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15 juillet 2018

La France est sur les Champs...

Nous, à Saint-Lucien

Après le tumulte…

 

 

20h : déjà deux heures que la France est championne du monde pour la seconde fois. Partout des véhicules transformés en étendards tricolores. Les chauffeurs cramponnés à leur klaxonne. Les passagers tout à leur cornes de brume laissent éclater leur joie. A Saint-Lucien, tranquille petit village de 200 âmes, des drapeaux français ornent les fenêtres.

 

Mais une fois engagés sur le sentier sableux, la sérénité de la campagne environnante nous envahit. Le massif forestier de Rambouillet s’étire sur notre droite, au nord. Des postes avancés : une mosaïque de bois et boqueteaux de formes et de tailles variées. Formant un patchwork déchiqueté grignoté de tous côtés par des friches, prés pâturés et cultures céréalières. Sur notre gauche, au midi, une Beauce balbutiante. Des champs à perte de vue. Mais des buttes surmontées de petits bois accrochent encore le regard et cassent l’uniformité paysagère qui prévaut plus au sud.

 

Et au centre : notre sentier. Limite entre deux environnements. Limite entre deux départements – Yvelines à gauche, Eure-et-Loir à droite. Limite entre deux régions administratives. Balade sur le bord du monde.

 

La lumière est splendide. Le soleil couchant magnifie les jaunes et les bruns – beaucoup de parcelles sont déjà moissonnées –, sature les verts. L’orage qui se forme sur l’Eure-et-Loir habille le ciel de nuages noirs qui renforcent les contrastes. Le groupe n’avance que lentement : les appareils photos crépitent et fixent ces instants haut en couleurs.

 

Des papillons volent partout. La chaleur, encore forte, joue les prolongations. Les insectes profitent de ce temps supplémentaire pour butiner les nombreuses fleurs – coquelicots, ombellifères diverses, Séneçons jacobées, Achillées millefeuilles, Bourraches. Les piérides sont les papillons dominants. Trois espèces sont observées : Piéride de la rave, Piéride du navet et Piéride du chou. Deux autres papillons sont eux aussi abondants à cette époque de l’année : l’Amaryllis et le Myrtil. Deux papillons qui se ressemblent beaucoup une fois posés, les ailes refermées. Un gros ocelle noir – une tâche – dans le coin supérieur de l’aile antérieure percé d’un unique point blanc pour le Myrtil et de deux points blancs pour l’Amaryllis.

 

L’orage menace. Les cumulus n’en finissent plus de se former, de s’épaissir. Le ciel au sud est de plus en plus sombre. Mais un coup d’œil au vent nous rassure : nous sommes dans un flux d’ouest. L’orage va comme nous longer le chemin sans s’en approcher. Les Dieux sont avec nous.

 

Au centre d’une friche, une famille de Tariers pâtres exulte elle aussi. Au moins quatre jeunes se poursuivent autour d’un roncier. Tous les bambins de la planète sont un peu turbulents à cet âge. Et toutes les mères tentent de canaliser leur énergie. La femelle s’occupe de la progéniture. Pendant ce temps le mâle trône au sommet d’un buisson, surveillant les alentours. Une tâche essentielle, car si un prédateur pointe le bout de son nez c’est lui qui donnera l’alarme et payera de sa personne pour tenter de repousser le danger. C’est sans doute à cause de ce comportement animal inconscient et ancestral que l’homme se plante devant la fenêtre une bière à la main pendant que madame essaie désespérément d’envoyer les mômes au lit ! Un comportement tant décrié mais que la nature – dans son infinie sagesse – a façonné à l'aide de millions d'années d'évolution.

 

Alors que poursuivons nos prises de vues, deux oreilles puis une tête sortent d’une parcelle de colza qui n’a pas encore entièrement été moissonnée. Un chevreuil nous surveille. S’inquiétant de notre arrêt prolongé. Jumelles braquées sur lui, nous nous dévisageons mutuellement. Qui bougera le premier. L’inquiétude n’étant pas de notre côté, c’est le cervidé qui jette l’éponge et s’éloigne en quelques sauts. Mais sa fuite n’a rien d’éperdue. Il s’est contenté d’ajouter une centaine de mètres entre nous.

