

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La douceur de l’air est agréable. Le ciel chargé de nuages. Charriés par un norois qui décoiffe. La météo, préoccupante, ne favorise pas les vocalises des cervidés. On scrute l’horizon. On consulte les prévisions sur le net.

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Et on secoue la tête, lèvres serrées. Fatalistes. Mais l’optimisme n’est pas une notion vaine. On a vu des sorties mal engagées qui se révélaient étonnantes. La réciproque s’étant aussi vérifiée en maintes occasions…

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Alors le groupe se prend à rêver. Un cerf descendant la pente de fougères, le buste au-dessus de la végétation. Port de tête altier, nous regardant le regarder. Une sauce dans le goût de celle de rencontre du troisième type de Spielberg : le choc de deux mondes se découvrant l’un l’autre.

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Mais ladite pente reste vide et le groupe passe son chemin.

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La nouveauté qui tranche avec les jours derniers, c’est l’arrivée notable des premières Grives musiciennes. La migration – centrée sur octobre – s’initie sous nos yeux. Ou plutôt du côté de nos oreilles. Partout retentissent des « psitt » caractéristiques. Des oiseaux pour la plupart posés. Au sommet des arbres comme il se doit. Les musiciennes déboulent du nord. Des touristes en transit qui se mêlent aux oiseaux indigènes. L’affluence n’est toutefois pas encore comparable à ce qu’elle sera à la mi-octobre.

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19h45, à la pause restauration. Le vent souffle en bourrasque emportant ses paquets nébuleux. Il fait toujours très doux. Aucun cerf ne s’est encore fait entendre. On patiente en planifiant les prochaines sorties printanières, lorsque les Engoulevents d’Europe reviendront survoler la magnifique lande de bruyère en lisière de laquelle nous pique-niquons. Le mois de mai est encore loin et l’organisateur compte sur ses doigts qu’il reste du temps avant le printemps. Une grosse chauve-souris tourne autour du bouquet d’arbres.

 

Le vent même le plus violent

ne peut retirer ses taches au léopard

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Lorsque le brame débute enfin. Un raire unique. Bref, brusque !

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Un raire qui interrompt immédiatement les discussions, les plans sur la comète échafaudés sous un ciel qui n’est même pas étoilé. Le silence règne. L’attente se prolonge. L’artiste se fait désirer et manque de provoquer l’ire de la salle lorsqu’un seconde coup de semonce intervient. Un deuxième cerf, un rival, installé dans la parcelle voisine du premier informe à la collégiale qu’il est nécessaire de compter également sur lui. Même au cœur de la tourmente, l’instinct de reproduction demeure le plus fort. Hormones : 1 ; Vent : 0 !

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Puis la chape de nuit se referme. Le vent étouffe tout.

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Le point positif de l’histoire, c’est que nous ne sommes plus bredouilles. Ou « brocouilles », comme on dit dans le Bouchonnois. Pour la plupart d’entre nous, c’est le premier brame. Une découverte qui, comme toutes les découvertes, compte. Et même si la soirée n’a rien d’exceptionnel, le cerf appelant au vent au milieu des ténèbres a tout pour impressionner. On le sens dans ses boyaux !

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Et sans que nous en ayons eu conscience, les nuées ont mis les voiles. Véga trône enfin dans un ciel épuré, à la sa place en cette saison : accrochée au zénith elle toise l’astronome amateur, se moquant de le voir à se point se tordre le coup à contempler la voûte céleste. Les plus belles nuits d’astronomie ont lieu l’été, allongés dans l’herbe, une bière à portée de main.

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Mars, à l’ouest, est le point lumineux le plus brillant. Saturne est découverte un peu au dessus des arbres. Avec de simples jumelles, l’anneau reste difficile à voir. Jupiter est déjà couché, happé par un horizon insatiable.

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Alors que la nuit s’épaissit, de nouveaux points lumineux s’allument les uns après les autres. Les étoiles de première magnitude d’abord. Les plus faibles ensuite.  Altaï, Déneb, Capella, Antarès, Arcturus attirent l’œil de leur éclat. Puis Cassiopée sort à son tour de la clarté résiduelle. L’étoile polaire est débusquée en prolongeant le bord externe de la Grande Ourse. La constellation de Persée au nord-est est le réservoir des tombereaux d’étoiles filantes qui strient le ciel d’août. Ambiance intime de la forêt noyée de nuit.

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Et pendant tout ce temps, le vent siffle à nos oreilles. La rumeur dans les pins aurait un côté romantique s’il n’emportait pas avec lui les bruits de la forêt. Les cerfs brament de loin en loin. Faiblement.

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A 22h15, une lune incomplète sort du levant. Un phare tronqué phagocytant les autres astres. Au bout du chemin nous retrouvons les véhicules après quatre heures de balade. Quatre cerfs au moins ont croisé notre route. Ou nous la leur. Le brame a tenu ses promesses.

 

Liste d’espèces

 

Oiseaux :

Bernache du Canada, Canard colvert, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic vert, Pic épeiche, Mésange huppée, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Grive musicienne, Bergeronnette grise, Moineau domestique, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

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