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15 août 2018

Condé-sur-Vesgre

au cœur de l’été 

Autour de la mare…

 

Après une matinée très nageuse et fraîche – l’euphémisme est volontaire – le ciel s’est dégagé aussi rapidement qu’il s’était bouché quelques heures plus tôt. Le soleil d’août au zénith semble vouloir répondre à l’affront qui lui a été fait : il darde tout ce qu’il peut, précipitant vers le sol ses rayons brûlants.

 

La mare est très ouverte, à l’abri du vent et de l’ombre. Râ y règne en maître incontesté et au bord de l’eau la température est caniculaire. Les libellules, gorgées de photons, volent à des vitesses impressionnantes. Zigzaguant et tournant brusquement à angle droit, ces projectiles sont difficiles à suivre des yeux. Tenter de les observer dans les jumelles relève d’une ignorance attendrissante ou d’une confiance en soi outrancière.

 

Beaucoup de sympétrums quadrillent le secteur : des libellules de taille moyenne dont les mâles sont de couleur rouge écarlate. Deux espèces sont présentes : le sympétrum sanguin, majoritaire, et le Sympétrum strié reconnaissable aux deux bandes jaunes qui zèbrent son thorax. Soucieux de se montrer agréables aux visiteurs, les sympétrums se posent fréquemment sur une tige de joncs, une radicelle, une branche basse afin de surveiller leur territoire. Qu’un intrus s’y aventure, et le mâle se rue sur lui tambour battant pour lui rappeler ses prérogatives et le reconduire à la frontière.

 

Les aeschnes, c’est autre chose. Elles figurent parmi les plus grosses espèces de France. Oscillant du vert au bleu, ces libellules sont des patrouilleuses. Elles posent rarement, ne se réfugiant dans la végétation que pour y passer la nuit aussi discrètement que possible. Les aeschnes survolent leur domaine de façon inlassable. De droite à gauche puis de gauche à droite. Rester au bord de l’eau à attendre un appareil photo en main vous procurera à coup sûr des crampes avant d’avoir eu la chance de voir l’insecte immobile.

 

L’Aeschne affine, pourtant, est plus encline que les autres à interrompre son ballet le temps d’un battement de cil. Un superbe mâle se montre même motivé pour venir se poser dans les herbes en bordure de la mare. Malgré la chaleur très forte, l’aeschne vient à de fréquentes reprises et durant de longues minutes poser devant les téléobjectifs du groupe encore ébahi de la chance lui tombant dessus sans crier gare !

 

Côté papillons, les belles observations ne sont pas non plus en reste. Un Paon du jour étale ses ailes au soleil tandis qu’il butine : un papillon commun mais probablement aussi l’un des plus beaux. Un Tabac d’Espagne – bien mal nommé à mon sens car il n’est ni de couleur tabac ni cantonné à la péninsule ibérique – volette lui aussi de fleur en fleur. Mytils et Amarillys nous tournent autour de façon continuelle.

 

En forêt…

 

Mais il est temps d’aller souffler à l’ombre. Sous les arbres, la température baisse d’un cran et la fraîcheur relative est appréciée à sa juste valeur. Des rondes de mésanges piaillent dans la frondaison des arbres. Des bleues, des charbonnières. Des huppées dans les pins. Des longues queues dans les jeunes taillis et les bouquets de bouleaux le long du chemin.

 

Les papillons virevoltent ici et là. Une carte géographique dans sa forme noire d’été. Des piérides. Et des Mégères, très beaux papillons orangés barrés de bruns et au nom fort surprenant qui aurait un lien avec des divinités vengeresses du panthéon grec sans que je sache bien le lien que ces furies peuvent avoir avec ces insectes.

 

Le chemin, encadré de deux haies de fougères s’enfonce en sous-bois. Les oiseaux se montrent discrets. Un « psitt » de Grive musicienne à gauche. Un « Uit » de Pouillot véloce à droite. Des Gobemouches gris, croisés dans une parcelle trouée de larges puits de lumière, sont plus actifs. Nicheurs très tardifs, les jeunes oiseaux sont encore dépendants de leurs parents et leur font savoir bruyamment que l’heure du goûter a sonné depuis belle lurette.

 

Les fougères s’écartent ensuite. Le sol devient sableux. Quelques dizaines d’Œdipodes turquoises – ces gros criquets grisâtres et aux ailes bleutées – sautent devant nous sur le sol du chemin sur lequel ils se chauffaient.

 

Une grosse libellule attire alors notre attention. Patrouillant au-dessus du chemin, sa taille – immense – oriente notre identification. Le thorax vert finement barré de noir, l’abdomen piqué de noir et de bleu confirme un mâle d’Aeschne bleue. L’une des trois plus grandes espèces d’Europe que je n’ai personnellement vue posée qu’à deux reprises au cours des six années précédentes. L’insecte, après une dernière volte-face, descend et se pose sur la feuille d’une fougère. Une chance inouïe par une telle chaleur. L’appareil photo crépite. Mais fébrilité et précipitation conduisent à des clichés de mauvaises qualités qui ne pourront illustrer cette note. C’est une déception, nuancée toute de même par le plaisir de l’avoir vu posée un instant.

 

Mais la messe n’est pas entièrement dite. De nouveau au vol, l’aeschne se déplace lentement, s’attardant autour de quelques branches basses de pins. Comme l’Aeschne affine autour de la mare une heure plus tôt, celle-ci désire visiblement se poser. Aurons-nous la chance d’un bis repetita ?

 

Oui !

 

Notre courte attente a été récompensée. L’Aeschne bleue pose bientôt une seconde fois. A deux mètres du sol environ. A portée d’objectif, au soleil et bien orientée pour espérer une belle photo. Calmement et de façon précautionneuse, l’approche porte ses fruits. A un mètre de distance à peine, l’objectif remplit sa mission : cadrée et nette, la libellule ornera le compte-rendu !

 

La soirée approche. Les jambes sont lourdes, les pieds gonflés dans les chaussures et les vêtements moites de transpiration. La litanie s’arrête là. La balade aussi. Il est temps de rentrer redorer notre apparence défraîchie. Nous garderons en tête des images colorées de bruyères en fleur, de ronciers chargés de mures et de deux splendides aeschnes posant telles des stars de cinéma jouissant de l’incrédulité béate des spectateurs alentours.

 

Liste des espèces

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Oiseaux

Pigeon ramier, Tourterelle turque, Pic vert, Pic épeiche, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Pouillot véloce, Gobemouche gris, Pipit des arbres

 

Papillons de jour

Citron, Piéride de la rave, Azuré des nerpruns, Tircis, Mégère (Satyre), Amaryllis, Myrtil, Tabac d'Espagne, Paon du jour, Carte géographique

 

Libellules

Naïade au corps vert, Ischnure élégante, Aeschne affine, Aeschne bleue, Aeschne mixte, Orthétrum réticulé, Sympétrum sanguin, Sympétrum strié

 

Amphibiens et reptiles

Grenouille verte, Couleuvre à collier, Lézard vivipare, Lézard des murailles

 

Orthoptères

Grande Sauterelle verte, Grillon des bois, Decticelle bariolée, d’Œdipode turquoise

20180815-Parcelle 01-33-BOT-Ajonc (1).JP
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