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23 juin 2018

De Gambaiseuil à Condé 

Une matinée ensoleillée…

 

Samedi : l’avant dernier avant juillet. Gambaiseuil sent encore les tartines grillées du petit-déjeuner. La météo est idéale. Ciel uniformément bleu. Légère brise pour limiter les assauts voraces des moustiques. Et la fraîcheur matinale qui doit laisser place à une douce chaleur dans l’après-midi. De quoi contenter les oiseaux avant 11h00 et les insectes au-delà. Sacs au dos, la balade débute par la clairière au cœur de laquelle le village s’est niché, laissant derrière nous les belles maisons bâties de vieilles pierres.

 

Le Serin cini chante à tue-tête comme s’il avait encore un territoire à conquérir et une dame à séduire. Les Etourneaux sansonnets, eux, vadrouillent déjà en groupes familiaux. Fauvette des jardins, Pipits des arbres et Pics mars se font entendre avant même que nous ayons eu le temps d’atteindre le sous-bois. Il est 9h00 et la journée promet d’être magnifique.

 

Sur une petite mare toute proche, et malgré l’heure, deux Cordulies bronzées patrouillent déjà au-dessus de l’eau. De la droite vers la gauche puis de la gauche vers la droite. Inlassablement. Le long du chemin forestier, les fougères aigles se dressent en haies d’honneur. Les plus hautes dépassent les deux mètres. Et profitant de puits de lumière, des dizaines de Caloptéryx vierges les utilisent comme postes d’observation, s’envolant à notre approche et reprenant leur guet après notre passage. Tristans, Myrtils, Sylvaines et Petits Sylvains sont eux aussi déjà actifs, voletant dans les tâches de soleil maculant le sous-bois, ailes largement étalées en quête de photons revigorants.

 

10h30. La chaleur se fait douce. Les insectes volent et les oiseaux deviennent plus discrets, retournant vaquer à leurs occupations : eux aussi sont astreints au routinier triptyque métro-boulot-dodo. S’éloigner du nid, partir en chasse, trouver de la nourriture et revenir pour tenter de rassasier des marmots affamés qui recommencent à pailler le gosier encore plein de la dernière becquée.

 

Alors que – appareils photos en action – nous immortalisons une belle observation de Mélitées des mélampyres, une clameur retentit. Derrière nous, au-dessus des arbres ou à hauteur de la canopée. Forte, puissante. Mais mélodieuse. Un chant bien plus qu’un cri. Nous sommes tellement saisis qu’il nous faut bien cinq secondes pour reprendre nos sens et en identifier l’auteur. Un rapace qui malheureusement reste invisible et dont nous n’aurions pas décelé la présence s’il ne l’avait pas signalé. Un Autour des palombes glisse dans le vallon que nous venons de quitter. Une belle surprise venant d’une espèce fort rare en Ile-de-France – l'effectif francilien estimé est de 8 à 11 couples nicheurs (CHANSAC, 2017).

 

La mi-journée approche…

 

Le soleil avance dans sa course vers le ponant. Midi vient de sonner et nos estomacs réclament prosaïquement leur ration. Encore un kilomètre et nous atteindrons le carrefour des Barillets et son banc sur lequel nous pourrons nous asseoir pour déjeuner.

 

Papillons et libellules volent maintenant en tous sens, croisant notre chemin à chaque instant. Un Orthétrum bleuissant bien reconnaissable à ses « bretelles » de couleur crème, un Cordulégastre annelé chassant au-dessus d’une parcelle ouverte le long d’un sentier encore détrempé des pluies abondantes de la première quinzaine de juin. Et plusieurs Miroirs, petits papillons dont le vol tient d’une danse désordonnée et dont Rambouillet est le bastion francilien. Parmi les animaux à plumes, un Pic épeichette troue le silence de son cri aigu et saccadé : une espèce en fort déclin depuis une décennie maintenant et qui risque de disparaître de notre région si l’hémorragie n’est pas stoppée.

 

Confortablement installé sur le banc de bois à admirer le plus grand Pin sylvestre de la forêt (un arbre patrimonial signalé discrètement par un panonceau), nous attaquons le repas. Des rondes de piérides tentent de nous distraire. Au-dessus de nous une Mésange noire lâche quelques bribes de chant afin qu’on n’oublie pas que nous sommes ici chez elle.

 

Et le soleil passe au zénith…

 

Le groupe débouche dans une vaste prairie de graminées alors que belges et tunisiens pénètrent sur une pelouse russe pour courir derrière le même ballon durant quatre-vingt-dix minutes. La prairie est plus vaste que le stade. Plus calme également : nous sommes les seuls humains en ces lieux. Adossée à la lisière, une mare chauffe sous le soleil. Des dizaines de libellules zèbrent la surface de leurs vols désordonnés. Cordulies bronzés, Libellules à quatre taches, Sympétrums sanguins. Et patrouillant à deux ou trois mètres au-dessus de l’eau, le maître des lieux : un magnifique mâle d’Anax empereur – l’une des plus grandes libellules de France – semble régner sur son microcosme. Puis une flèche écarlate raye l’espace : une Crocothémis. Une libellule d’une beauté inouïe dont le mâle est dénué de pigment noir. Tout est rouge, jusqu’aux nervures de ses ailes diaphanes.

