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18 juillet 2018

Grosrouvre et ses

grenouilles volantes 

Où il est question de pédoncules…

 

 

Grosrouvre : alors que l’horloge sonne vingt coups, nous pénétrons en sous-bois bien préparés à l’hostilité de la nature. Vêtements aux manches longues noués autour de la taille. Et sur la peau, une décoction artisanale non homologuée devant encore faire ses preuves. En conservant le spray insecticide triple X à portée de main au cas où…

 

La forêt est calme. Les oiseaux, occupés à rassasier leurs familles aussi nombreuses qu’affamées ne consacrent que peu de temps aux vocalises. Le mâle – seul à chanter – pousse bien encore une note ou deux pour rappeler à ses voisins que son territoire n’est pas vacant. Mais l’essentiel de l’énergie est réservé aux gosiers sans fond des oisillons en mal d’émancipation. Un Gobemouche gris chante encore. C’est une espèce tardive qui ne revient d’Afrique que dans le courant du mois de mai. Sa nidification n’est  probablement pas aussi avancée que celle des autres espèces plus précoces. Le Pinson des arbres se contente d’une note – un cri de contact, une communication interindividuelle. Les Sittelles torchepots qui débutent leur nidification au début d’avril sont probablement déjà à nourrir leur seconde progéniture. Le Grimpereau des jardins – qui contrairement à son nom n’est pas cantonné aux seuls pourtours des habitations – fouillent l’écorces des troncs à la recherche des insectes dont il se nourrit.

 

Une clé de détermination des essences feuillues en main, nous nous entraînons à identifier les arbres jalonnant le bord du chemin. Le bouleau, le hêtre, le sorbier des oiselleurs. Et le chêne. Ou plutôt les chênes, car deux espèces peuplent la forêt de Rambouillet : le Chêne pédonculé et le Chêne sessile (« ma fille », comme le chantait Nougaro).

 

En cause, un petit pédoncule. Comprendre une « tige ». Un petit bout de rien du tout qui attache la feuille ou le gland au rameau de l’arbre. L’adjectif « pédonculé » signifie – vous l’aurez deviné – qui est attaché au rameau par une tige. L’adjectif « sessile » est moins usité. Il signifie l’inverse : que la feuille ou le gland est en contact direct avec le rameau. C’est le gland qui importe. Le gland du Chêne pédonculé est relié au rameau par l’intermédiaire d’un pédoncule. Alors que celui du Chêne sessile est en contact direct avec le rameau.

 

Au pied des arbres, dans la litière constituée des feuilles des années passées, une multitude de Grillons des bois stridulent, formant une rumeur, une toile de fond sonore qui nous accompagne tout au long de notre périple. Une grosse espèce de Noctuelle – un papillon de nuit – s’approche et nous tourne autour un moment. Ses ailes antérieures mêlent les bruns, les gris, les noirs en un maelström de tons mouchetés. Posé sur un tronc, le papillon est pratiquement invisible tant il se confond avec l’écorce. Mais dès qu’il s’envole… ses ailes postérieures se découvrent et font apparaître des rouges intenses soulignés de noir de jais. Une splendeur qui restera non identifiée : il en existe en effet plusieurs espèces et seule une bonne photo et un examen attentif des marques alaires auraient pu nous apprendre son nom. Frustrant, mais dans la nature, il arrive souvent qu’on ne puisse mettre un nom sur un animal.

 

La pénombre gagne…

 

Nous ne sommes encore qu’à la mi-juillet mais on sent déjà que le soleil tombe plus vite, plus tôt vers le sol. Ici, il ne rebondi pas sur la ligne d’horizon comme en Scandinavie. Pas de soleil de minuit. La forêt s’assombrit. La pénombre gagne mais le ciel se pare de tons chauds qui embrasent les rares nuages.

 

A 21h50, un premier Engoulevent d’Europe se met à chanter. Un bourdonnement – dans le groupe, le mot « ronflement » est prononcé non sans une certaine moquerie. Timide encore. Il est tôt et nous devons patienter un peu pour le réel début du concert. La marche reprend quand des chants de grenouilles sont signalés.

