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15 août 2018

Sous le ciel de Saint-Lucien

Avant qu’il ne fasse noir…

 

La chaleur de la journée commence à s’estomper. Nous sommes à Saint-Lucien à la porte de l’Eure-et-Loir ainsi qu’à celle des Yvelines… juste derrière le virage. Un calme apaisant règne sur cette campagne harmonieuse. Les moissons sont achevées. De nombreuses parcelles ont été déchaumées, d’autres labourées et hersées. Du colza, il ne reste plus que les milliers de tiges hérissées vers le ciel, décapitées, qui constituent autant de perchoirs potentiels pour les oiseaux dont débute la migration d’automne.

 

Le chemin sableux s’éloigne du village et s’en va surfer sur la limite départementale. Le pied gauche en Ile-de-France, le droit en région Centre, la balade s’engage sous un ciel bleu que nous espérons étoilé avant trois heures de là.

 

Quelques papillons volettent encore. Malgré l’heure tardive et profitant de la chaleur encore sensible, les dernières libellules les accompagnent. Deux Sympétrums sanguins – des femelles à l’abdomen jaunâtre – jouent les prolongations. Des piérides – ces papillons blancs et abondants qu’on croise partout – ponctuent le paysage. Seules deux Piérides de la rave sont bien observées. Toutes les autres, nombreuses et lointaines, resteront non identifiées : il existe dans la région trois espèces communes et leur spécification nécessite de les voir posées à proximité pour en distinguer les détails.

 

Une bande de Pies bavardes agacent d’autres espèces inquiètes pour leurs jeunes. Ces corvidés sont en effet opportunistes et n’hésitent pas à chaparder les oisillons pour en faire leur dîner. Et on les sens en maraude, à l’affût d’une occasion.

 

Plus loin, c’est un oiseau qui n’a rien à craindre des pies qui est observé chassant le long de la lisière : un jeune Busard Saint-Martin – un élégant rapace d’un peu plus d’un mètre d’envergure – se laisse admirer par le groupe.

 

Les enfants, curieux de tout, demandent fréquemment à jeter un œil dans la lunette - instrument qui sert aussi bien à l’observation de la nature qu’à l’astronomie. Sur pied, elle permet à ceux qui peinent à pointer un oiseau aux jumelles (ce n’est pas si simple) d’observer en toute tranquillité et avec un confort réel. Pour les animaux immobiles, elle est idéale. Pour un oiseau en vol, l’exercice est plus difficile, et passer les commandes à la personne suivante en conservant la boule de plumes dans le viseur nécessite une organisation minutieuse et une rapidité certaine.

 

Et la nuit tombe…

 

Au débouché d’un boqueteau, alors que la pénombre a succédé à la lumière, une harde de biches est surprise au milieu d’une parcelle. Au moins un daguet – un jeune cerf d’un an –, six biches et deux faons nés au printemps sont en alerte. Nous nous dévisageons mutuellement : les cervidés évaluant le danger, notre groupe espérant que l’indécision des animaux se prolonge encore un peu et qu’ils ne détalent trop vite.

 

Mais la magie de l’instant passe. Inquiets et ne parvenant pas à se rassurer pleinement, les animaux s’éloignent sans précipitation excessive. La lumière est maintenant basse et lorsque nous les retrouvons cent mètres plus loin le long d’un bois, ils ne sont plus guère que des silhouettes. La lunette, pour les observations animales, arrive à ses limites. La quantité de lumière n’est plus suffisante. C’est à cet instant qu’un renard sort du bois et s’avance lentement vers nous. Le groupe exulte. L’observation aurait été magnifique vingt minutes plus tôt mais il faut parfois se contenter de ce que le hasard place sur notre route. Chacun défile et colle son œil à l’oculaire. Cependant, plus proche, le renard révèle maintenant des caractéristiques surprenantes. Sa couleur, sombre… même en tenant compte de la nuit maintenant tombée. Et sa queue, longue et fine. Il faut nous rendre à l’évidence. Dans ces conditions d’observation difficiles, nous avons vu ce que nous espérions voir. Et avons catalogué un peu vite ce chat échappé de quelque demeure de la région et parti à l’aventure pour la nuit. La déception est réelle mais nous nous consolons en nous amusant de l’erreur. Ce n’est pas la première. Ni la dernière non plus : l’observation de la nature requiert une certaine humilité.