 

En poursuivant notre chemin, deux rapaces sortent des houppiers : une Buse variable et une Bondrée apivore. Idéal pour observer les différences distinguant les deux espèces : les fines stries du plumage de l’une, la queue plus courte et la silhouette plus robuste de l’autre. La position des ailes durant le vol également : à plat et la main légèrement tombante pour la Bondrée, au-dessus de l’horizontale et la main relevée pour la Buse.

 

Le reste de l’après-midi est consacrée à changer de vallée. Pour revenir aux voitures, il est en effet nécessaire de repasser la crête pour redescendre au fond du premier vallon, parallèle à celui de l’après-midi. Bien entendu nous ne sommes pas dans les Alpes. Mais les pentes sableuses chauffées par un soleil maintenant haut dans le ciel malmènent les jambes. Les foulées se raccourcissent. Les rythmes cardiaques grimpent un peu dans les tours. Eliminer un peu les toxines est bon pour l’organisme.

 

A l’occasion d’une courte pause à l’ombre d’un bouleau – et d’une rasade d’eau minérale – le roucoulement d’une Tourterelle des bois se fait entendre. Un angle de vue est rapidement découvert, permettant l’observation de l’oiseau perché au sommet de la tête dégarnie d’un vieux châtaigner. La Tourterelle des bois fait tristement partie de la liste des espèces en fort déclin en Europe. Les comptages qui ont lieu depuis trois décennies dans le Médoc ont enregistré en 2018 leur pire effectif jamais recensé. Un signe alarmant lorsqu’il s’inscrit comme c’est le cas dans une régression régulière, s’accentuant d’année en année : les recensements font état d’une baisse de 44% de la population nicheuse française au cours des dix dernières années (MNHN, 2010) et d'une chute de 60% de la population européenne entre 1980 et 2005 (EBCC, 2007).

 

Les derniers hectomètres…

 

La fin de la balade est aisée et consiste à nous laisser descendre jusqu’au village de Gambaiseuil, aidé en cela par la gravité qui naturellement nous attire vers les voitures. En de nombreux endroits, le chemin est raviné suite aux puissants orages du début de mois. La forêt n’a toujours pas achevé de se vider de son trop plein de précipitations. Les mares sont pleines à ras bord. Certains sentiers toujours impraticables, noyés sous dix centimètres d’eau comme au cœur de l’hiver. En bas, le ru des Ponts Quentin connait un débit comparable à celui d’un mois de mars.

 

Sur un secteur de ressuyage, alors que d’un œil perplexe nous estimons l’itinéraire le moins périlleux pour nos bas de pantalon, une libellule de belle taille vient tout à coup chasser autour de nous. Noire rayée d’or : la seconde Cordulégastre annelée de cette belle journée forestière. Un beau final avant de regagner les véhicules. Au total, ce sont 49 espèces d’oiseaux, 16 de libellules et 19 de papillons de jour qui ont été contactées. Une heureuse moisson avec son lot de surprises et de belles observations.

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Liste des espèces

 

Oiseaux :

Canard colvert, Bondrée apivore, Autour des palombes, Buse variable, Gallinule poule-d'eau, Pigeon ramier, Tourterelle des bois, Tourterelle turque, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette, Hirondelle rustique, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange noire, Mésange huppée, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Troglodyte mignon, Rougegorge familier, Rougequeue noir, Rougequeue à front blanc, Merle noir, Grive musicienne, Grive draine, Fauvette à tête noire, Fauvette des jardins, Pouillot fitis, Pouillot véloce, Pouillot de Bonelli, Pouillot siffleur, Roitelet huppé, Roitelet à triple bandeau, Gobemouche gris, Accenteur mouchet, Pipit des arbres, Étourneau sansonnet, Moineau domestique, Verdier d'Europe, Chardonneret élégant, Linotte mélodieuse, Serin cini, Pinson des arbres

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Mammifères :

Chevreuil européen

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Batraciens, lézards :

Lézard vivipare, Grenouille verte, Grenouille agile

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Libellules :

Caloptéryx vierge, Leste dryade, Pennipatte bleuâtre, Agrion jouvencelle, Agrion mignon, Portecoupe holarctique, Anax empereur, Cordulégastre annelé, Cordulie bronzée, Chlorocordulie métallique, Crocothémis écarlate, Libellule déprimée, Libellule à quatre taches, Orthétrum réticulé, Orthétrum bleuissant, Sympétrum sanguin

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Papillons de jour :

Miroir, Hespérie de la houque, Sylvaine, Piéride de la rave, Piéride du navet, Piéride du chou, Citron, Procris (Fadet commun), Tristan, Myrtil, Demi-deuil, Tabac d'Espagne, Grand Mars changeant, Petit Sylvain, Paon du jour, Vulcain, Petite Tortue, Mélitée des mélampyres

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Papillons de nuit :

Brocatelle d'or, Processionnaire du Pin

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Bibliographie

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CHANSAC Thibaut. Autour des palombes. In :  CORIF. Atlas des oiseaux nicheurs d'Ile-de-France 2009-2014. Paris : CORIF 2017, p. 52.

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EBCC. Lesser Spotted Woodpecker. In : European Bird Census Council. EBCC [En ligne]. EBCC, 2004. Date de dernière mise à jour : 18 avril 2007. [Consulté le 25 juin 2018]. Disponible à l’adresse : http://www.ebcc.info/index.php?ID=186.

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MNHN. Pic épeichette. In : Muséum National d’Histoire Naturelle. MNHN [en ligne]. MNHN, 2010. [Consulté le 25 juin 2018]. Disponible à l’adresse : http://vigienature.mnhn.fr/page/pic-epeichette

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