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5 juillet 2018

Au festival de l'engoulevent 

Le soleil est encore haut…

 

… lorsque nous pénétrons sous le couvert végétal. C’est l’un des nombreux atouts de ces longues soirées estivales :la balade après le dîner, pour profiter de la quiétude de la forêt abandonnée par les promeneurs de la journée, et de la douceur de la température après la chaleur de l’après-midi.

 

Si les oiseaux sont moins actifs, les insectes pullulent. Notamment de nombreux culicidés venant bourdonner à nos oreilles dans l’espoir d’emporter un souvenir de nous. Les manches longues sont appréciées ainsi que les répulsifs jetés dans le sac à dos avant le départ. De nombreux papillons de nuit volent déjà au-dessus des fougères. Des Pétrophores pour la plupart, petits hétérocères d’environ deux centimètres d’envergure aux douces teintes de couleur sable. Les hétérocères, ce sont les papillons « de nuit » : en réalité, tous les papillons qui n’ont pas les antennes en forme de massue (les papillons « de jour »).

 

A cette heure-ci, la Grive musicienne est loquace. Nourrissant ses oisillons, elle se montre très discrète en journée. Mais tôt le matin et en toute fin de journée, le mâle fait le tour de son territoire et donne de la voix, perché au sommet d’un houppier. Pour rappeler qu’il est là. Que le territoire n’est pas vacant. Et qu’il défendra les ressources alimentaires qui s’y trouvent. La musicienne porte bien son nom. Un chant mélodieux. Un répertoire très varié. Des notes sifflées, claires, puissantes et audibles de loin. Des modulations de tonalité avec des envolées presque lyriques et des roulements de cascades se succédant inlassablement.Ce chant accompagne généralement le soleil dans sa course vers l’horizon et perdure même alors que l’ombre se referme sur la forêt – une heure environ après le coucher. Pour reprendre une heure avant son lever.

 

Deux Pouillots siffleurs se contentent d’un tûût sifflé à notre passage. Leur trille de notes si typique ne se fait pas entendre. Eux aussi, occupés à rassasier leur descendance, n’ont plus ni temps ni force à consacrer aux frivolités. Les jeunes pics probablement bien plumés maintenant, sont encore au nid, en sécurité au fond de la loge creusée par leur père. Très bruyants, ils appellent leurs parents partis au ravitaillement. Il est possible de voir leurs têtes dépasser du trou. Pics épeiches et Pics mars sont présents dans ces bois. En concurrence directes les uns avec les autres, les deux espèces ayant la même écologie, les mêmes exigences et les mêmes besoins aux mêmes moments.

 

Soudain, un bruissement paniqué dans une zone buissonnante. La végétation bouge frénétiquement. Rien ne dépasse alors que la hauteur est faible – un mètre et demi au plus haut. Peut-être un sanglier ? Approchant doucement, c’est finalement un chevreuil que nous voyons détaler, bondissant en sous-bois avant de ralentir et de s’arrêter pour jeter un œil en arrière. L’observation est mutuelle durant quelques secondes avant que le petit cervidé ne reprenne sa fuite.

 

Période de creux…

 

Vers 21h45, un creux s’installe. Les oiseaux diurnes se sont tus. Même la Grive musicienne a jeté l’éponge. Quelques Rougegorges familiers gèrent l’intérim et meublent en attendant que les espèces crépusculaires daignent s’activer. Quelques Grandes Sauterelles vertes stridulent puissamment du haut des arbres. Des Grillons des bois, au sol, leur répondent.

 

La demi-heure qui suit est calme. La forêt, groggy de sa journée trépidante semble accuser le coup, soufflant et aspirant à un repos bien mérité. A la faune nocturne de reprendre le flambeau. Les Chèvrefeuilles exhalent leurs parfums que la fraîcheur humide du soir diffuse jusqu’à nous. Les fleurs bien ouvertes trônent au sommet de fines lianes agrippées aux jeunes tiges d’arbrisseaux, ou aux grillages protégeant une parcelle en cours de régénération.

 

Et la nuit tombe…

 

A 22h20, un premier « psitt » retentit au-dessus d’une parcelle de forêt. Puis un second, plus près. Au troisième, une Bécasse des bois franchit la zone dégagée au-dessus du chemin que nous suivions. Oiseau de la taille d’une tourterelle, à la silhouette très rondouillarde, au long bec dirigé vers le sol et se détachant encore nettement sur le ciel déjà assombri.

 

Il est l’heure de l’engoulevent. L’heure de retourner hanter la lande de bruyère à cinq cents mètres de là. La lande en lisière de laquelle vit cette espèce spectaculaire.  Alors que nous sommes encore en chemin, le chant bourdonnant – exceptionnel – de l’Engoulevent d’Europe retentit : il est 22h25.

 

Parvenus à la lande, un oiseau entame un chant à quelques dizaines de mètres de nous. Puis vient rapidement nous survoler, curieux de cette intrusion sur son territoire. Plus personne ne bouge, admirant le ballet aérien de l’oiseau qui nous tourne autour, vole sur place à la mode du Faucon crécerelle et de son vol stationnaire de Saint-Esprit. L’engoulevent n’est parfois qu’à trois ou quatre mètres. Les lunules blanches que le mâle arbore au bout de ses ailes tranchent avec l’ensemble brun sombre de son plumage.

 

Quatre oiseaux occupent le secteur : l’un chante un peu plus loin tandis que trois oiseaux nous survolent, posent sur une branche basse d’un Pin sylvestre pour nous observer ou sur la tête dénudée d’un bouleau pour chanter et nous offrir un concert mémorable. Quelques minutes de contemplation plus tard, le groupe s’éloigne prudemment afin de rendre les lieux et les oiseaux à leur calme habituel.

 

Sur le chemin du retour, un autre couple d’engoulevents est contacté, ainsi qu’une ou deux Bécasse des bois dans le survol de ce bout de forêt décidément extraordinaire.

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Liste des espèces

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Oiseaux

Bécasse des bois, Pigeon ramier, Engoulevent d'Europe, Pic épeiche, Pic mar, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange huppée, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Rougegorge familier, Merle noir, Grive musicienne, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Pouillot véloce, Pouillot siffleur, Grosbec casse-noyaux, Pinson des arbres

 

Mammifères

Chevreuil européen

 

Papillons de nuit

Brocatelle d'or, Pétrophore de la fougère et une espèce encore en cours de détermination

 

Orthoptères

Grande Sauterelle verte, Grillon des bois

Le vol chaloupé de l'Engoulevent d'Europe

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