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20 septembre 2018

Brame à Condé-sur-Vesgre

Des débuts timides…

 

Dix-neuf heures. La température est élevée. Pas loin de 24 degrés au thermomètre. Ce qui est presque inespéré en ce 20 septembre. Le vent souffle du ponant. En bourrasque, portant l'iode marin dans les terres. On s'imagine les alizés, les belles vahinés cheveux au vent.
 

Mais loin des tropiques, nous nous rendons à une soirée brame. Et le cerf n'aime ni la chaleur ni le vent. Pas de chance, n'est ce pas ? D'un autre côté, nous sommes en pleine période de rut et la lune montante est, elle, propice.
 

C'est donc en nous demandant comment allaient se mêler avantages et désagréments que nous pénétrons en sous bois. Le bruit de la mer est omniprésent : le souffle d'Eole dans les feuilles des grands trembles (des arbres de la famille des peupliers) jette sur la forêt une ambiance ouessantine.
 

Un Héron cendré arrive au vol. Lentement. Il tourne. Observe. Nul doute qu'il vienne avec l'intention de poser au bord de la mare toute proche pour y dîner copieusement. Mais ce groupe de promeneurs est inhabituel. Il hésite. Et trouvant les risques trop importants, s'éloigne sans précipitation. Il reviendra dans quelques minutes lorsque nous aurons tourné le dos.
 

Dos que nous tournons bientôt.
 

Dix-heures quinze. Premier coup de gueule sur notre droite. Un cerf à la voix grave ouvre le bal. Un raire sans suite pour le moment. Une star prenant un malin plaisir à chauffer la salle. Le public applaudit, encourage l'artiste. On entend quelques sifflets. Mais le cerf reste sourd à nos attentes. 
 

Le public passe son chemin.
 

Le long du sentier, nous nous intéressons aux ligneux. Les uns apprennent alors que d'autres, qui n'en sont pas à leur première sortie, révisent. Une mention toute particulière à un grand garçon passionné : neuf ans seulement et posant des questions très pertinentes. On le soupçonne d'avoir potassé comme nous l'avons tous fait, le soir sous les draps à la lueur d'une lampe de poche.
 

L'enthousiasme juvénile est communicatif. Le groupe s'enfonce toujours plus loin en forêt. Maintenant que le soir tombe, les bruits prennent une importance nouvelle. Lorsque la vue devient moins utile, l'ouïe prend le relais. Et des bruits en forêt, il y en a partout. Tout le temps. Les glands tombant sur le sol sec. Le vent dans les branches. Le hurlement des loups. Le pas de l'ours dans les feuilles.
 

Il y a des tigres en forêt de Rambouillet ?
 

L'imagination des plus grands n'est pas moins fertile que celle des enfants. Et l'on sursaute fréquemment dans les rangs. Les plus taquins s'en amusent et titillent les craintes ataviques de ceux qui gardent en eux le souvenir d'une époque fort lointaine où nous étions le gibier.
 

A l'heure du dîner, les sandwichs sortent des sacs. Les cerfs brament maintenant de façon régulière. Il est un peu plus de vingt heures et le concert se joue dans la grande propriété privée située à plusieurs centaines de mètres. De l'autre côté du vent...
 

Avec la nuit qui s'épaissit et la fraîcheur qui tombe très timidement, le brame s'accentue. Quatre ou cinq cerfs rivalisent. Ces dames, à ce rythme, ne doivent plus savoir vers qui se tourner. On les imagine débattre de la question, comparant les prouesses de chacun selon des critères bien à elles. 
 

Nous décidons toutefois de tenter un autre secteur. Espérant nous rapprocher des compétiteurs que nous trouvons éloignés. Nous voulons nous plonger au cœur de l'action. Sentir les poils se dresser sur nos bras. Sentir les vibrations. Et raconter ça lundi devant un gobelet de café noir aux collègues médusés. 
 

Changement de secteur...

 

En arrivant sur le deuxième site, nous apercevons quatre biches pâturant sur ce qui ressemble fort à une pelouse, à trente mètres des habitations. Dans les phares des voitures, elles se demandent si elles doivent détaler et quitter brusquement la table ou si les intrus que nous sommes vont simplement passer leur chemin. 
 

Face à notre immobilité contemplative, la première solution est adoptée et les quatre biches entrent en sous bois. À couvert. Mais pas bien loin. Car nous pouvons les voir encore. Silhouettes dans la nuit, elles nous surveillent elles aussi. 
 

Et là où les biches sont, le cerf n'est jamais loin. Il ne se passe pas cinq minutes avant qu'un fraire ne retentisse. Près. Très près. Mais un brame bref. Un brame d'un vieux brisquart n'ayant plus rien à prouver. Qui a déjà éliminé la concurrence et remporté les suffrages des dames. 
 

A moins que le vent soufflant toujours ne perturbe le baryton... 
 

Le ciel, voilé, entretient une température toujours trop douce et nous masque une grande partie des étoiles. La lune gibbeuse est entourée d'un halos. Mars, de sa puissante lumière rouge perce elle aussi la crasse. Mais Saturne reste invisible. Tout comme la Grande Ourse, première constellation par laquelle débute toutes les sorties d'astronomie. Heureusement que le "W" de Cassiopée nous donne du grain à moudre. Véga, l'étoile alpha de la Lyre, est également coopérative et se laisse admirer. 
 

Pendant ce temps, le brame est retombé. Tel un soufflé pourtant prometteur. Ce n'est évidemment pas rare, mais les conditions météorologiques peu favorables ne nous laisse que peu d'espoir quant à une reprise tambour battant dans un avenir proche. Et la demi heure suivante n'apporte effectivement que des chants brefs et dispersés. 
 

Peu avant vingt-trois heures, le groupe s'incline et se sépare, heureux de cette soirée réussie malgré un brame en pointillé. 
 

Nous reviendrons. 

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

Héron cendré, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic épeiche, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange huppée, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Accenteur mouchet, Pinson des arbres

 

Mammifères :

Cerf élaphe

 

Libellules :

Aeschne bleue

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