 

Les batraciens sont fréquents en forêt. Surtout après une période de pluie. Outre la sécheresse environnante, un autre détail ne cadre pas. Le chant provient… de la cime des arbres. Certes, il existe des grenouilles arboricoles. Mais ce sont des espèces équatoriales pour la plupart et la probabilité de les croiser dans le secteur de Grosrouvre est plutôt mince. Pour user d’un euphémisme… L’accès aux plus hautes branches se fait le plus simplement par les airs. Des grenouilles ailées ? Après vérification, ces chimères n’ont pas encore été découvertes. Il faut chercher ailleurs.

 

C’est en réalité une espèce très commune et dont le chant s’entend partout depuis le début du mois de juillet. Et qui devrait nous accompagner encore tout le mois d’août et une partie de septembre. Ce ne sont pas des batraciens mais des orthoptères – un ordre qui renferme les sauterelles, criquets et autres grillons. Des Grandes Sauterelles vertes. De très beaux insectes ailés d’environ dix centimètres d’envergure.

 

La nuit tombe pour de bon. Au moins trois Engoulevents d’Europe chantent autour de nous. Au moins, car il n’il n’est pas si aisé de les compter. D’abord ils se déplacent et la pente dans laquelle nous sommes brouille les pistes en renvoyant l’écho, nous bernant quant à la position réelle des oiseaux. Au bout d’une dizaine de minutes, un oiseau, curieux vient tourner autour de nous. A quelques mètres à peine. Un tour et puis s’en va. Et puis revient. Se mêlant au ballet des chauves-souris qui s’est organisé au-dessus de nos têtes – non, elles ne viennent pas s’emmêler dans les cheveux des jeunes filles !

 

Mais la nuit se fait plus profonde. Il est plus de 23h00. Oiseaux et mammifères ailés ne sont bientôt plus que des formes sombres qu’il est de plus en plus difficile de distinguer entre eux. Jupiter brille au sud. Très lumineuse. Aux jumelles, deux satellites galiléens sont bien visibles. Le premier sur la gauche au ras du disque. Le second, plus éloigné sur la droite. L’étoile polaire est rapidement trouvée en prolongeant le bord extrême de la Grande Ourse. Le Petit Chariot, constitué d’étoiles de faible intensité n’est que peu visible : la nuit n’est pas encore assez noire. Arcturus, l’étoile alpha – la plus brillante – de la constellation du Bouvier se trouve en prolongeant la queue de la Grande Ourse. Et au zénith de juillet… le magnifique triangle des belles d’été : un triangle reliant les trois étoiles alpha des constellations du Cygne, de la Lyre et de l’Aigle. Au nord-est, le « W » de Cassiopée se lève.

 

La sortie se prolonge un peu plus tard qu’à l’accoutumé. Personne ne se montre pressé de rentrer. Les moustiques vaquent à leurs occupations et nous laisse une paix inespérée. – à moins que la décoction artisanale non homologuée ne promette de devenir le brevet du siècle. La douceur et le ciel étoilé incitent eux aussi à la flânerie.

 

Et le groupe bien évidemment : particulièrement agréable. Un groupe dont les membres – très à l’aise – ont immédiatement sympathisé. Merci à toutes et à tous. La prochaine fois, j’emporte la lunette d’observation pour dénicher Saturne et ses anneaux !

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Liste des espèces

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Oiseaux

Bécasse des bois, Pigeon ramier, Chouette hulotte, Engoulevent d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Mésange nonnette, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Merle noir, Pouillot véloce, Gobemouche gris, Pinson des arbres

 

Orthoptères

Grande Sauterelle verte, Grillon des bois

 

Mammifères

Renard roux, que seuls ceux qui rentraient par Gambaiseuil ont pu apercevoir, au bord de la route

Le vol chaloupé de l'Engoulevent d'Europe
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