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23 décembre 2018

De l'eau ! 

Le ciel goutte…

 

Depuis le milieu de la nuit le ciel s’épanche. Il a entendu la forêt se plaindre de la soif. Durant tout l’été ainsi qu’une bonne partie de l’automne. Décidé à combler son retard, il abreuve la terre d’une pluie verticale. Pas une cataracte, mais une pluie tranquille. Régulière. Pénétrante.

 

La sortie du jour est maintenue bien sûr. Car la vie se poursuit sous l’averse – et les plus belles rencontres ne sont pas réservées aux jours ensoleillés. Equipé de pieds en cape, le groupe arrive au bord de l’eau. Le niveau de l’étang est bien monté depuis le début de novembre. Les vasières ont disparu et les roselières sont de nouveau inondées. Sur la gauche du plan d’eau, toute proche, une Grande Aigrette s’envole. De la taille d’un héron et au plumage blanc immaculé, le grand échassier a pris peur à notre approche. Il tourne et nous survole l’espace d’un instant pour disparaître derrière la haie, s’éloignant vers un coin tranquille.

 

A droite, trois Cygnes tuberculés nagent de façon placide. Tout aussi blancs que l’aigrette, ils se montrent bien plus confiants. Plongeant leur long cou dans l’eau, les cygnes broutent les plantes aquatiques tapissant le fond. A seulement vingt ou trente centimètres de profondeur, la nourriture est parfaitement accessible. Avec des gestes lents, les cygnes progressent le long de la berge pour finalement s’éloigner sans aucune crainte.

 

La pluie dessine une myriade de cercles à la surface de l’étang. Les nuées aux multiples nuances de gris s’en vont flegmatiques vers le nord-est. Le vent est très faible. Des Grands Cormorans au plumage noir de jais passent d’un étang à l’autre. Aussi noir que l’aigrette est blanche. Le Yin et le yang. Et partout, des « psiii ». Sonores. Puissants. Des Grives mauvis posées dans les haies d’aubépines se gavent de baies. La fructification – dopée par la sécheresse – est cette année abondante. De quoi rassasier bon nombre de passereaux hivernants.

 

Et tout à coup, le cri explosif de la Bouscarle de Cetti. Petit oiseau frileux décimé par les hivers froids du début des années 1980, la Bouscarle de Cetti progresse aujourd’hui à l’intérieur des terres. Revenue dans le sud des Yvelines à la fin des années 1990, son chant retentit à nouveau au bord des étangs et dans les marais de la région.

 

Sur l’eau, de nombreux canards stationnent. Les hivernages sont maintenant bien entamés même si pour l’heure, le froid n’a pas encore été très vif. Des Canards chipeaux trônent au centre de l’étang. Une vingtaine d’oiseaux dont les mâles s’identifient aisément à leur livrée gris argenté. Les femelles – très semblables à celles des Canards colverts – arborent une tache blanche à l’arrière de l’aile (appelée « miroir ») typique de l’espèce. Visible même lorsque l’aile est repliée. Deux Sarcelles d’hiver – canards de petite taille – traversent l’étang de la rive nord à la rive sud. Disparaissant à l’abri des roseaux, les deux oiseaux ne ressortent plus à découvert.

 

Lorsque l’oiseau du jour longe à son tour une ligne de végétation. Un magnifique canard, à la silhouette effilée. Les longues rectrices centrales attirent immédiatement l’œil : un mâle de Canard pilet. L’oiseau est probablement un jeune individu car son plumage n’est pas encore parfait. Il manque notamment la virgule blanche courant le long de la nuque et qui sera acquise dans les semaines à venir. Le pilet, bien que d’observation annuelle, est une espèce rare sur les étangs du massif forestier de Rambouillet, de passage principalement au mois de mars et dans une moindre mesure en octobre et novembre. Une belle surprise donc en cette fin décembre.