 

Le ciel s’assombri de plus en plus. Le halo parisien projette sa lueur orangée sur tout l’horizon nord-est mais le sud et le zénith sont maintenant bien sombres. Il est 23h00 et la voûte céleste se pare de mille points lumineux. La Voie Lactée décrit un arc de cercle blanchâtre qui s’étire de la constellation de Cassiopée et traverse le Cygne jusqu’au Scorpion.

 

Au-dessus de l’horizon, la Lune trône – royale –au milieu de la constellation de la Balance. Tirez dans votre esprit une barre verticale. Si cette barre et le croissant de lune dessine un « p » comme aujourd’hui, la lune est montante – vers la pleine lune – et vous observez un premier quartier. Mais si la lettre apparue est un « d », il s’agit d’une lune descendante et d’un dernier quartier.

 

Non loin de là, Jupiter brille de mille feux. A la lunette, on observe un petit disque à l’éclat fixe. Une étoile – extraordinairement lointaine – est toujours vue sous la forme d’un point. Jamais d’un disque clairement discernable. L’étoile émet de la lumière et scintille. Une planète se contente de réfléchir cette lumière et a donc un éclat fixe. Invariable. Autour de Jupiter, quatre petits points, deux à gauche, deux à droite. Ce sont les quatre lunes galiléennes : les quatre plus gros des 79 satellites de Jupiter, découverts par Galilée au XVIIe siècle. Ganymède, la plus grande a un diamètre une fois et demi celui de la Lune.

 

Mars a ce soir l’éclat d’un phare. Au sud-est et juste au-dessus de l’horizon. On ne voit qu’elle. L’objet le plus lumineux de la soirée, Lune mise à part. Rouge, elle attire l’œil par la beauté de sa couleur. Mais la star de ce début de nuit est sans conteste un troisième astre. Entre Mars et Jupiter brille une autre planète. Moins lumineuse car bien plus lointaine : la géante Saturne impressionne. Dans la lunette, un grossissement de 20 fois suffit amplement pour distinguer la boule de gaz entourée de ses célèbres anneaux. Lorsqu’on passe à 60 fois, le spectacle est magique.

 

Mais il se fait tard et la fatigue gagne du terrain. Le retour est initié en gardant un œil attentif sur l’horizon nord et la constellation de Persée d’où proviennent les étoiles filantes du mois d’août. Le pic est dépassé depuis quelques jours mais le spectacle n’est pas fini pour autant. Plusieurs sont aperçues, l’instant d’une seconde, traversant le ciel et se désintégrant dans l’atmosphère. Mais il aurait fallu prendre du repos durant l’après-midi, apporter une chaise longue, les amuse-gueules et une bonne bouteille pour profiter pleinement de l’occasion. Pour ce soir, c’est notre lit qui nous appelle. Nous serons plus prévoyants l’an prochain.

 

Liste des espèces

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Oiseaux

Busard Saint-Martin, Buse variable, Faucon crécerelle, Faisan de Colchide, Pigeon ramier, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic vert, Pic épeiche, Hirondelle rustique, Hirondelle de fenêtre,Corneille noire,Pie bavarde, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier,Tarier pâtre, Fauvette à tête noire, Moineau domestique, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Pinson des arbres, Bruant jaune

 

Mammifères

Cerf élaphe

 

Papillons de jour

Piéride de la rave, Myrtil

 

Libellules

Sympétrum sanguin

 

Orthoptères

Grande Sauterelle verte, Grillon des bois, Grillon d’Italie

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