 

Avant d’entrer en forêt, nous jetons un dernier regard sur l’immense plaine. Un magnifique mâle de Busard Saint-Martin longe la lisière. Il est en chasse. Lui aussi a probablement plusieurs bouches à nourrir. Le rapace profite des champs moissonnés. La végétation rase y offre beaucoup moins de cachette. Les petits rongeurs y sont bien plus aisés à découvrir. Bien plus vulnérables.

 

La forêt…

 

Après deux bonnes heures à découvert, nous entrons en sous-bois. Pas vraiment une forêt. Mais des bois périphériques. La pente est rude. La chaleur moite est oppressante. Les souffles se font plus courts. Les pas ralentissent eux aussi. Les Grandes Sauterelles vertes stridulent partout autour de nous. Au sol, les Grillons des bois chantent depuis la litière, protégés par les feuilles mortes de l’automne dernier.

 

Ressortant sur la lisière nord, nous débouchons sur une nouvelle plaine agricole. D’un calme apaisant. Un brocard – un chevreuil mâle – nous aperçoit et rentre à couvert en quelques bonds. Un bel animal adulte dont les deux bois dépassent fièrement la hauteur des oreilles. A quelques dizaines de mètres, ce sont cinq biches adultes qui se nourrissent en bordure du bois. Trois d’entre elles sont accompagnées de leur jeune faon de l’année.

 

Puis une première bourrasque. Subite. Après une nouvelle vérification du ciel il devient évident que le vent vient de tourner. Provenant maintenant du sud. Les nuages noirs virent de 90 degrés. Pour se diriger droit sur nous. A près de trois kilomètres des véhicules, notre situation devient tout à coup moins confortable. Le vent forcit et nous allongeons le pas. Une Chouette hulotte passe au vol devant nous, chassant dans les dernières lueurs de ce dimanche soir. Les nébulosités envahissent notre carré de ciel. La lumière baisse rapidement.

 

Traversant un nouveau bois, le chemin nous ramène vers notre point de départ. Des vers luisants éclairent les ténèbres et le sable blanc du sentier guide nos pas. La chaleur est toujours élevée. Le vent bruisse dans les houppiers, au-dessus de nos têtes. Le village de Saint-Lucien est bientôt en vue. Les bourrasques nous reprennent lorsque nous atteignons la lisière. Le ciel est maintenant très chargé. Grandes sauterelles vertes, Decticelles bariolées, Grillons italiens, excités par la chaleur forment avec leurs chants parfois assourdissants une haie d’honneur, nous encourageant dans notre retour effréné. Le sprint final. Le passage du tour de France sous la flamme du dernier kilomètre.

 

A 23h05 précises, les véhicules sont rejoints. Une minute encore, le temps de ranger les sacs et les jumelles dans le coffre et nous grimpons à bord. Toutes les portes ne sont pas encore fermées que les premières gouttes s’écrasent sur les pare-brises. L’orage a attendu l’ultime instant pour craquer…

 

Si ce n’est pas de l’organisation, ça !

 

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Liste des espèces

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Oiseaux

Buse variable, Busard Saint-Martin, Faucon crécerelle, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Tourterelle turque, Chouette hulotte, Pic vert, Pic épeiche, Hirondelle de fenêtre, Hirondelle rustique, Alouette des champs, Bergeronnette grise, Grimpereau des jardins, Merle noir, Grive musicienne, Tarier pâtre, Fauvette à tête noire, Fauvette grisette, Pouillot véloce, Corneille noire, Pie bavarde, Moineau domestique, Pinson des arbres, Bruant jaune, Linotte mélodieuse

 

Mammifères

Chevreuil européen, Cerf élaphe, Lièvre d'Europe

 

Papillons de jour

Piéride de la rave, Piéride du chou, Piéride du navet, Amaryllis, Myrtil, Demi-deuil

 

Orthoptères

Grande Sauterelle verte, Decticelle bariolée, Grillon des bois, Grillon champêtre, Grillon italien

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