 

Les arbres s’égouttent…

 

La pluie finit par diminuer. Puis par cesser. Un répit bienvenu. Quoique au-dessus du chemin forestier que nous suivons, les arbres, maintenant, s’égouttent… Les oiseaux sont toutefois actifs. Pics verts et Pics épeiches crient à différentes reprises. Le puissant staccato du premier, audible à plusieurs centaines de mètres de distance. La note aigue, claire, du second lorsque le promeneur passe à proximité de l’arbre dans lequel il cherche sa nourriture.

 

Et comme au bord de l’eau, les « psiii » des Grives mauvis tombent du haut des arbres. Des oiseaux sont posés dans les grands chênes mais restent la plupart du temps invisibles dans l’inextricable écheveau de branches des houppiers. Lorsqu’elles se déplacent ou lors d’un envol général, l’observateur au sol aperçoit des bolides de couleur brune gros comme des étourneaux. Au moment de la migration de prénuptiale en février-mars, les oiseaux sont plus faciles à observer. Une magnifique grive apparaît alors dans les jumelles, avec son fort sourcil et ses flancs roux.

 

Les arbres, dépouillés de leurs feuilles, rendent toutefois les oiseaux plus visibles. Trahis par leurs mouvements, les boules de plumes posées sur les branches se détachent souvent sur le ciel. C’est le cas des rondes de mésanges. Territoriales en période de nidification, les mésanges se regroupent fréquemment à la mauvaise saison. Des groupes se forment alors réunissant plusieurs individus de différentes espèces. Des Mésanges bleues côtoient alors des Mésanges à longue queue ou des Mésanges nonnettes. Des Mésanges charbonnières s’observent aux côtés de Mésanges huppées…

 

Dans une parcelle coupée voici une dizaine d’années et dans laquelle ne demeurent que quelques grands chênes, la lumière devient moins terne. La pluie reprend faiblement mais tient davantage du crachin. Un Grosbec casse-noyaux passe au vol, identifié à la fois par sa silhouette robuste et par son cri sifflé si caractéristique. Un Bouvreuil pivoine navigue dans l’épais taillis. L’espèce affectionne en effet les jeunes peuplements forestiers. Ses petits cris flûtés retentissent et se déplacent en même temps que lui. L’oiseau reste malheureusement dans le fouillis végétal.

 

A la fin de la sortie, de nouveau sur la digue près des véhicules, une dizaine de Grandes Aigrettes pêchent. Statues de cire, imperturbables et immobiles, les oiseaux attendent patiemment qu’un poisson imprudent s’aventure à portée de bec. A cet instant, l’échassier reprend alors vie et pris de fulgurance harponne son déjeuner.

 

Aux environs de midi, le parcours d’environ cinq kilomètres et quarante-trois espèces contactées s’achève. Une liste intéressante en ce cœur d’hiver. Avec de belles images devant les yeux – ainsi que dans l’appareil photo pour certaines d’entre elles.

 

Liste des espèces

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Oiseaux :

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Grèbe huppé, Grand Cormoran, Héron cendré, Grande Aigrette, Cygne tuberculé, Cygne noir, Bernache du Canada, Canard colvert, Sarcelle d'hiver, Canard pilet, Canard chipeau, Fuligule milouin, Buse variable, Gallinule poule-d'eau, Foulque macroule, Vanneau huppé, Pluvier doré, Goéland leucophée, Mouette rieuse, Pigeon ramier, Martin-pêcheur d'Europe, Pic vert, Pic épeiche, Corneille noire, Geai des chênes, Mésange charbonnière, Mésange bleue, Mésange nonnette, Mésange à longue queue, Sittelle torchepot, Grimpereau des jardins, Rougegorge familier, Merle noir, Grive mauvis, Bouscarle de Cetti, Grosbec casse-noyaux, Chardonneret élégant, Tarin des aulnes, Linotte mélodieuse, Bouvreuil pivoine, Pinson des arbres, Bruant jaune, Bruant des roseaux

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